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  Sommaire - Films -  G - L -  Ingrid Jonker (Black Butterflies)
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"Ingrid Jonker (Black Butterflies)" de Paula van der Oest

 

Scén. : Greg Latter
Avec : Carice van Houten, Rutger Hauer, Liam Cunningham, Graham Clarke.
Distribué par Zootrope Films
100 mn
Sortie le 22 Février 2012
Note : 7/10

En Afrique du Sud, au début des années 60, Ingrid Jonker, fille du ministre de la Censure, manque de se noyer dans les flots violents de l’Océan Indien. Elle est sauvée par Jack Cope, écrivain connu. Entre eux deux, le coup de foudre est immédiat. Parallèlement à leur folle passion, le pays est secoué par l’Apartheid, et Ingrid retranscrit ces tumultes au travers de ses poèmes qui peu à peu lui assurent une certaine renommée. Mais la jeune femme est aussi à la recherche de ce père qui l’ignore, et d’un amour toujours plus fort de la part de chacun de ses amants choisis. Elle a raté son mariage, mais a réussi à être mère d’une adorable fillette. Elle est douée pour l’écriture, elle aime Cope, et pourtant, Ingrid va peu à peu se détruire comme elle l’annonce souvent dans ses poèmes. Sombrant dans la folie, internée avec l’accord de ce père qui ne veut plus la reconnaitre et la rejette de par ses positions politiques qui vont à son encontre, Ingrid connaitra cependant la célébrité, mais n’arrivera jamais à atteindre un bonheur qu’elle-même n’arrive pas à concevoir.
Et c’est le portrait de ce grand auteur d’Afrique du Sud qui constitue donc la base de ce film. Laquelle est interprétée par Carice van Houten, celle que l’on découvrit dans le dernier chef-d’œuvre de Paul Verhoeven, « Black book », avant de la croiser en femme de Tom Cruise dans « Valkyrie » et en sorcière dans l’excellent « Black Death » de Christopher Smith. Et c’est justement en pensant à « Black book » qu’on se laisse à penser qu’entre les mains de ce grand cinéaste hollandais qu’est Verhoeven, « Ingrid Jonker » aurait gagner une toute autre dimension, plus forte, plus destructrice, plus passionnelle, plus extrême, plus proche de la véritable Ingrid Jonker que ce film, certes réussi en certains points (la reconstitution d’époque, la superbe prestation de Carice van Houten...) mais qui manque singulièrement de tripes au vu du sujet. Car il s’agit là d’une femme blanche dans l’Afrique du Sud des années 60, où le pouvoir blanc est l’ultime suprématie, qui écrit contre le régime, se heurte à son père (Rutger Hauer, impérial en immonde ordure), totalement dépourvu d’amour à son égard, et qui en plus cherche à lui prouver son talent afin qu’il la reconnaisse enfin et parvienne à l’aimer ne serait-ce qu’un temps limité. Une femme à la recherche de passion amoureuse et limite destructrice, une femme pour qui le sexe n’est pas un tabou, une femme qui vit pleinement et entièrement ses moments charnels avec chacun de ses amants, et qui trouve en l’un d’eux, Jack Cope (Liam Cunningham, qui dégage une séduction masculine comme il ne l’a jamais fait !) une once d’équilibre. Sous la caméra de Paula van der Oest, ce magnifique portrait féminin peine à prendre de l’ampleur. Car même s’il arrive à toucher la complexité de la personnalité de la poétesse, il ne parvient jamais à la faire revivre telle qu’elle devait être, enfermée dans une époque en pleins chamboulements, située dans un pays idéologiquement malsain, malheureuse dans ses relations avec ce père qui la méprise depuis l’enfance. Ingrid Jonker était une créatrice autodestructrice, qui n’arrivait pas à canaliser ses plus folles passions pour mieux se reconstruire. Tout ça, on le devine, on l’effleure, mais il faut admettre qu’on a du mal à le ressentir et à le vivre. Car pour un tel destin, il manque un maitre d’ouvrage aussi passionné et fou qu’elle. Avec Paul Verhoeven, le chef-d’œuvre aurait pu être là ; dans le cas présent, on a juste un bon film sur la vie tumultueuse d’un des plus grands auteurs Sud-Africain.

St. THIELLEMENT



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