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  Sommaire - Films -  G - L -  Le Rite (The Rite)
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"Le Rite (The Rite) " de Mikael Hafström

 

Scénario : Michael Petroni, d’après le livre de Matt Baglio
Avec : Anthony Hopkins, Colin O’Donoghue, Alice Barag, Ciaran Hinds & Rutger Hauer.
Distribué par Warner Bros. Entertainment France
112 mn.
Sortie le 9 Mars 2011.
Note : 7/10.

Le fantastique est un genre parmi les plus riches qui soient. Maintenant, certains thèmes abordés, s’ils ne sont pas réactualisés, peuvent susciter plus du comique involontaire que de la pure terreur. Prenez tout ce qui a trait à la religion, et plus précisément, bien sûr, au Grand Fourchu, la Bête à cornes par excellence, celui qui a terrifié l’humanité (et encore une certaine partie aujourd’hui, ben oui...) depuis l’aube des temps, j’ai nommé Lucifer, Belzébuth, ou quel que soit le nom qu’on donne au Diable lui-même. A quelques semaines d’intervalle sortent deux films sur le sujet. Début Avril, on aura droit à une histoire sortie de l’imagination un peu terne ces temps derniers de M. Night Shyamalan sur cinq quidams coincés dans un ascenseur et dont l’un d’eux n’est autre que le Diable : pure série B fantastique, complètement débile pour certains, sympathique car assumant pleinement son statut pour d’autres, « Devil » rappelle furieusement une époque où le Diable apparaissait souvent dans des films vraiment terrifiants comme « Le triangle du Diable », téléfilm maritime dont il semble être la copie conforme version terrestre. Et cette semaine, le pendant réaliste du sujet s’appelle « Le rite ». Alors, pour bien commencer, une fois n’est coutume, oubliez cette tagline « Le plus terrifiant, c’est que tout est vrai » sur l’affiche : ça commence à devenir vraiment lassant et en plus, c’est loin d’être un gage de qualité ; par contre, l’autre qui dit « Ne pas y croire ne vous sauvera pas » est bien plus juste et pertinente.
Comme le dit Michael Kovak, « Chez les Kovak, il n’y a que deux voies professionnelles : succéder à l’entreprise familiale de pompes funèbres ou faire son séminaire ». Michael opte pour le second choix, sachant que sur les quatre années de son séminaire en Italie, il aura eu le temps de confirmer son opinion sur la religion et de quitter avant terme sa formation. Pourtant, suite à un incident, il décide d’étudier les rites de l’exorcisme. Conseillé par son professeur, il devient l’assistant du plus renommé des exorcistes, le Père Lucas. Michael, qui pense que sous la possession démoniaque se cache de graves troubles psychologiques, va pourtant être confronté à des cas tellement étranges qui vont le forcer à puiser au plus profond de lui-même pour émettre du mieux qu’il peut le diagnostic qui est attendu de lui, qu’il soit médical ou religieux.
« Le rite » s’attaque donc au sujet de l’exorcisme dans le monde d’aujourd’hui, pas celui de pays en voie de développement mais dans des civilisations dites industrielles donc « modernes », où la religion a de plus en plus de mal à trouver de nouveaux messagers, surtout au vu de scandales divers et variés. Certes, c’est en Italie, au Vatican, creuset par excellence encore (très) vivace du catholicisme. Et en prenant comme témoin d’un éventuel chant du cygne du catholicisme, un sceptique qui veut réellement avoir une opinion quasi-définitive sur cette spiritualité, le film y gagne sa partie la plus réussie. Là où on peut quasiment tout expliquer, même l’inconcevable, il reste encore des zones nébuleuses où il est permis de douter du rationnel. En cela, le réalisateur Mikael Hafström qui avait déjà montré dans le genre un talent certain avec « Chambre 1408 » (avant de s’égarer dans le polar passionnel tout pourri avec « Dérapages »...), réussit pleinement le film sur le sujet qu’on était en droit d’attendre venant de « faits réels », équilibrant parfaitement les images d’un récit peu commun, malgré quelques inutiles petites « remarques » à des œuvres références du genre comme « Vous vous attendiez à quoi, une tête qui tourne et de la purée de pois , » dixit le Père Lucas : pas très finaud... Pourtant, quand arrive la dernière partie, tout sombre. Pourquoi se référer ainsi à une entité diabolique dont l’image nous est montrée comme par hasard lors d’une conférence, et qui de ce fait, annihile complètement le début de scepticisme et d’ouverture vers d’éventuels cas d’existence de forces maléfiques. Quand William Friedkin parle d’exorcisme, il le fait sciemment en parlant d’une histoire fantastique ancrée dans la réalité la plus quotidienne d’où son incroyable force. A l’inverse, quand on prend du surnaturel complètement fantastique qui remplace en un curieux tour de passe-passe toutes les brillantes idées, interrogations que pose préalablement une histoire hors du commun, on passe à du cinéma de genre et on retombe logiquement dans un simple démarquage d’un sujet certes plus travaillé mais pas si éloigné que ça d’un « Fin des temps » par exemple. Et c’est ce qu’est « Le rite », c’est ce qui l’empêche d’être l’excellent thriller surnaturel réaliste qu’il aurait pu/dû être. Malgré le talent d’Anthony Hopkins qui prend son rôle très au sérieux et qui sait montrer le doute et les limites de sa foi avec conviction, même lui n’évitera pas les diableries de bas étage et au final ridicules de cette histoire. Alors oui, « Le rite » fait effet et sait interroger pendant les deux tiers de son histoire, mais après, c’est de la bonne vieille série B d’épouvante comme on en faisait avant. Sauf qu’à ce moment-là, c’était assumé comme tel, aujourd’hui, on veut faire passer cela pour du réel. Et depuis quelques temps, « Paranormal activity » (totale arnaque) et autres « Dernier exorcisme » (réussi aux deux tiers, jusqu’à ce qu’arrive le Fantastique, comme pour « Le rite »...) ont montré les énormes limites de l’argument sur un film qui ne s’en sert qu’une partie. Par contre, quand on fait ouvertement du cinéma avec un tel sujet, c’est bien plus réussi comme « House of devil » ou très prochainement, le parait-il terrifiant « Insideous » de James Wan. En attendant, on peut voir « Le rite » pour ce qu’il est en partie excellent, et sortir en se disant que tout ceci finalement, s’achève obligatoirement dans le Fantastique histoire de démontrer qu’on n’ose pas, à un certain niveau même à l’aube du troisième millénaire, assumer jusqu’au bout un autre point de vue sur la face obscure de toute religion.

St. THIELLEMENT



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