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Sommaire - Interviews -  Jacques Vedie


"Jacques Vedie" de Emmanuel Collot


Noranae
Jacques Vedie
Jean-Renaud Robert
10/10

L’ histoire littéraire est pleine de ces légendes qui ont vu des oeuvres publiées sous des faux noms (l’affaire Romain Gary) par nègre interposé (Dumas se servant de la main de Paquet pour asseoir son succès littéraire ? ) ou en croisant pour un temps deux styles d’écritures pour le plus grand plaisir des lecteurs (le cycle du Talisman des territoires de King et Straub) . Force est de reconnaître que cette méthode d’écriture à quatre mains a été plus honorée dans les littératures de l’imaginaire que dans la littérature générale, peut-être plus intimiste et réservée quand à ces collaborations qui peuvent fâcher. Il semblerait que ce soit en fantasy que cette méthode soit la plus prolifique, peut-être parce qu’il y a moins de considérations mercantile et autres problèmes d’ego.
Alors qu’on est toujours en attente du retour du grand Serge Lehman en sf et que la perspective d’une collaboration entre Gemmel et Barclay laisse rêveur c’est en fantasy qu’ont lieu les plus grandes et louables entreprises.

Pour exemple nous prendrons cet ovni que constitue Norânaë de Jacques Védie et Jean-Renaud Robert.
Publié en octobre 2003 c’est en 2004 que ce livre commence a se tailler une solide réputation auprès des lecteurs. Norânaë est un monde à lui tout seul, avec sa géographie, ses codes de magie et ses ethnies. Deux jeunes rôlistes, Cedric et Ryan, vont se voir arracher à leur monde par un concours de circonstances qui va les jeter au premier plan d’une aventure haute en couleurs où les fracas des armes et les multiples intrigues sont des faire valoir quand au thème central qui est un hymne à l’amitié. Enlevés par un puissant mage de la castes des Namlaë au retour d’un jeux de rôle grandeur nature, ils sont emmenés dans le monde de Norânaë. Keyos, mandaté par les mages s’empare par erreur des jeunes joueurs en pensant mettre la main sur l’esprit de Nil’Koran. Mais le voyage du retour en Norânaë est un fiasco causé par l’action magique et involontaire d’un apprenti mage qui perturbe la translation magique et fait échouer Cédric et Ryan en territoire inconnu (en Ordanor) en proie aux peuplades autochtones. Sur leurs épaules va désormais reposer l’avenir d’un monde (ils sont supposés être les réincarnations de l’esprit de l’ancien roi de ce monde) et une quête pour ce troisième esprit du roi sauveur en des contrées sauvages, ainsi que la lutte acharnée contre des ennemis gagnés à leur perte. La plus grande qualité de ce roman est la fraîcheur avec laquelle ses auteurs font partager cette histoire pleine de rebondissement et forte en sentiments. L’intrigue est bien plantée, le style incisif n’est pas minimal et économe comme c’est le danger qui guette ces livres écrits par des anciens amateurs de jeux de rôle. Pouvoirs mentaux, maîtrise élémentale, sorts, langues étrangères, tous les archétypes de la fantasy sont là disséminés en un savant dosage qui fait de ce roman une totale réussite stylistique et scénaristique. Tous les pièges sont évités avec une même passion et une insouciance qui va droit au cœur et confère à l’histoire une dynamique propre qui lui permet de survoler la plupart des autres histoires trop plombées que nous servent d’autres plumes trop nourries au jeux de rôle et pas assez à l’écriture. On pense à Guy Gavriel Kay et à sa Tapisserie de Fionavar pour cette quête commandée à des adolescents qui sera comme un arrachement à l’enfance et une mise en présence avec cette douleur du monde propre au désenchantement.
Mais le remarquable exploit de Jacques Védie et Jean-Renaud Robert est d’avoir su sauver le magique d’une telle désillusion propre à cette prise de conscience, et la fin est comme un rappel et un hymne au mystère de ce monde, de ce Norânaë, pierre angulaire d’une grande aventure et d’une maturation. Les échos de la marche irrémédiable du temps confèrent au roman une certaine nostalgie du pays à jamais perdu de l’enfance et cette force qu’elle a de tenir ses promesses quand au grand retour que chaque femme, chaque homme attend toute sa vie en secret, bien plus qu’en n’importe quel dieu ou dogme. Une fantasy épique finissant comme un récit plus intimiste qui évoque Bradbury et Finney pour ce moment du souvenir dont les larmes salées sont là pour nous rappeler la cruelle absence. Jean-Renaud Robert a confié les rênes à Jacques Védie pour la suite de cette touchante saga, souhaitons que cette mélodie de l’aventure se poursuive longtemps, on en a tellement besoin.
A signaler pour compléter ce grand plaisir de lecture la magnifique couverture de Jean-François Paupy, entre Druillet, Charles Vess et Formosa, un remarquable artiste dont on aimerait entendre parler plus souvent.

Emmanuel Collot

Norânaë, Jacques Védie et Jean-Renaud Robert, Cylibris, 434 pages, 19 Euros

Entretien avec Jacques Védie chez Tom Bombaldil entre une chope et un gâteau

SF-Mag : Bonjour Jacques pourrais tu brièvement te présenter aux lecteurs ?

J-V : Bien-sur ! J’ai 37 ans comme Jean-Renaud et vis à Villepreux dans les Yvelines auprès de ma femme et de deux adorables petits lutins.Quand à Jean-Renaud il vit à St Médar en Jalles Girondes avec femme et deux lutins également.

SF-Mag : Pourrais-tu nous exposer ton parcours en quelques mots ?

J-V : Après un Bac B j’ai été envoyé au fin fond de l’Allemagne pour effectuer mon service militaire ;après une année "passionnante" sous les drapeaux, j’ai repris mes études en Deug AES puis j’ai raccroché. Au niveau professionnel, j’ai roulé ma bosse, comme on dit. Je me suis essayé au boom Internet, j’ai formé des médecins à l’informatique pour les préparer à la carte vitale et je travaille actuellement dans une boîte de marketing, au département qualité. J’ai également vécu une longue période de chômage qui m’a tout de même permis de finir Norânaë. J’ai diverses passions, motos, (route et tout terrain) , cinéma, lecture........

SF-Mag : Norânaë qui est le premier volume des terres émergées est il ta première expérience littéraire ?

J-V : Non à vrai dire c’est entre 16 et 17 ans que j’ai commencé à vraiment écrire avec un premier roman de SF, que je n’ai jamais osé envoyer à un éditeur. J’étais trop critique avec ce récit malgré les encouragements de mon prof de Français de l’époque. Il attend toujours dans ma bibliothèque, et peut-être qu’un jour je m’y replongerai.

SF-Mag : As-tu d’autres activités hormis l’écriture ?

J-V : J’ai écrit durant une dizaine d’années des scénarios de jeux de rôles sur table pour une utilisation plus personnelle ou avec des amis. Puis je me suis lancé dans le grandeur nature par l’écriture de deux scénarios (ainsi que la création des décors, les costumes, etc....J’étudie actuellement un projet de grandeur nature pour enfant.

SF-Mag : Parle-nous un peu de ta rencontre avec Jean-Renaud ?

J-V : J’ai cité plus haut l’épisode du service militaire, ce n’est pas pour rien. En fait, j’ai rencontré Jean-Renaud là-bas et nous avons fait nos classes ensemble avant qu’il ne parte pour une autre caserne. A l’époque, j’avais un look plutôt cool, Jean-Renaud, lui, était plutôt bcbg. Aucune raison pour que l’on fasse connaissance. Pourtant, nous allons nous rencontrer à Strasbourg, au milieu de centaines de mecs aussi paumés que nous. C’était en 1987. Ce jour là on a débuté une amitié qui continue encore....... C’est cette rencontre qui entraînera le projet Norânaë.
Pendant les quelques semaines que nous passerons ensemble, puis au cour des années suivantes, nous découvrirons que nos passés respectifs sont remplis de similitudes. Nos passés mais également notre quotidien ; Il nous arrive fréquemment les mêmes choses, et parfois même à notre entourage proche. Evidemment c’est vite devenu un jeu, et le moindre détail est amplifié. Mais ces faits ont réveillé mon imagination et l’histoire de Norânaë s’est imposée à moi.
Je me suis posé des questions sur les raisons qui semblaient nous attirer l’un vers l’autre. J’ai imaginé des hypothèses diverses, comme la réincarnation, mais dans les deux êtres au lieu d’un seul. Ainsi j’ai développé, imaginé un phénomène lié à d’autres mondes, des raisons non naturelles et de fil en aiguille, l’idée a pris forme. Cela faisait longtemps que j’attendais une idée valable pour mettre en branle la mécanique de création d’un univers bien particulier. Je me suis donc lancé. J’en ai parlé alors à Jean-Renaud qui m’annonça alors qu’écrire un livre était également son rêve. Nous avons commencé ensemble et huit ans plus tard, nous nous battons pour faire connaître notre livre.

SF-Mag : Peux-tu nous raconter l’aventure de ce manuscrit qui deviendra Norânaë ?

J-V : Et bien il fallut un an pour créer le squelette du livre (chapitres, personnages, lieux, paysages.....)
Deux ans pour l’écrire (j’écrivais, et envoyais les pages au fur et à mesure à JR, qui donnait son avis, puis renvoyait)
1999 : distribution de manuscrits aux principales maisons d’éditions sans grand succès..
Plusieurs corrections complètes du roman.
2000 : concours Les Stylos d’or sur Internet. Une soixantaine de romans tout style en compétition. Norânaë termine second.
Mais 2001 : envoi à trois nouvelles maisons d’éditions.
Le premier Septembre 2001 signature avec Cylibris.
Octobre 2003 : publication

SF-Mag : Dans toute création littéraire il y a souvent des inspirations qui poussent à écrire et à plus forte raison quand il s’agit de la Fantasy. Peux tu évoquer les sources qui par on ne sait quel mystère de la création t’ont amené à cet incroyable Norânaë ?

J-V : C’est toujours très difficile d’en parler car en fantasy c’est toujours très stéréotypé. Disons qu’il y a un maître unique comme pour beaucoup d’autres. Il s’agit bien sur de Tolkien dont la huitième lecture n’entame en rien le plaisir que j’ai à le lire. Hormis les quelques livres de Royaumes oubliés dont j’ai fais une lecture bien ennuyeuse il y a un cycle que je cite souvent dans mes inspirations directes. Il s’agit du remarquable cycle de Thomas l’incrédule de Stephen Donaldson. Mais je dois avouer que mes lectures en fantasy sont très pauvres. La fantasy je l’ai surtout vécu au travers des scénarios que j’ai écrit, au longues nuits passées à guider mes amis, et au travers des films ; en fait mes lectures sont plutôt orienté en SF avec quelques trois cent lectures à mon actif (Asimov, CJ Cherryh, Moorcock, Van Vogt, AC Clarck, PH K Dick, Simak, Haldeman, Barjavel.....)
.
Je dois également un hommage particulier a Lovecraft et Poe.

SF-Mag : Comment s’est passé l’accueil de Norânaë auprès des critiques et du publique ?

J-V : En ce qui concerne Norânaë, je découvre avec étonnement et plaisir les avis des premiers lecteurs. Je m’étais posé des questions lors de la lecture des commentaires du jury lors du concours Les Stylos d’or, me demandant s’ils ne parlaient pas d’un autre livre ; mais cela continue, et les gens semblent, pour l’instant, apprécier mon style d’écriture et l’histoire. Le pls formidable, c’est que ceux qui n’ont jamais lu de sf ou de fantasy et les amateurs de sf apprécient pareillement le livre. Aujourd’hui, quoiqu’il arrive, je suis heureux, parce que les gens ont pris du plasir. C’est ce qui importe. Le reste, je le laisse au néant.

SF-Mag : Parlons un peu de Norânaë au futur ?

J-V : Un site est né consacré à Norânaë avec une belle innovation, une bande musicale qui retranscrit de merveilleuses mélodies inspirées du roman. Quand au futur et suite à la demande de nombreux lecteurs, je termine un second tome commencé il y a deux ans. Cette fois, je suis seul. Jean-Renaud n’ayant pas eu le temps de s’y consacrer. Je ne sais pas s’il sera publié, mais je pense avoir progressé, ........, on verra bien....
devenir écrivain est un beau rêve mais en vivre est quasiment impossible. Les maisons d’éditions françaises ne rendent pas la vie facile aux auteurs inconnus. Je ne me fais pas trop d’illusions. Mais je suis un grand rêveur, et il est plaisant d’imaginer que l’on parle un peu moins, un jour prochain, de Poudlard, et un peu plus des Terres émergées et d’autres romans.......

SF-Mag : Merci Jacques, j’éspère que ce long labeur portera ses fruits et que la suite de Norânaë poindra le jour sous peu avec le même plaisir qu’il en fut pour le premier. Beaucoup t’attendent assis sous le porche de l’éternité.

L’histoire de Norânaë est l’histoire d’une amitié qui a germé en deux individus que tout séparait mais qu’un même plaisir de raconter a motivé pour engendrer cette autre pierre apposée sur le roc édifié jadis par Morris, Eddison, Dunsany puis le monumental Tolkien. Mais c’est aussi un relais, un retour à une plume unique pour poursuivre un rêve, une histoire sans fin commencée à deux. Le mouvement est donné pour donner à la fable la texture d’une vaste quête dans un monde si loin si proche, le monde de Norânë, que le regard de Cybele, caresse avec bonté.

Le blog : http://lesmondesmeles.unblog.fr/

Emmanuel Collot




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