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Réal. & scénario : Matt Reeves
Avec : Chloë Grace Moretz, Kodi Smit-McPhee, Richard Jenkins, Elias Koteas, Cara Buono.
Distribué par Metropolitan Filmexport
112 mn
Sortie le 6 Octobre 2010
Note : 9/10
Depuis quelques années, les remakes sont devenus monnaie courante dans le paysage cinématographique US. Car il s’est avéré que les risques étaient moins grands de parier sur une nouvelle version ou relecture d’un film que de partir sur des bases totalement originales. Surtout si en plus le film initial a engrangé en son temps ou en son pays d’origine des recettes financières très conséquentes. Maintenant, peut-on faire un remake de tout ? Oui, de façon irréfléchie. Plus sérieusement, non, bien entendu. On ne remake pas des chefs-d’œuvre du 7ème Art comme ça. Celui qui voudra refaire « Autant en emporte le vent », avant de trouver le pognon, ce n’est pas demain la veille. Par contre, faire un remake d’un classique s’avère souvent une excellente idée car les « classiques » peuvent être aussi des films au final très moyens. Il suffit de voir « La colline a des yeux » pour s’en rendre compte, ou « La mouche ». Mais un chef-d’œuvre, ça, c’est souvent casse-gueule : regardez « Halloween » de Rob Zombie, lequel réussit bien mieux son « Halloween II » au passage. Et normalement, en plus, on laisse passer quelques années. Tout cela est faux dans le cas de « Laisse-moi entrer » : l’original vint de Suède il y a deux ans, il s’appelait (en anglais) « Let the right one in », il est tiré d’un roman homonyme, et le film fut signé d’un cinéaste n’ayant jamais œuvré dans le genre, Tomas Alfredson. Le résultat est un petit bijou de fantastique gothique remis au goût du jour, sensible, terrifiant et émouvant, il gagna même le Grand Prix de Gerardmer 2009 sous son titre de sortie cinéma « made in France », à savoir « Morse ». Aujourd’hui, Matt Reeves, celui à qui l’on doit « Cloverfield », revient avec le remake qu’il a écrit. Parfois, c’est une copie (presque conforme), parfois c’est différent mais dans l’ensemble, si l’original n’existait pas, « Laisse-moi entrer » serait simplement un chef-d’œuvre !
Enfant solitaire vivant avec sa mère, Owen voit arriver dans son immeuble une petite fille, Abby. Il la rencontre, se lie d’amitié avec elle, alors qu’au même moment, des morts inexpliquées et mystérieuses secouent la ville. Mais à son contact, Owen revit et curieusement Abby aussi. Et un jour, Abby lui révèle qu’elle est un vampire. Owen, qui au contact d’Abby, a repris confiance en lui, s’en éloigne malgré tout un peu. Mais en même temps, jamais il n’a connu un tel lien avec quelqu’un. Et Owen et Abby se rendent compte qu’ils ont besoin d’être ensemble pour apprécier de vivre, et ce malgré toutes leurs différences...
Si vous connaissez l’original, dites-vous que « Laisse-moi entrer » ne va quasiment rien modifier si ce n’est quelques menus détails. Maintenant, Matt Reeves a eu l’intelligence de situer son remake dans un cadre américain propice (ce qu’il y a de moins attrayant au Nouveau-Mexique, comme d’autres coins US, à savoir une ville sans véritable âme mais où sont coincés ceux qui y vivent, un peu comme le Texas vu par Asif Kapadia dans son excellent « The Return »...) à une telle histoire, à savoir complètement fantastique et en même temps, intime quand elle traite d’une amitié étrange et pourtant si forte entre deux enfants que tout sépare de prime abord mais que tout réunit en finalité, chacun étant un paria en soi. Donc déjà, on sent une volonté de respecter l’œuvre originale tout en lui donnant une nouvelle identité. Ensuite, c’est très simple : les acteurs. En confiant les rôles des enfants à Chloë Grace Moretz (l’épatante Hit Girl de « Kick-Ass ») pour Abby et à Kodi Smit-McPhee (le fils de Viggo Mortensen dans le magnifique « La route »), Reeves s’est simplement octroyé un passeport pour passer la frontière du remake de base, une terne copie faite pour gagner du fric. Les deux enfants sont simplement extraordinaires et font pour beaucoup dans la fascination qu’exerce ce film. Alors oui, à chaque plan, à chaque scène, on revoit l’original mais en même temps, « Laisse-moi entrer » marque autant que son modèle. Si ce n’est plus par moment, grâce à une musique cette fois-ci plus envoûtante que celle du film de Tomas Alfredson, en parfaite osmose avec l’histoire et les images de ce remake définitivement réussi. Alors oui, quand on aime une œuvre au point de ne jamais la trahir et surtout de lui rendre le plus bel hommage en essayant de lui donner une vie propre, le remake n’est plus ce terme dédaigneux accroché à un film. Dans le cas de « Laisse-moi entrer », il y gagne une certaine noblesse.
St. THIELLEMENT
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