De ses doigts gourds, il se massa pour ressusciter la chair dure comme la pierre, et décida de voir dans son haleine qui givrait sous ses yeux la preuve qu’il vivait toujours. Ce n’était pas encore aujourd’hui que la Cimmérie prendrait possession de lui.
L’hiver s’est installé. Le gibier se fait rare. Les réserves s’épuisent. En Cimmérie le froid et la faim frappent. Dans une tentative pour trouver de la nourriture le chef du clan Burok Tueur d’Ours a été blessé à la jambe. Kern Oeil-de-Loup l’a ramené au village en le transportant sur deux lieues. Il n’a obtenu aucun remerciement. On regrette plutôt que ce ne soit pas lui qui soit en train d’être rongé par la gangrène. Kern est le fils d’une Cimérienne venue d’un autre village. Elle s’est installée alors qu’elle était enceinte d’un enfant qui visiblement n’était pas d’un époux cimmérien. Ses cheveux blonds et ses yeux d’ambre (de loup) incitent à la méfiance.
À la mort de Burok le nouveau chef prend des mesures radicales en réduisant le nombre de bouches à nourrir. Les Anciens se suicident, d’autres prennent le chemin de l’exil.
Banni, Kern pourrait prendre la direction du Sud comme jadis Conan qui devint roi d’Aquilonie. Mais il découvre les traces laissés par des intrus : une invasion de guerriers venus du Vanaheim. Les Vanirs se dirigent droit vers le convoi funéraire de Burok. Kern ne doit rien à son ancien peuple...Il s’élance sur les traces des envahisseurs en espérant arriver à temps !
Robert E. Howard avait laissé une image pittoresque de la Cimmérie avec des barbares joyaux ou mélancoliques ne se souciant que de mourir l’épée au poing et d’être digne d’entrer au Valhalla. Plus réaliste Loren L. Coleman jette un regard sans concession sur ces terres désolées. On y meurt de froid et de faim. On y agonise de la gangrène ou bien les tripes mises à l’air par un coup de hache. Et si les Humains qui y habitent n’ont pas été amollis par la civilisation ils font rarement preuve d’une noblesse barbare.
Paradoxalement c’est Kern le demi-sang qui réveille chez certains Cimmériens la volonté de grandeur. Quelque soit l’époque les hommes ont besoin de héros légendaires. Et c’est le retour au réalisme lorsque Kern cynique affirme que les faits seront altérés et même qu’il est fort possible qu’on attribue un jour ses exploits à Conan !
L’alternace du concret et de l’épique sert efficacement le propos de Loren L. Coleman lorsqu’il pose un nouveau volet de l’univers dont les bases furent autrefois posées par Robert E. Howard.
Damien Dhondt
Auteur : Loren L. Coleman _ La Légende de Kern, tome 1 : La Fureur des loups _ "Age of Conan Hyborian Adventures Blood of Wolves" (2007) _ Traduction : Gabrielle Brodhy _ Edition : Fleuve Noir _ mars 2008 _ Inédit, poche, 384 pages _ 7,50 euros