– Viens à moi, Moròch. Mieux vaut demeurer à tes côtés dans les ténèbres, renoncer à mon humanité et le savoir en vie, plutôt que supporter sa perte... et la honte de n’avoir, une fois de plus, rien tenté.
Fuyant les appétits libidineux de son père la jeune Brunehilde de Caracal s’enfuit en portant sur le dos la dépouille du Moròch. Cette créature malfaisante fut jadis occis par le seigneur de Caracal avant qu’il ne devienne lui aussi un monstre par son comportement.
Dans la forêt Bruna découvre la nécessité de se nourrir et s’initie à la chasse. Mais ses souvenirs sont flous. Elle croit se rappeler l’excitation de la traque, la joie de la mise à mort de la proie. La folie la gagne-t-elle ? La peau du Moròch qu’elle porte sur elle influencerait ses actes et ses pensées ? La bête prendrait-elle le pas sur l’humaine ? Bruna n’ôte pas la peau de la bête. Puis elle perçoit la présence d’humains au coeur de la forêt, pénétrant sur son territoire... territoire ?
Ce récit de fantasy se déroule dans un univers moyenâgeux où la philosophie est présente. Le traité "Les lettres d’Aurélius" que Bruna a emporté dans sa fuite constitue un certain réconfort et un rappel que l’esprit peut s’élever. Puis vient le froid et la nécessité de faire du feu. Bruna se voit contrainte de faire naître du feu et pour cela sacrifie une à une les feuilles de son ouvrage. Puis lorsqu’il n’en reste rien il apparaît que cela n’est guère nécessaire. La peau de la bête lui tient chaud, alors qu’elle a pris l’habitude de manger crue et cela ne la dérange pas.
Ce roman rappelle qu’à l’origine le conte Charles Perrault "Peau d’âne" n’avait rien d’enfantin. À la menace d’inceste s’ajoute ici la progressive métamorphose de l’héroïne. Et à la menace de possession se joint l’intervention d’autres entités.
Le thème du monstre réapparaît une fois de plus dans l’oeuvre de Charlotte Bousquet. Le propos s’avère plus complexe qu’auparavant. Si le Moròch bénéficie du statut de créature monstrueuse, le seigneur de Caracal est également un monstre très humain. Mais Brunehilde devient aussi un monstre du fait du regard des humains ayant aperçu sa silhouette enveloppée dans la peau du Moròch. Et alors que la transformation fait son oeuvre dans son esprit, sa nature humaine éprouve de la culpabilité : culpabilité envers sa mère morte à sa naissance, mais aussi envers toutes les paysannes qui ont du subir le viol du Seigneur de Caracal. Car Brunehilde n’a pas réagi avant qu’il ne s’attaque à elle.
Ce roman intéressant repose sur l’adaptation d’un conte ancien dans le registre de la fantasy ce qui paradoxalement permet de mettre en évidence les côtés monstrueux de l’âme humaine.
Damien Dhondt
Charlotte Bousquet _ La Marque de la Bête _ Couverture : Didier Graffet _ Editions Mango fantasy n° 13 _ novembre 2009 _ Inédit, moyen format, 222 pages _ 9 euros