10/10
Après un premier tome qui marquait l’entrée fracassante de cet expert steampunk dans la Fantasy de masse, voici que nous arrive enfin la suite. Inutile de préciser que la surprise est grande et la qualité au rendez-vous, chose parfois difficile à réaliser quand comme Keyes on parvient à autant d’excellence de style.
Clotheryn est sous l’emprise d’un mal millénaire, un mal qui s’est éveillé sous le nom du légendaire Roi de Bruyère. D’étranges rejetons des ténèbres, des créatures issues des pires enfers ont fait main basse sur la pays, enserrant villages, monts, forêts et vallées et transformant leurs habitants en d’incroyables monstres assoiffés de sang. Pendant ce temps, les séides du terrible prêtre Praifec Hespero se lancent sur la piste du Roi de Bruyère. Leur but est, au moyen d’un vieil objet, de terrasser le Roi légendaire et répandre la sainte religion dans tout le pays, but secret et ultime de cet ordre millénaire. Le Roi d’Eslen est mort, Anne sa fille est aidée dans sa fuite par sa mère, la Reine Murielle. Anne devra se débrouiller seule et gagner avec hâte le sanctuaire sacré des ancêtres d’Eslen, tel est son destin. Quand à Stéphane, Winna et Aspero le tueur envoyé par Hespero pour terrasser le Roi de Bruyère, ils vont au fil de leur quête, se rendre compte combien l’Eglise régnante est un pouvoir mensonger et que de le contredire sera plus salutaire. Car comme il est dit souvent des pouvoir les plus doctes, Praifec Prospero sert-il lui même la cause de l’Eglise où n’y aurait-il pas quelque dessein plus sinistre impliquant d’autres sphères de pouvoir, qui elles ne servent qu’elles mêmes. C’est à cette stupéfiante révélation que les chasseurs du Roi légendaire vont devoir se confronter, avec les conséquences que cela entraînera. Quand à Leshya, elle sera ce troisième personnage qui rentre souvent dans une histoire d’amour, comme dans toutes les tragédies ou les contes. Parti d’une intrigue entièrement centrée sur le personnage de la Reine Murielle, Keyes a ce don, tout comme Martin d’ailleurs, pour procéder par amplification, partir du drame le plus intimiste pour lui faire revêtir les voiles des tragédies les plus universelles, magie et humanité allant de pair, empruntant l’une à l’autre le pas pour entamer une danse mortelle et terrible..
D’autres questions sont soulevées dans ce second opus, comme de savoir la date à laquelle se déroule cette histoire, l’évocation de ce grand événement qui il y a 2000 ans aurait vue l’humanité sauvée par la main d’une reine ???
Et quand est-il de cette vieille prophétie arguant que seule la Reine rétablit sur son trône pourra empêcher que quelque chose ne vienne par le passage interdit pour répandre peine et chaos. Le second volume est arrivé et on se remet à peine du premier. Keyes s’élève au niveau de Martin et Hobb dans un stupéfiant périple en un royaume de Fantasy nimbé du clair obscur glauque des contes anciens, ceux qu’il ne fallait que chuchoter au risque de réveiller les anciennes puissances.
de grandes choses sont contées, la geste sauvage mais aussi des réflexions sur le pouvoir, sur la vérité, sur l’histoire. Bien plus, Keyes, tout comme Martin, parvient à donner à ses personnages une dimension humaine, on sent qu’ils vivent, que leur coeur palpite, mais bien plus on les voit songer, monologuer, l’armature d’un rideau devenant le médiateur entre une femme et un monde dont la lumière du soleil devient aussi noire que celle des galaxies.
Dès lors, on se devra lire ce second volume plus comme un conte de Fantasy qu’une banale bande de Fantasy. Parce que tout en instaurant un climat délétère dans un monde en proie à des forces noires, Keyes installe en plus une nouvelle dimension des personnages. Ils apparaissent comme plus réflexifs, moins dépendant d’une histoire, imprévisibles même, fragiles comme leur monde.
Une histoire terrible, alliant politique et magie, doutes et certitudes, guerres et errances. Superbe !
La troisième volume s’intitulera "Le Chevalier de sang", et on peut logiquement en déduire qu’il nous étonnera encore plus........
Le Prince Charnel, Greg Keyes, Les Royaumes d’épines et d’os 2, Fleuve Noir, Rendez-vous Ailleurs, traduit de l’américain par Jacques Collin, Couverture de Didier Graffet, 20 €.