La lourde épée de Genkuro frappa brutalement la tête du samouraî et n’arrêta son mouvement qu’après avoir brisé toutes les côtes. Le sabre, la tête, le cou et la poitrine d’Hikoshiro avait été tranché en deux. Le cadavre s’étala sur le sol et se couvrit de viscères.

En cette année 1638 le Japon est assez paisible. Le souvenir des guerres civiles s’estompe peu à peu et il ne reste guère de Chrétiens encore en vie.
La routine s’installe avec quelques brigands sévissant dans les forêts. Des ninjas escortent une héritière tout en étant pourchassés par d’autres combattants de l’ombre. Un chasseur d’ours se demande qui de lui ou de l’animal est la cible, tandis que des ronins arpentent les routes du Japon en quête de duels.
Or un singulier évènement se produit avec la chute d’un objet du ciel.
Faut-il y voir un lien avec le déchaînement de violence et des évènements pour le moins curieux comme cette blessure mortelle qui se referme d’elle même ?
Le héros de ce roman est Genkuro Yorozu : un géant armé de deux sabres et d’une gigantesque épée européenne. La force prodigieuse de cet aventurier lui assure un atout non négligeable. Cependant ce héros singulier surprend parfois par ses décisions incongrues. Ainsi c’est sans hésitation qu’il accepte de boire du thé préparé par un grand maître ninja. Son enthousiasme est tel qu’il en déguste sept tasses !
– hypothèse n°1 : Genkuro est immunisé à toutes les formes de poisons
– hypothèse n°2 : il est idiot
Adapté 13 ans plus tard sous forme de manga (1) et au cinéma (2) ce roman donne une large place aux dialogues, mais aussi aux combats. Les méthodes sont variées et pour le moins originales comme cette femme-ninja qui trucide son amant en lui faisant l’amour.
Mais on trouve des techniques ninjas qui rappelleront quelque chose aux lecteurs du manga Naruto ( qui date de 1999 alors que ce roman fut écrit en 1986). Ainsi est mentionné le contrôle des insectes (cf. le clan Aburame), alors qu’on assiste à une pluie de sangsues (cf. la mésaventure survenue à un trio de candidats lors de l’examen des chunin). Soit le mangaka Masashi Kishimoto s’est inspiré de ce roman, soit les deux auteurs se sont inspirés d’une tradition antérieure.
Le fantastique est largement utilisé, parfois de manière surprenante. Les Chrétiens n’ont pas l’habitude de léviter ( il y a bien un précédent seize siècles auparavant...). L’apparition du personnage historique Musashi Miyamoto avec une large évocation de sa biographie et de ses duels apporte une base de crédibilité. Mais l’Histoire semble être sur le point d’être perturbée par l’évènement incongru, à savoir la chute d’un objet du ciel. Une météorite est certes un évènement inhabituel. Cependant au fond du gigantesque cratère certains des protagonistes ont cru discerner ce qui ressemble à un bateau en fer.
Un bateau en fer tombé du ciel...Ah, d’accord...

(1) "Taitei no Ken", illustré par Dohe (Glénat)
(2) dirigé par Yukihiko Tsutsumi qui réalisa "20 th Century Boy"

Damien Dhondt

Auteur : Baku Yumemakura _ L’épée de l’empereur (Taitei no ken), tome 1 _ Edition Glénat, Collection roman _ septembre 2010 _ Inédit, grand format, 272 pages _ 14,99 euros