Mes amis et moi-même avons remarqué que le docteur Watson n’a rien écrit de très significatif entre août et décembre 1888. Plus étrange encore, il refuse avec obstination d’évoquer certains évènements terrifiants qui se sont déroulés à cette époque.
Je frissonnai en m’entendant prononcer :
Jack l’Eventreur.
Le trépas de Sherlock Holmes a causé des soucis à Georges Newnes le directeur du Strand Magazine, car la source des écrits du Docteur Watson s’est tarie. Mais voici qu’un comité de lectrices invite l’éditeur à demander au Docteur Watson pourquoi il n’a jamais mentionné d’enquêtes du plus grand des détectives se déroulant durant la période des crimes spectaculaires qui frappèrent Whitechapel.
Après réflexion Georges Newnes se demande pourquoi le locataire du 221 bis Baker Street n’a pas mené l’enquête. Mais...s’il l’avait fait ? Ne serait-ce pas l’occasion de résoudre une énigme historique, d’apporter au Strand (et à son directeur) la gloire éternelle et d’amener quelques bénéfices substantiels ?
D’où une visite au docteur Watson et finalement devant l’insistance de Newnes le biographe d’Holmes remet non pas un article traitant de l’affaire, mais son journal intime de l’époque. Et Georges Newnes plonge dans un matériau brut et également en enfer. Car le champ de bataille de Sherlock Holmes et de Jack l’Eventreur est la ville de Londres en pleine révolution industrielle. Et les bas-fonds de l’époque victorienne sont le lieu de la misère, de l’alcool et de la prostitution. On y voit même la pragmatique madame Hudson qui suggère à Watson de trouver un "protecteur" à la petite fille qu’il a recueilli.
On suit les diverses pistes, entrecoupées des interrogations de Watson et de ses cauchemars résultant des traumatismes de sa vie militaire.
Ce récit se déroule en terrain connu avec les débrouillards Irréguliers de Baker Street et l’incompétent Lestrade.
Puis viennent les personnages historiques contemporains comme l’inspecteur Frederick Abberline chargé de l’enquête, Joseph Merrick (Elephant Man), l’acteur Richard Mansfield, Sir William Gull et Helena Blavastsky.
La traque du tueur de Whitechapel anéantit peu à peu les diverses hypothèses évoquées par les successeurs de Watson.
Parallèlement Watson s’interroge sur ce que Holmes lui dissimule. Une vie privée ? Mais après un séjour à la morgue où Holmes expérimente les méthodes de Jack l’Eventreur sur des cadavres un soupçon naît. Car que faisait Holmes au moment des crimes ? Et puis le lecteur du journal peut lui même se demander ce que faisait Watson durant ses nuits peuplées de souvenirs cauchemardesques de sa guerre en Afghanistan. Car les songes de Watson sont remplis de cadavres éventrés.
Membre de la SSHF (Société Sherlock Holmes France) Bob Garcia (1) renouvelle le thème déjà évoqué dans le film de James Hill "Sherlock Holmes contre Jack l’éventreur" (1965). Le portrait réaliste de la ville de Londres atténue la légende de Sherlock Holmes, mais renforce le côté humain et paradoxalement la crédibilité de cette histoire.
Finalement un coupable est identifié. Tout est clair. Sauf que... et si... Bon sang, mais c’est bien sûr ! Ou plutôt... élémentaire.
(1) auteur du Testament de Sherlock Holmes (prix Intramuros)
Damien Dhondt
Bob Garcia _ Duel en enfer _ Editions du Rocher _ décembre 2008 _ Inédit, grand format, 444 pages _ 19,90 euros