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  Sommaire - Dossiers -  Scott on Fire (Tony Scott 21/06/1944 - 19/08/2012)

"Scott on Fire (Tony Scott 21/06/1944 - 19/08/2012)"

Stéphane Thiellement
 

Pour beaucoup, il fut celui qui réalisa “Top Gun”. Pour beaucoup, il était synonyme de gros films d’action bourrins dignes « d’un samedi soir lors d’une soirée pizza » (dixit un critique français...). Pour beaucoup d’autres, il fut un cinéaste d’action parfois performant, parfois moins, mais qui savait soigner ses films et leur donner une dimension autre dans le genre.

Tout comme son frère Ridley, il démarra par la publicité. Tout comme Ridley, son premier long-métrage fut un modèle d’esthétisme léché au service d’une histoire fantastique dominée par des vampires (Catherine Deneuve, David Bowie & Susan Sarandon dans « Les prédateurs »). Et puis, il mit un pied dans le gigantisme de la machine hollywoodienne avec « Top Gun ». Aujourd’hui à regarder, c’est un mauvais plaisir coupable. Et pour bien s’implanter dans l’industrie cinématographique des blockbusters, il acceptera « Le flic de Beverly Hills 2 », le meilleur de la saga, car déjà, Tony Scott montrait de réelles aptitudes pour aller plus loin, plus fort. Son vilain petit canard, c’est le caprice de Tom Cruise, « Jours de tonnerre », mais en même temps, une fois de plus, Scott confère au film une patine qui le sauve de la médiocrité totale. Il s’essaiera à quelque chose de plus sérieux, noir, avec « Revenge » où Kevin Costner affronte Anthony Quinn pour l’amour d’une belle. Violent, passionnel, il reniera en partie la version des producteurs, privilégiant sa director’s cut certes plus vénéneuse mais paradoxalement moins envoûtante, surtout en supprimant le superbe score d’origine. Pour l’instant, le style de Tony Scott reste reconnaissable par la flamboyance de ses plans, et une certaine majesté dans l’action.

Mais il va radicalement opérer un changement avec « Le dernier samaritain », polar d’action certes stylisé mais aussi noir et violent, la démesure du producteur Joel Silver l’autorisant à se dépasser, au point d’allier son esthétisme de soleil couchant (il fut un amoureux de la lumière californienne) aux destructions et autres cascades les plus destroy. Cette surenchère dans la violence et l’action se retrouveront dans sa rencontre avec Quentin Tarantino pour l’excellent « True romance », mélange alchimique surprenant entre deux cinéastes aussi éloignés qu’ils pouvaient finalement être proches. En même temps, Tony Scott commence à flirter avec un nouveau style plus axé sur une succession ininterrompue d’images et de plans brefs mais frappants. Choses qu’il ne mettra pas à crédit dans « USS Alabama », sorte d’huis-clos sous-marin qui lui permit de rencontrer son acteur fétiche, Denzel Washington. Après « The fan », un étrange thriller « sportif » où Robert De Niro persécute Wesley Snipes, Tony Scott se passionne pour la technologie d’espionnage, lui permettant alors de « jouer » littéralement à redéfinir les codes de l’action avec « Ennemi d’état » et « Spy games », il passe radicalement à la vitesse supérieure, plongeant dans la violence furieuse tout en y insérant ces petits moments qui donnent de l’âme à ses films avec le remarquable « Man on fire » qui amorce également le style définitivement validé par le cinéaste d’une action archi-découpée au rythme épuisant. Le summum sera atteint avec « Domino », certainement son film le plus difficile à aborder, tout en restant cependant un film de Tony Scott qu’on ne peut détester. Il se calmera pour les besoins du thriller high-tech fantastique « Déjà vu », mélangeant à son histoire une romance parfaitement maitrisée entre Denzel Washington et une femme victime d’un psychopathe. Ses deux derniers films seront un remake d’un polar noir des seventies, « L’attaque du métro 123 » toujours avec Washington opposé au cabotineur John Travolta, et une variante du film catastrophe avec « Unstoppable » toujours avec Washington en conducteur de train fou.

De l’ensemble de ces films, la patte de Tony Scott aura changée tout en conservant ses constantes comme son amour de la photo, des cadrages éblouissants, de la lumière du soleil. Son style d’action tour à tour classique mais restant tout de même hors-normes, ou alors surdécoupée au point d’en être hachée. Mais Tony Scott, contrairement à ce que certains ont avancé depuis l’annonce de sa mort, n’a jamais été dans l’ombre de son frère. Ces deux-là se complétaient, et Tony Scott a toujours fait ce qu’il avait envie et plaisir de faire, ce qu’il confirmera souvent, même devant les critiques les plus véhémentes. Son look très californien (short, chemisette et surveste à poche, casquette rouge, bardé de pin’s parfois, un gros cigare au bec souvent), sa voix caverneuse, son regard bien plus intelligent sur les autres et l’industrie du cinéma, tout cela en a fait un Grand Nom du 7ème Art, dans son genre. C’était un véritable artiste, un visionnaire quelque part, un cinéaste pour qui le cinéma avait une dimension autre, et qui était d’une culture impressionnante sur les classiques et autres œuvres moins connues.

En apprenant qu’il avait un cancer du cerveau, il savait qu’il ne pourrait plus profiter comme avant de cette vie qu’il adorait. Et pour ses proches, il a simplement refusé de laisser en souvenir un homme diminué et se mourant à petit feu. Ce 19 Août 2012, Tony Scott s’est jeté du haut d’un pont en Californie.
A ceux qui croient que le bonhomme ne valait pas grand-chose, je citerai juste ce que Tony Scott répondit lors de sa venue en France pour la promotion de « Déjà vu ». A une question aussi remarquable que « Si vous pouviez revenir dans le passé, changeriez-vous quelque chose à votre vie ? », Jerry Bruckheimer et denzel Washington répondirent que leur vie actuelle était loin d’être malheureuse ; Tony Scott lui, tira une dernière bouffée de son cigare, cracha un nuage de fumée, et répondit : « Oui. Il y a une chose que je changerais. J’aurais voulu avoir mes enfants plus jeune, pour plus en profiter. »

Rien à foutre des autres. Avec la disparition de Tony Scott, il va me manquer un bout d’un cinéma que j’aime...

St. THIELLEMENT


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