Il comprit ce qui le tourmentait depuis plus d’une heure. Il avait été un jeune homme, et maintenant, il était un ours. Un grizzly, Ursus arctos horribilis.

Timothy Blackhills a survécu à l’accident de la route où ont péri son frère et ses parents. Âgé de dix-sept ans il a échappé au crash, à l’incendie du véhicule et à un gigantesque grizzly qu’un témoin a aperçu à proximité. Ceci explique sans doute que ses souvenirs confus lui ont fait croire qu’il s’était transformé en ours
À l’hôpital il a reçu des visites singulières. Tout d’abord un agent de la DEA suspicieux lui a demandé quelle substance illicite il avait absorbé. En effet dernièrement circule une nouvelle drogue qui persuade les consommateurs qu’ils deviennent des fauves et qui par conséquent agissent comme tel en massacrant leur entourage.
Puis est venu un psychiatre lui expliquant qu’il n’avait pas souffert d’hallucinations et qu’il s’était réellement transformé. Aussi il lui propose de rejoindre un institut où se regroupent les personnes capables de se métamorphoser en animal.
Bon, Tim envisage dès lors deux hypothèses : soit le psychiatre est givré, soit il est membre d’une secte très bizarre. Quoiqu’il en soit pour Tim rester sur le territoire américain à la merci d’un agent fédéral paranoïaque ne constitue pas une option. Bref, exit les USA et direction la France le pays de sa mère. Isolé dans les Alpes son nouveau domicile se nomme « Institut de Lycanthropie ». OK, l’hypothèse sectaire passe en tête.
Et c’est ainsi que Tim se retrouve dans un chalet avec deux jeunes colocataires. L’adolescente Flora refuse de mentionner le nom de l’animal en lequel elle se métamorphose. Evidemment il n’est pas question de procéder à une démonstration. Ben, voyons...
L’autre habitant est le jeune Sharif. Ce grand lecteur ponctue ses propos de citations littéraires (avec une prédilection pour Nietzsche). D’autre part ce Maître Zen autoproclamé affirme également être un grand cuisinier comme le prouve son plat sophistiqué de tajine d’agneau à la poire, alias le « tajine de la mort qui tue ». Lui ne dissimule absolument pas sa nature animale. Il affirme donc pouvoir se métamorphoser en...homard. Pas de démonstration non plus, la métamorphose étant cyclique et lié à la fréquence des marées de Bretagne ! Bien entendu,...
Bon, inutile de s’attarder et pendant que Flora est penchée sur son ordinateur dans une séance de hacking hautement illégale et que Shariff se livre à une nouvelle expérience culinaire gastronomiquement discutable Tim décide de prendre la clef des champs.
Mais qui sont ces patibulaires armés qui rodent à proximité de l’institut ? Certes on avait averti Tim que les métamorphes avaient des ennemis. Mais pour cela il faudrait que d’autres personnes à l’extérieur de l’institut aient connaissance de leur très hypothétique nature et soit aussi dérangés. Au fait ils viennent d’apercevoir Tim.
Cette variation sur le thème du lycanthrope laisse astucieusement planer un doute sur la réalité de la métamorphose pendant la moitié de l’ouvrage. L’hypothèse psychologique ou l’altération de la psyché par la drogue est intéressante. Une autre originalité repose sur le changement de point de vue.. Après Tim l’aventurier perturbé c’est à Flora la pirate informatique asociale et à Sharif le cuistot existentiel de prendre le relais pour décrire au lecteur les évènements survenant dans l’institut. De témoins ils vont vite devenir acteur et intervenir avec un sens de l’initiative, comment dire...épique ? ou plutôt ...assez peu approprié ?

Damien Dhondt

Auteur : Vincent Villeminot _ Instinct, tome 1 _ Edition Nathan, Collection Blast _ mai 2011 _ Inédit, moyen format, 380 pages _ 13,90 euros