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Scén. : Gary Whitta
Avec : Denzel Washington, Gary Oldman, Ray Stevenson, Mila Kunis.
Distribué par Metropolitan Filmexport
112 mn
Sortie le 20 Janvier 2010
Note : 10/10
Il y a dix-sept ans sortait une petite bombe, « Menace II society », dont le seul tort fut d’arriver après le très surestimé et médiocre « Boyz ‘n the hood », et comme tous deux traitaient d’un sujet similaire, à savoir la violence des jeunes des ghettos noirs, ils furent donc logiquement comparés et le premier sorti récolta les lauriers, le second fut taxé de simple copie. Avec le temps, on remit les pendules à l’heure : « Boyz ‘n the hood » ne vaut pas tripette, mais « Menace II society » conserve son extraordinaire puissance, chose qu’on peut vérifier en le revoyant avec son édition Blu-ray américaine (non zonée, sous-titrée français, ce qui vaut mieux vu le langage urbain parlé !), et les frères Hughes entrèrent dans la légende... Depuis, les frangins ont signé le brûlot « Dead presidents » (le retour à la vie civile pour les soldats noirs dans la société américaine ne peut se faire qu’avec violence au bout du compte), le documentaire inédit chez nous « American pimp » sur les souteneurs blacks, leur magnifique adaptation de « From hell », détesté par les puristes et fans du roman graphique qui comme tout fan de lecture n’arriveront jamais à comprendre ce qu’est une adaptation (eux, ils veulent du copié-collé visuel, quel intérêt ?) et enfin, après neuf années d’attente et de certainement de nombreux projets avortés, les voici de retour avec une des grandes baffes dans la tronche de ce début d’année (en attendant le magistral « Lovely bones » de Peter Jackson, voilà, vous êtes prévenus !), à savoir « Le livre d’Eli ».
Dans un futur dévasté par les guerres nucléaires, Eli chemine sur d’immenses routes désertiques pour rejoindre la côte Ouest. Là, il remettra aux derniers hommes parmi les plus sages un livre dont il s’est fait le gardien depuis plus de trente ans. Mais dans son sillage, la violence l’accompagne. Les pilleurs l’attaquent souvent, et finissent systématiquement par être tués sous les coups de ses armes. Quand il rejoint une des dernières grandes villes, Eli va devoir affronter son dirigeant, Carnegie, qui cherche lui aussi ce livre qui serait à ses yeux l’ultime objet pour devenir le nouveau maître de l’humanité. Pour Eli, cette halte risque d’être la dernière avant que le livre ne trouve son ultime gardien.
La plus grande erreur vis-à-vis de ce film serait de le réduire à sa plus simple vision. Car si c’est ce qui risque d’arriver aux yeux de certains, et qui du coup se feront un plaisir de mieux le démolir aux yeux des autres, ce serait passer aussi à côté d’un remarquable film à la fois d’anticipation et d’action comme on n’en a pas eu depuis « Mad Max » auquel « Le livre d’Eli » fait souvent penser. De la part des frères Hughes, dont on peut aisément deviner leurs points de vue sur bien des choses de ce monde au vu de leurs films précédents, inclure la religion dans un film n’en fait pas pour autant une œuvre qui pousse à la foi (tout comme « Lovely bones », à l’inverse du roman par contre, vous voilà prévenus une seconde fois...). Pour eux, il s’agit d’abord de raconter l’histoire d’un homme, du dernier des héros, qui veut mener jusqu’au bout la mission qu’il s’est (vu ?) confier, et qui n’y arrive qu’en ayant une foi absolue et inébranlable dans cette quête. Le dernier des humains qui peut sauver l’humanité. Là réside la force du message du film, et non pas simplement dans le salut salvateur via une religion. Conjointement, les frères Hughes disposent d’une galerie de personnages parfaitement établis, évoluant dans un univers apocalyptique (avec une référence étonnante, citée visuellement via un poster, celle de « Apocalypse 2024 » avec Don Johnson !) magnifiquement recréé, et servant de théâtre à des scènes d’action fulgurantes et classieuses. Une fois de plus, le résultat va bien au-delà de ce qu’on voit, pour donner une œuvre maîtresse, quasiment parfaite en tous points, qu’un Denzel Washington transcende pour y donner le meilleur de son art. Une qualité qu’on peut aussi adjoindre aux frères Hughes, définitivement deux des plus grands cinéastes qui soient à l’heure actuelle. Certes, ils tournent peu, ils prennent le temps de monter jusqu’au bout leur projets mais quand ils y arrivent, le chef-d’œuvre est soit au rendez-vous, soit pas loin.
St. THIELLEMENT
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