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  Sommaire - Livres -  G - L -  Princess Bride
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"Princess Bride"
William Goldman

Editeur :
Bragelonne (17 mars 2004)
 

"Princess Bride"
William Goldman

Roman courtois, quête de l’amour, pastiche sur la vengeance, traité d’escrime à l’attention des futurs philosophes, conte de fée à l’humour bien trempé, traité sur la nature humaine, Princess Bride est un peu tout ça et bien autre chose. Bragelonne est une maison d’édition qu’on adore, un repertoire de nos vaillances frustrées et parties de jeux de rôle jamais réalisées. Bragelonne s’est donc décidé à rééditer une merveille d’entre les merveilles, et le lecteur ne pourra être qu’aux anges. Les plus vieux remueront de vieux souvenirs et quelques "Et Si..." , quand aux plus jeunes ils s’intrigueront peut-être comme nous jadis sur la portée d’une telle oeuvre dans la vie d’un jeune homme ou d’une jeune fille en fleurs. Proust sera passé par là, car on aura pensé tout comprendre, ou bien nous n’aurons décidemment rien compris et ce sera déjà cela. Retour donc sur cet ovni, sur ce Don Qichotte des affinités grotesques et belles mais terribles, sur ces faux pas et ces bien faire, sur ce qui jalonne notre vie et qu’on peine tant à comprendre. Rideaux donc, et laissez entrez les quatre vents que sont le passé, le présent, le futur et cet autrement avec lequel nous aimerions tous tant changer certaines choses de notre vie. Et Princess Bride sera cette pierre angulaire, ce résumé qui est en même temps un prélude à une chose essentielle : rentrer dans la vie, être dans la vie, cette volonté à placer au-dessus de tout et que pourtant nous ne parvenons pas à réaliser. Retour donc à Princess Bride........


Princess Bride est un récit au destin malicieux. Quand le film sortit dans les années 90 on a de suite pensé que le livre était en fait une énième novellisation et que de la lire était quelque peu falacieux. Or, au grand dam des difficiles du palais dont je fis parti, Princess Bride est apparu comme devant être l’illustration filmée du mythe le plus fondamental de la fantasy : l’amour et ses multiples dérivés......Un récit donc écrit jadis par S. Morgenstern que William Goldman (grâce lui soit accordée) remit au goût du jour mais toujours fidèle à la lettre à ce mystère central qui vous poursuivra la vie durant si vous le découvrez comme je l’ai découvert moi-même......


Il était une fois. Jamais verbe fut à ce point célébré mais aussi assimilé par un récit qui tout en usant des artifices du conte célébré par Grimm et compagnie, a su en tirer cette substantifique moelle qui le hausse au-dessus de la simple évocation populaire pour toucher au sublime du sentiment commun.
Il était donc, il fut, ou il a été, les déclinaisons temporelles s’accumulent en faux semblants, à tel point qu’on en viendra à éluder cette palissade posée là pour nous assurer faussement que nous sommes dans le registre du conte. Car, il était une fois, c’est ce dit pronnoncé par un père pauvre aux yeux fatigués à son fils malade et devant garder le lit. Cette relation qui met à distance l’orateur et son public est une mise en abîme nécéssaire pour comprendre la mécanique de ce récit, et au bout du compte résoudre la lapalissade voulant dire que c’est un conte et c’est tout.
Un vieil homme raconte à un enfant (Goldman identifie cet homme à son père dans son introduction) une histoire bien particulière. L’enfant un peu réticent au départ va faire silence et écouter, lire les mots sur les lèvres du vieil homme et sans s’en rendre compte va s’ouvrir au monde. La trace est en filigrane imprimée sur une vie par deux opérations : l’écoute du récit et le mode réfléxif qui viendra plus tard, les réfléxions du vieil homme qui ponctuent l’histoire et qui sont des ruptures avec la fonction euphorisante du récit de fantasy.
Il était donc une fois un beau valet de ferme amoureux d’une belle princesse, la plus belle et la plus parfaite femme au monde. Son nom : Bouton d’or .

A Morgentsein/Goldman (car là également il y a identification entre l’auteur et le retranscipteur, ce dernier se fondant dans le récit comme auteur et fils du père conteur) de monter alors par ébauches des portraits de vies exemplaires. A la manière d’une vie exemplaire des saints, très en vogue jadis, Goldman/Morgenstein monte peu à peu un vaste décor de théâtre dans lequel il va faire apparaître des personnages enchanteurs, des personnes à la vie exemplaire mais pas à la manière des Saints qui l’étaient en rapport à une rigueur de vie inspirée par Dieu mais inventée par les hommes. Non, l’auteur dresse la vie exemplaire d’hommes simples en apparence mais dont les actions et cette folie, bien divine celle-là vont confondre avec la légende. Alors ces hommes seront exemplaires à plus d’un titre.

Les Hommes exemplaires

Westley, le beau valet est une sorte de matière première et malléable, l’archétype de l’innocence chevaleresque et de la beauté adolescente. Il est un autre Lancelot pour dire l’amour et en même temps la perte et cette quête impossible de la belle perdue. Bouton d’Or est la princesse insaisissable, à la fausse naïveté. Les deux formeront le couple classique de la fable et en même temps le délicat passage du simple rêve d’amour à l’amour réciproque.

Inigo Montoya, quand à lui, va incarner en quelque sorte l’enfant prodigue revenu de loin pour assumer la vengeance d’un père assassiné. Ce Monte Christo de la fantasy introduit un paramètre plus dramatique mais nuancé par de magnifiques dialogues pleins d’humour et des réparties magnifiquement mises en scène par des leçons d’éscrime qui sont un peu des leçons de vie, où chaque pas, ponctué par des paroles justes, engendre un nouveau Cyrano pour dire la différence, pour dire la révolte et au bout de plusieurs passes d’armes toucher au but.
Ainsi de ces deux premiers référents romanesques Goldman/Morgenstein éxpose deux traits de l’humaine nature, deux époques de la vie mentale d’un individu qu’il parvient parfaitement par le truchement de la fable à faire accepter à l’enfant/élève.

Fezzik est un géant, le plus fort et le plus doux, sans doute le plus humain et le plus vrai. Il est la vie dans toute sa générosité, une espèce de quantitatif mythique qui pourrait l’assimiler au géant des mythes Viking à partir desquels se fera la guerre puis la création du monde, ou un peu à la manière du géant Kalevipoeg mis en scène dans l’épopée nationale estonienne (Cf Coll. L’aube des peuple chez Gallimard) . Sorte de Gargantua des grandes quêtes perdues, sa boulimie est cependant d’une toute autre nature. Car Fezzik a faim d’amitié, c’est un sentimental et une fleur bleue. C’est avec toute une générosité de philosophe qu’il se joindra au groupe d’aventuriers. Là aussi, il est un géant en nature mais aussi dans sa touchante tendresse pour l’autre, son prochain, quelque part entre un bon pasteur et un homme dans toute sa justesse émotionnelle, intouché qu’il est par le mal inhérent à la nature humaine. Il n’est pas un homme trahis par l’autre, et en cela il est un géant du paradis perdu, ce grand frère auquel le lecteur s’attachera sans s’en rendre vraiment compte, tout naturellement.

Le comte Rugen est une merveille de malfaisance et de sadisme. Personnage sadien par excellence, il incarnera la duplicité même, la tromperie. Mais en même temps l’histoire va tempérer sa fonction. C’est par l’éxcès que l’histoire parvient à ne pas le réduire à la fonction basique du conte. Personnage ambivalent dans ses éclats, il semble participer au même prodige, l’auteur parvenant bien à faire de tous ses personnages les participants à une gigantesque representation théâtrale où les référents tout en incarnant leurs fonctions respectives sont comme des acteurs d’eux-même. Les personnages n’ont plus cette fonction primaire qui est d’être ce que le conte veut qu’ils soient, ils sont en quelque sorte délivrés de leur fonction archétypale. Il n’y a plus de modèle original intelligible, les personnages semblant jouer leur propre rôle, comme si l’auteur avait réussi à leur insouffler une autonomie propre à faire d’eux les enseignants de leur propre fonction. Ainsi Montoya enseigne les splendeurs et misères de la vengeance, ses limites et son mécanisme mais sous les auspices de la grande aventure propre à une fantasy féérique.

Max Le Miracle est quand à lui le personnage christique par excellence, le succédanné au Gandalf de Tolkien, sauf que s’il peut réssuciter les morts il est approximatif dans sa fonction de théurge. C’est que rien n’est vraiment tranché dans l’univers de Princess Bride, sauf peut-être les sentiments humains, et toutes ces gesticulades et parades pour en demêler les noeuds et ainsi sauver l’essentiel : l’enfant qui écoute le vieil homme. C’est que tout comme Le Terrible Pirate Seigneur des océans ils ont tous une vertue à enseigner tout en parvenant à satisfaire l’imaginaire.

Une éternité absente

Sous la vacuité des rapports c’est à tout un monde de possibles que le récit de Morgenstein/Goldman invite. Il semblerait que les personnages, et le couple Westley/Bouton d’or particulièrement, soient comme suspendus au-dessus d’une gigantesque mer des sargasses, sur une scène où ils seraient leurs propres acteurs. Plus de relégation à un ailleurs ou un au-delà qui leur permettrait de s’afficher comme appartenant à l’éternité. L’auteur s’éloigne là des mythes et de leurs paradis feutrés où il n’y aurait qu’à les prendre dans un placard pour les faire jouer leur rôle. Non, Princess Bride c’est la chute du conte dans une temporalité. Les Héros sont de chairs, ils n’ont plus la lumière douce du conte, où s’il l’ont c’est pour s’en débarrasser allègrement au court de l’aventure. La moindre des chose a alors de l’importance, comme lorsque Westley s’inquiète de Bouton d’or, la débarrassant de la poussière et du sable qui la recouvre. L’important c’est de s’en être sorti, et la valse se poursuit, échvellée et folle, mais pleine de générosité comme une dernière représentation. Et c’est là à mon sens la grande et suprême réussite du récit. Magnifique comme il se doit, il parvient à enchanter l’enfant tout en lui offrant par des personnages/acteurs multiples et variés, la force d’accepter l’impermanence de notre monde, mais aussi la possibilité de participer et de muter, de changer. Reprenant le pathos Héraclitéen du monde en perpetuel changement à sa base, mais en y ajoutant l’audace et l’impertinence joyeuse d’un Nietzsche sans sa fatale gravité, Princess Bride réalise à rebours le miracle de la rencontre amoureuse, il la pense comme valide même si notre réel se charge tôt ou tard d’abattre son cynisme forcené sur ces rêves d’enfant. Mais c’est parce que c’est réalisable, parce que plusieurs appartenant au même groupe participent du même exploit qu’on ne peut qu’acquiéser à cette recherche de Bouton d’or.

Un Conte pour adulte, Proust au pays de la fantasy

L’amorce du conte, Princess Bride, pourrait s’apparenter à Proust. Pourquoi ?
C’est dans l’énnoncé "C’est comme vous voudrez" que ce situerait cette amorce. Le temps de la rencontre, ce qui fait que le héros Proustien croise le visage d’une jeune fille ou trempe sa madeleine odorante dans le liquide chaud et ouvre dès lors le coeur de Proust vers un continent de souvenirs et de correspondances, ce temps semble contenu dans cette simple locution "c’est comme vous voudrez" qui par sa forme restreinte provoque en même temps le début d’une fable. L’auteur distille ainsi son histoire par ces cinq mots, artefact de son histoire et réalisation à rebours de l’amour dans un regard, une rencontre. Il y a ce sentiment de déjà vu, déjà réalisé, l’amour déjà là propre au conte, mais aussi et surtout un rapport immédiat entre le beau valet et Bouton d’Or.
Si le Héros proustien réalisait son histoire par l’évocation d’un visage, le héros de Princess Bride le fait par la parole et ce face à face, cette relation immédiate. Les deux héros se souviennent, l’un de sa vie qu’il va se réaproprier, l’autre de cet amour qu’il va retrouver.

Ainsi, de combats contre chasseurs, araignées, rats géants, monstres et autres artifices de cette fantasy, l’auteur nous entraîne subtilement vers notre propre odyssée/métamorphose. Nul ne saura comment cela se finit, même si, Ô fatalitas, nous devinons que tout passe et que rien ne demeure. L’essentiel est ce présent toujours devant soit et ces possibles qui s’ouvrent, qui s’entrebâillent, avec leurs toujours possibles échecs. Mais cette histoire a un étrange pouvoir, et de cet enfant qui écoute l’épique de cette histoire, puis de cet adolescent qui croit à l’adulte qui déprécie ses idéaux, pour arriver au vieillard qui rennonce, William Goldman/Morgenstein parvient à dresser le récit de notre propre histoire individuelle comme aucune magie ni aucun sort n’y parviendra jamais. Désapprendre le conte pour se réaproprier notre propre capacité à réaliser des éxploits, bien humains ceux-là, semble être l’étrange enchantement demeurant, frais et toujours intact, au coeur de Princee Bride. Le savoir est une bonne chose, l’éprouver en est une toute autre. Un très grand livre, un essai sur le conte et sa fonction par le truchement des personnages même qui font le conte, et qui deviennent l’espace de ces pages, les professeurs qui vont nous enseigner dans la joie et l’insouciance les arcanes de la vie joyeuse, par delà le bien et le mal.

Mais peut-être que, finalement, cette histoire intemporelle et belle devrait se voir réduite à un simple aphorisme sur l’amour qui toujours s’échappe et échoue, perdure et survit, à une parabole belle et simple. Peut-être serait il nécessaire de voir relier ce conte inoubliable au film qui en a été tiré par un fil d’Ariane que tout le monde comprendra : un enfant qui ne voulait pas y croire mais accepta pourtant de se prêter au beau mensonge, un grand-père qui n’y croyait plus mais qui pourtant s’y plu à vouloir une fois de plus y croire.......encore et toujours. Deux amis partageant le même plaisir de cette éternelle croyance en l’amour et en nos imperfectibles conditions à ne pouvoir le réaliser. Princess Bride est une fenêtre ouverte sur le pouvoir sacral du conte et en même temps une brillante et touchante reflexion sur le couple antinomique "Nature et Culture".

A lire à divers moments de sa vie pour tenter de comprendre tout en se régalant d’un moment de réenchantement........

A noter que pour cette réedition, l’auteur y a ajouté deux merveilleuses introductions pleines de saveur et de nostalgie ainsi que des textes inédits (Le bébé de Bouton d’Or) qui en rajoutent à l’enchantement.
Superbe !

Emmanuel Collot


Quatrième de couverture

Il était une fois... la plus belle des aventures, auréolée par le grand amour, le seul, le vrai. Si bien qu’elle est devenue la favorite de millions de lecteurs.

Princess Bride est un livre culte qui devint ensuite un film culte. Un récit de duels à l’épée, de bagarre, de torture, de poison, d’amour, de haine, de vengeance, de géants, de chasseurs, de méchants, de gentils, de serpents, d’araignées, de monstres, de poursuites, d’évasions, de mensonges, de vérités, de passion et de miracles.

Ce conte intemporel écrit par S. Morgenstern - redécouvert et merveilleusement abrégé par William Goldman - est peuplé de personnages aussi inoubliables que : Westley, le beau valet de ferme qui risque la mort, et pire encore pour la femme qu’il aime ; Inigo Montoya. le bretteur espagnol qui ne vit que pour venger la mort de son père Fezzik, le plus doux et le plus fort des géants... et, bien sur, Bouton d’or : la princesse, la fiancée, la femme parfaite, la plus belle de toute l’histoire du monde.




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