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Sommaire - Interviews -  Don Hall / Roy Conli "Les Nouveaux héros (Big Hero 6)"


"Don Hall / Roy Conli "Les Nouveaux héros (Big Hero 6)"" de


Interview Roy Conli / Don Hall

C’est avec une extrême gentillesse et dans une super ambiance que Don Hall et Roy Conli nous reçoivent dans un grand hôtel parisien. S’engage alors une discussion endiablée, à la fois passionnante, très drôle (le rire fuse souvent) et ils nous livrent bien des secrets sur la fabrication de l’animation chez Disney.

SFMAG : Pourquoi puiser dans l’univers Marvel pour celui-ci ?

DH : Réponse très facile.... Je l’ai adoré ! En tant que réalisateur vous devez trouver un matériel, une source qui vous passionne, si le réalisateur n’est pas passionné par son sujet, personne ne le sera. Donc John (Lasseter) nous fait toujours nous poser la même question, « qu’est-ce qui nous passionne ? Qu’est-ce qui nous inspire ? » Quand je finissais « Winnie The Pooh », j’ai commencé à penser à ça, car c’était vraiment le moment de penser à quel serait mon nouveau projet. Etant enfant j’adorais l’animation Disney et j’adorais les bandes dessinées Marvel. C’est cette combinaison qui a fait que je suis tombé amoureux avec le fait de raconter une histoire par le dessin, cela m’a profondément « parlé ». J’ai eu beaucoup de chances car Disney venait juste d’acquérir Marvel... en fait juste pour moi... (on rit), mais l’idée de mixer Disney et Marvel, qu’est-ce que cela pourrait bien donner ? J’ai pitché l’idée à John (Lasseter), il a adoré et m’a dit « va trouver le matériel que tu veux... »

SFMAG : N’était-ce pas un risque d’y insérer le monde japonais ?

DH : Ça n’a jamais vraiment été un problème ! La raison du facteur « japonais » c’est la source de connexion avec le matériel original « BIG HERO 6 », que je n’avais jamais lu étant enfant. Honnêtement, je l’ai trouvé sur le site Internet... Durant mes heures de déjeuner je compilais une liste de matériels intéressants et d’idées et, à un moment, je suis tombé sur « BIG HERO 6 » et je me suis vraiment demandé « c’est quoi ce truc ? » C’est en fait une équipe de super héros japonais, basée à Tokyo... Je me suis procuré les BD, j’ai tout lu... j’adore les personnages j’adore le ton de l’histoire. De plus, j’ai vraiment pensé que nous pourrions avoir une histoire pleine d’émotion avec ce petit génie de 14 ans qui perd son frère et son robot qui devient essentiellement son guérisseur. Pour moi, le point central émotionnel était là, mais cette BD était vraiment obscure et très peu connue, d’ailleurs je peux vous dire que, même Marvel, a dû regarder ses propres dossiers pour savoir ce dont on parlait : « Oh ! C’est nous ça ? » Je pense que Disney l’a immédiatement pris en production à cause justement de son contexte émotionnel.
RC : Tout à fait, le contexte émotionnel ! Tout le monde comprend ce contexte : un jeune garçon perd son frère et ce garçon est « réparé » par l’invention extraordinaire de ce même frère... ce robot nommé « Baymax ». Pour nous, il ne fallait pas aller plus loin. Sincèrement, le film a été fait en trois ans et demi -ce qui est vraiment très court pour un film d’animation- mais le concept était tellement fort et le corps émotionnel de l’histoire tellement fascinant, que le film à Disney est passé devant d’autres projets. L’année dernière fut folle. Nous avons travaillé treize heures par jour, six jours par semaine ; je m’assurais des week-ends, mais c’était du boulot à 150%. La production a vraiment monté une famille si je puis dire.
DH : Pour revenir à votre question, le contexte japonais n’a jamais été une décision de marketing, le Japon est un marché émergeant, tout est vraiment venu de la BD. Quand nous avons rencontré Marvel, ils ont adoré l’idée et nous ont dit de ne pas nous inquiéter de leur univers. Ils ont un univers très spécifique, surtout l’univers cinéma, tout fonctionne bien pour eux de ce point de vue.
RC : Marvel tout va bien pour eux, pas d’inquiétude
DH : Ils nous ont dit : « Ne vous préoccupez pas de notre univers, Avengers, etc.. Prenez « BIG HERO 6 » et faites en votre monde. Nous voulons voir ce que vous en faites ! » Ils m’ont dit personnellement qu’ils étaient très impressionnés par « Tangled » (Raiponce, ndlr), et pour eux Disney fait vraiment de l’animation de qualité. C’est de là que nous sommes partis et c’est de là qu’est partie la question : L’univers Marvel est New York City, leur bureau est à New York et ils n’ont qu’à regarder par la fenêtre et inventer leurs histoires. Pour nous, la question était « Où allons-nous placer le monde de BIG HERO 6 ? » Il y aurait toujours l’esthétisme japonais car tout part de là mais également San Francisco car c’est une ville iconique, très cool, surtout une ville très familière que toute la planète peut reconnaître. Si vous la combinez avec l’esthétisme japonais ce sera familier et nouveau à la fois. Pour moi c’était vraiment cool !

SFMAG : C’est vraiment une très jolie histoire, de l’action et pas juste du « boom, boom, boom » !

RC : Je suis vraiment très heureux qu’il n’y ait pas de « boom boom », et il n’y a pas une seule arme dans le film.

SFMAG : Ça c’est vrai...

RC : On pourrait même faire la comparaison avec des scènes d’action d’autres films. Ici pas une arme à feu ! .

SFMAG : Pour vous deux, réalisateurs, producteurs, quel fut le challenge ?

DH : L’histoire ! Raconter une histoire est beaucoup plus difficile que les challenges techniques, qu’on le veuille ou non. Spécialement avec cette histoire, car dedans vous avez deux histoires, vous pourriez faire deux films complètement indépendants. Un super film à propos d’un génie de quatorze ans qui perd son frère, le robot devient son frère ou son frère de substitution : super film ! Et un film sur une bande de jeunes super géniaux qui forment une équipe de super héros... mais là où tout se corse c’est quand vous essayez de mixer les deux. Dans notre cas, le corps émotionnel était le facteur le plus important, c’était la colonne vertébrale... comment est- ce que vous intégrez le concept « équipe de super héros » là-dedans ? C’est en fait bien en amont dans la production que nous nous sommes rendus compte que Baymax était la clé de tout cela. Dans l’acte 2 il est vraiment là, il est très proactif. Il veut vraiment soigner ses patients. Il pensait que c’était la puberté, et en fait s’aperçoit qu’Hiro est très affecté par la mort de son frère. Comment peut-il aider ? Il télécharge toutes les informations sur Internet, et rapproche tous les amis et les êtres chers. C’est en fait Baymax qui, indirectement, amène le concept d’équipe dans l’équation et à partir de là le film fonctionne. Au niveau des challenges techniques, il y en a beaucoup, c’est un monde très dense, très intense et, à mon niveau et au niveau de mon co-réalisateur Chris Williams, il y avait de grosses demandes techniques mais elles n’étaient rien vis-à-vis du challenge de l’histoire.

SFMAG : Fascinant...

RC : Oui, ça nous arrive de penser scénario, etc. (on éclate de rire)

SFMAG : Je ne dirai pas ici « à réaliser », mais quelle fut la plus grosse séquence à animer ? Vous avez de ces séquences là-dedans...vos ordinateurs ne sautent jamais ?

DH : Ah ! Je ne vous dis pas que les ordinateurs n’ont pas crashé... la plus dure....
RC : A vif, comme ça : tout préparer pour la scène du portal ! Ça c’était gros, très gros. Ca nous a pris énormément de temps avant même que nous puissions commencer à l’éclairer. Avec tous les mandibules que vous voyez... de pouvoir développer une stratégie de lumière : des mois et des mois de recherches !
DH : La scène du portal est certainement la plus dure dans le sens que nous avions ce que nous avons appelé une mandibule d’ampoules, un truc que nous avons en fait découvert sur Internet, ça c’était l’inspiration pour le monde pour cette région interne dans le portal. La chose compliquée c’était vraiment de l’éclairer, car ce n’était pas nécessairement une chose physique. Je ne sais pas vraiment pas moi-même comment vous le décrire, mais c’était très dur à éclairer. L’autre chose difficile était que cela ne soit pas plus important que l’histoire car ce serait, dans ce cas, « un coup dans le ventre » (punch in the gut) si l’on peut dire.

SFMAG : Effets visuels contre histoire...

DH : Oui effets visuels contre le côté émotionnel : le coup dans le ventre (gut punch), le personnage dit au revoir, le public dit aussi au revoir à ces personnages que tout le monde aime depuis 90 minutes. Les effets visuels, aussi beaux soient-ils, sont assez déments et on peut les voir avec les spectateurs pendant le film.
RC : Et est-ce que vous êtes heureux de les voir en tant que producteur...
DH : Mais à la fin de cette scène, on en vient à des plans très simples d’un visage et puis d’un autre, et puis une main et une autre. Je pense que ces images sont très iconiques. Vous ne voulez jamais que les images dépassent les émotions, et même à la fin, il y a d’autres éléments à cela aussi. Nous avons aussi retiré beaucoup de sons de cette scène.

SFMAG : Vraiment ? Je n’ai pas fait attention

DH : Il n’y a quasiment aucun effet sonore.
RC : L’autre chose que nous avons faite était de modifier tout traitement de la voix de Baymax : c’est uniquement l’acteur. Nous ne voulions pas d’effets à la « ROBO GNOGNO », nous ne voulions pas de « Mr Roboto » et nous ne voulions pas même le moindre traitement de voix. D’ailleurs, au fur et à mesure du film, on baisse la voix robotisée car il commence à être vraiment dans notre monde, il devient quelque part plus humain. Et dans cette scène où il dit « Hiro there is no time » (Hiro il n’y a pas de temps), c’est la voix de l’acteur à 100%.

SFMAG : Pour être franc j’étais tellement dedans que je n’ai pas fait attention à cela.

DH : Vous n’êtes pas supposé le faire... Je dirai même que nous avons essayé de jouer la scène aussi silencieusement que possible. Il y a très peu de musique à ce moment-là, la musique se réduit juste à un petit morceau de piano qui monte très légèrement en intensité jusqu’à ce plan où Baymax disparaît presque du champ visuel.

SFMAG : Je dois dire que le son du film que nous avons vu en dolby atmos est ahurissant

RC : Je suis vraiment très heureux que vous nous disiez cela car nous avons passé beaucoup de temps pour être sûr que toute la technique sonore du film soit parfaite le tout ne dépassant pas l’émotion du film. Une des choses que nous ne voulions pas était d’être bombardé de sons et que vous en perdiez le sens du film.

SFMAG : Pouvez-vous nous parler du développement des personnages ? Sur ce film tout le monde a vraiment bien sa place

DH : Ça c’était très difficile car nous ne pouvions donner beaucoup de temps à chaque personnage. Le film est vraiment centré sur Hiro et Baymax. Les autres personnages doivent, en quelque sorte, être un peu sacrifiés afin de les centraliser dans l’histoire. C’était difficile car lorsqu’ils sont à l’écran ensemble c’est très fun, et on sent presque que l’on aurait envie de faire partie de cette équipe, mais ça on a dû le sacrifier pour vraiment pouvoir développer l’histoire entre Hiro et Baymax. Après le premier vol, il y avait une scène où toute l’équipe est ensemble, c’était une séquence très drôle, Fred était très drôle, mais on sentait qu’il y avait un problème, nous manquions vraiment un moment de calme où il ne fallait voir que la relation Hiro/Baymax, on a donc mis la partie fun de côté et on s’est concentré à nouveau sur l’émotion.

SFMAG : La copie actuelle est-ce votre montage ?

DH : Tout le film est pré-storyboardé donc on sait où l’on va et tout est pré-visualisé.

SFMAG : Sur un film d’animation, y allez-vous chronologiquement ? RC : Idéalement vous aurez des séquences « clé », et ensuite vous allez de séquences en séquences.

DH : Généralement, le début du film est le dernier morceau à être produit ?
RC : Sur tout ce que j’ai fait, le début est toujours fait à la fin.

SFMAG : Votre prochain projet ?

DH/RC : Vacances, sérieusement !

SFMAG : Vous n’en avez pas pris depuis ?

DH : Trois ans et demi ! Franchement, les douze derniers mois ont vraiment été très intenses.

Marc Sessego

Corrections Andrée Cormier

Propos recueillis par Marc Sessego le 23 Janvier 2015.
Sincères remerciements à Roy Conli et Don Hall ainsi qu’à Aude Thomas de Walt Disney France pour l’avoir organisée.




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