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Sommaire - Interviews -  Senchiro


"Senchiro" de le mangaka français auteur de Sweet Konkrete


Interview de Senchiro le mangaka français auteur de Sweet Konkrete

Comment Rodolphe Balageas est-il devenu Senchiro ?

Je dessine depuis tout petit. Je me souviens au primaire m’être dit que je deviendrai auteur de manga plus tard, sans même savoir si c’était possible...
Mais ce n’est qu’à mon arrivée au lycée que je m’y suis mis sérieusement. Je voulais progresser, j’avais acheté du matériel, etc.
Je me suis donc inscrit sur un forum de manga amateur. C’était la première fois que je m’inscrivais en ligne quelque part, je n’avais aucune idée de quel pseudo choisir !
Du coup, j’ai pris le premier mot "stylé" qui me passait par la tête (la vie était tellement simple autrefois).
Une fois mon contrat d’édition en poche, je me suis posé la question de signer avec mon vrai nom ou ce pseudo. J’ai choisi de le garder, car les gens m’ont vu évoluer et me connaissent sous ce nom.

Pourquoi avoir choisi la voie du manga plutôt que celui de la franco-belge ?

J’ai été bercé par ça depuis mon enfance. J’ai grandi avec des dessins animés comme Pokémon, Digimon, Olive & Tom ou encore Yugioh. Comme ces derniers se retrouvaient aussi en format papier, je me suis naturellement tourné vers ça.
Et puis, je n’ai jamais vraiment été intéressé par les "classiques" du franco-belge comme Astérix, Spirou ou Tintin.
D’un côté, j’avais des histoires sérialisantes, très prenante et "extrême" dans leur façon de raconter et de montrer les choses, avec plus de pages. Et de l’autre, peu de pages, des histoires anthologiques très souvent, et surtout plus sages. Ça me paraissait un peu "fade" en comparaison.
Aujourd’hui encore, si je lis de la BD franco-belge, je vais préférer les One shot et les BD hybrides type "Shangri-La" ou encore "Il faut flinguer Ramirez" qui n’hésitent pas à prendre la place qu’il faut et à se lâcher.

Comment définiriez vous le manfra ?

Je dirais plutôt manga français, car je ne pense pas qu’il y ait de réelles différences de style graphique ou de narration avec ce que produisent les Japonais.
Je veux dire par là qu’on n’est pas encore sur des différences comme on peut en retrouver dans les différents type de cinémas par exemple, où la mise en scène et les dialogues vont être spécifiques de certaines écoles liées à un pays ou autre.
Pour l’instant, les histoires diffèrent simplement de par le vécu et de l’environnement des auteurs, qui vont aborder des thèmes plus "français" et ont des personnages avec des comportements et des mœurs plus "occidentales" je dirais.
Ça reste tout simplement de la BD au final.

Pourquoi utiliser un sens de lecture japonais ?

À force de lire des mangas dans ce sens de lecture, on développe instinctivement une grammaire visuelle et narrative qui fonctionne mieux de droite à gauche. Je me souviens avoir essayé le sens de lecture occidental lorsque je travaillais sur ce projet, et il m’est arrivé plusieurs fois de coincer sur une scène, car une composition de cases ne fonctionnait pas dans ce sens de lecture.
Je pense que d’un point de vue d’auteur, il s’agit plus d’une habitude, d’un confort.
Pour l’éditeur, il y a sans doute un côté marketing, dans le sens où tout est fait pour ne pas trop perturber le lecteur dans ses habitudes.

Quel est votre base culturelle dans le domaine de l’imaginaire ?

J’ai grandi avec les livres jeunesse classiques comme "Max et les Maximonstres", "Les 3 brigands" ou encore les livres de Claude Ponti qui m’ont fasciné quand j’étais enfant.
En termes d’animation, j’ai surtout été marqué par le "Alice aux pays des merveilles" de Disney qui me reste encore en tête aujourd’hui. Bien sûr, les Ghibli avec "Le voyage de Chihiro" dont je tire énormément d’inspiration.
Puis vers l’adolescence, j’ai vu une compilation de court-métrages d’animation qui m’ont tellement marqué que je m’en suis souvenu pendant plus de 10 ans sans pouvoir me rappeler du nom de l’œuvre. Quelques années plus tard, j’ai appris qu’il s’agissait de "Memories" de Otomo & Satoshi Kon. C’est encore aujourd’hui un de mes films d’animation préféré.
Côté manga, "Jojo’s Bizarre Adventure" est mon œuvre préférée depuis mes 8 ans, mais ce sont surtout des œuvres plus contemporaines comme les Big 3 (Naruto, Bleach et One piece) qui m’ont influencées étant ado.
Plus récemment, des mangas comme "Blame" ou encore "Dorohedoro" m’ont pas mal inspiré de par leur ambiance assez forte. Et dans les dernières années, "Dead Dead Demon’s Dededededestruction" ou encore "Dandadan" sont les œuvres que je lis et analyse le plus.

Quelle est l’idée de base qui a donné naissance à Sweet Konkrete ?

C’est en regardant une vidéo YouTube sur la Citadelle de Kowloon que j’ai eu l’idée. Il s’agissait de l’endroit le plus densément peuplé au monde dans les années 90 à Hong-Kong. Lorsque j’ai vu ça, je me suis immédiatement renseigné et en lisant l’histoire de cet endroit et en regardant les différentes photos d’archives, je me suis dit que ça ferait un endroit parfait pour une histoire.
À cette période, je venais de lire "Shangri-La" de Mathieu Bablet, qui avait été un tournant pour moi, car j’ai compris à ce moment-là que j’adorerai créer des décors et des environnements. C’était donc parfait pour me lancer dans ce projet.

L’expression « Comme un échange équivalent » rappellera quelque chose aux amateurs de manga.

Oui, cela provient de "Full Metal Alchemist" un manga considéré comme classique pour beaucoup de lecteurs. Bien que je n’aie jamais lu le manga en version papier, je me souviens avoir regardé quelques épisodes du 1er anime avec grand intérêt au primaire. À l’époque, ça passait sur Canal+ en clair.
Plus tard, j’ai revu le second anime, cette fois-ci en entier. C’est une excellente histoire et un des rares grands shonen à être parfaitement maîtrisé du début à la fin.
Comme il y a une notion de dualité sur plusieurs niveaux dans Sweet Konkrete, je trouvais intéressant de pousser l’idée à fond et que les personnages ayant des pouvoirs aient aussi à gérer un contrecoup.
On n’a rien sans rien dans la vie, il y a toujours un prix à payer, un sacrifice à faire.

Comment l’héroïne a-t-elle été créée ?

Au début du projet, Diego était censé être le personnage principal et Asa était l’élément perturbateur de l’histoire, son arrivée dans la Citadelle allait tout chambouler. Finalement, ça n’a pas tellement changé.
Même si j’ai imaginé Diego en premier, je me souviens l’avoir développé en duo avec Asa, dès le début. J’ai toujours adoré les duos de personnages, je trouve qu’on s’y attache plus vite, car il y a tout de suite une dynamique et on apprend à les connaître plus vite.
Dès le début, Asa avait pour objectif de résoudre un mystère autour de son père. J’ignore pourquoi j’ai choisi ce point de départ, mais quelles que soient les versions par lesquelles le projet est passé, je n’ai jamais réussi à me détacher ou à trouver une meilleure idée d’objectif pour le personnage.
C’est surtout ce qui l’entoure qui a évolué : la situation à Cielazur, ses collègues de la police, l’arme de son père, etc.

Quel est cet univers ? S’agit-il de rétrofuturisme ?

Pas vraiment. Mes inspirations ne se situent pas vraiment dans la SF (bien que j’adore ça et que j’en ai beaucoup lu et vu).
Disons que j’essaie plutôt de reproduire au dessin les sensations que m’évoquent les villes médiévales françaises que j’ai pas mal visitées ou les villes d’Asie.
J’aime être perdu dans une petite ruelle au milieu d’une ville où les rues s’entrecroisent, où passes des arches, où on peut apercevoir le toit d’une église ou d’un bâtiment en hauteur, etc.
C’est un peu comme être dans un labyrinthe, il y a quelque chose d’excitant, un appel à la découverte.
Mais si je devais vraiment donner un courant de SF, je dirais plutôt le Solar Punk (j’ai découvert le terme il y a peu). Je m’inspire énormément d’artistes comme Imperial Boy, dont les travaux montrent une vision presque opposée au Cyberpunk, où les villes sont certes denses et labyrinthiques, mais où il y a de la lumière, de la végétation, une sorte d’harmonie avec la nature. Certains artistes qui ont suivi Imperial boy y ajoutent un côté récupération, recyclage, ce qui donne un décalage assez intéressant. Il y a presque un côté "pays du tiers-monde, mais dans le futur".
C’est ce côté que j’essaie d’appliquer dans la Citadelle, qui est censée représenter un autre modèle de société possible lorsqu’on la compare avec la ville de Cielazur.

Quel est l’avenir de la série ?

Les 3 premiers tomes forment un 1er arc narratif. Il y a une forme de conclusion, mais l’histoire n’est pas finie.
J’ai une fin en tête, mais je n’ai aucune idée du nombre de tomes qu’il me faudrait pour y arriver.

Votre série de science-fiction Space Traveler verra-t-elle le jour ?

Space Traveler est un manga de SF/Space opéra que j’ai réalisé pendant mes années lycée/fac.
Disons que c’était plus une œuvre pour me faire les dents, prendre du niveau afin de viser l’édition.
Je ne sais pas si je reprendrai l’histoire telle quelle un jour, d’autant que certaines thématiques que j’abordais à l’époque sont assez similaires à celles de Sweet Konkrete. Mais il y a des éléments comme le parkour (pratiqué par les héros) ou l’aspect voyage spatial et mystère de l’univers qui me passionnent toujours autant et qui pourraient tout à fait être repris plus tard.

Propos recueillis par Damien Dhondt

Voir la chronique de Sweet Konkrete 1 du même auteur ici :https://www.sfmag.net/spip.php?article15988




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