C’est en septembre que va sortir le gigantesque cycle de Ashok K. banker, une Fantasy très sombre empruntant à Clive Barker certains aspects de l’horreur biologique dans un monde sauvage, beau et emprunt d’une magie orientale et des divinités multiples. Le tout s’organise autour du siège d’une mythique cité aux mille merveilles en une geste sauvage et sanglante que n’auraient pas dénigré Howard ou Moorcock. La High fantasy sous des aspects très sombres......... L’évènement de la rentrée.
Ashok K. Banker
Le Prince d’Ayodiâ
10/10
Des Rakshasa, deux fois plus grands que des êtres humains empalaient en rugissant des soldats sur leurs énormes andouillers, avant d’ouvrir à coups de griffes jaunes acérées le ventre de leurs victimes pour en sucer les entrailles fumantes. Quatre gardes du palais cernaient une Rakshasi dont les seins affaissés nourrissaient deux bébés velus obstinément accrochés à sa taille..
Les soldats piquaient le Démone à petits coups de lance afin de l’écarter des portes du palais. Sans doute répugnaient-ils à tuer une femelle, mère de surcroît. Leur réticence provoqua leur perte. La Rakshasi attrapa leurs lances puis leur enroula autour du cou, aussi aisément que des brins de laine. Elle saisit un garde dans chaque main et brandit les malheureux au-dessus de ses petits, qui, en hurlant de plaisir, leur ouvrirent le ventre. L’un dévora avidement des intestins ruisselants tandis que l’autre tétait voluptueusement une gorge d’où jaillissait un flot de sang, comme s’il se fût agi de lait maternel.
Ashok Kumar Banker vit à Bombay avec sa femme et ses deux enfants. Avec ce premier volume d’un cycle qui en comptera 7, Banker marque le début d’une immense saga de fantasy basée sur les mythes hindouistes (ici le Râmâyana) mais en y intégrant des moments propres à une High fantasy pervertie par Clive Barker. Ayodiâ est une forteresse légendaire et imprenable, la fierté de tout un peuple. Mais Ravana, le roi des démons, redouté même des Dieux, va bientôt lancer ses armées maudites sur la forteresse des mortels. Seul obstacle à se dresser sur sa route de ténèbres, le prince Râma. Portant l’épée magique de son frère et protégé par l’esprit des prophètes, il va organiser le siège de son royaume et faire de ce nouveau Alamo, le dernier bastion à tenir face au joug des armées démoniaques et perverses de cet ancien démon.
La force de Banker est d’avoir su habilement marier les mythes hindous à des éléments de fantasy qu’il va orientaliser avec talent pour nous donner cette hybridation étrange entre Howard, Moorcock, Barker, et dans un monde en proie à l’entropie comme il est de coutume dans la High Fantasy. Ainsi, les Yaksha sont des races Elfiques. Des races Elfiques qui vont se révéler dans ce premier volume comme d’infâmes créatures. Ce sont des métamorphes qui vont utiliser leur art étrange de changer de forme pour tromper jusqu’à ceux qui les vénéraient jadis. Le Prince d’Ayodiâ s’annonce comme un cycle majeur, une puissante saga de fantasy qui apportera au genre un parfum d’orient poussé par le souffle des mille et un dieux des Indes, dans toute leur splendeur et l’indicible qu’ils sécrètent.
Premier cycle de fantasy Indienne, traduit en Hébreux, en Allemand, et maintenant en français, Le Prince d’Ayodiâ est un pur chef d’oeuvre amené à figurer auprès des grands cycles de Jordan, Williams, Goodkind, Feist, Brooks, Modesitt, etc..... mais avec ce démarquage subtile qu’on pourrait qualifier de banlieue parallèle, celle d’un monde aux dieux multiples et aux systèmes magiques complexes. Car si les Dieux de Banker ne sont pas si invisibles comme ceux de la fantasy traditionnelle, c’est qu’ils interviennent dans le monde des mortels et peuvent se mélanger, aimer ou tuer. Dieux de passions, de haine, ou de sagesse, les Dieux de l’Inde ancienne sont des Dieux aux multiples épiphanies, ce qui renforce l’intérêt des lecteurs et fascine les imaginations. De plus, ce sont des Dieux de castes, des Dieux tribaux qui incarnent des visages différents et des cultes dont le sang est le lait sacré. Souvent, les Dieux de Banker vivent et habitent les lieux de culte où il sont célébrés.
Ils sont incarnés, ils ont un corps. A cela Banker rajoute une arrière cour de démons, démones et autres créature intermédiaires qui auraient pu être dépeints par Barker lui-même tant ils évoquent cet indicible, cette inquiétante étrangeté palpable, ce repoussant que la plume de l’auteur parvient à rendre séduisants par une esthétique du monstrueux. Batailles, sensualité, maléfices, outrage des corps, l’oeuvre de Banker est inquiétante mais profondément vivante. On ne peut en sortir tout à fait indemne.
Un cycle très attendu qui est amené à avoir la même renommée que celle d’un Moorcock à son époque. A lire absolument.
Le Prince d’Ayodiâ, Ashok K. Banker, 400 pages, 19,90 Euros