8,5/10
Si je vous dis que ce bouquin est bon, me croirez-vous ? Si je vous dis qu’il a remporté le prix de la fiction lors de sa sortie, irez-vous vérifier, ou me ferez-vous confiance ? Et jusqu’à quel point admettez-vous, dès lors, que ce que l’on vous dit est vrai ? Remettez-vous en cause les médias, les images dont on nous abreuve chaque jour, les informations par dizaines au point que notre esprit ne sursaute même plus à l’annonce de nombreux morts dans un incendie ou de centaines d’hectares de forêt ravagés ?
Voici ce qu’est le Tueur de Temps, un bond d’une vingtaine d’année en avant pour mieux regarder ce qui se déroule aujourd’hui : notre passivité et notre croyance imbécile devant les informations innombrables dont on nous fait part à chaque instant, sans moyen de s’assurer que ce que l’on voit est bel et bien la réalité. Parce que ce roman n’a jamais reçu de prix, que le prix de la fiction n’existe d’ailleurs pas, Caleb Carr pointe le doigt sur une évidence qui tire toute sa force du fait qu’elle ne peut être vérifiée, représentant généralement une source virtuellement sûre et ainsi pas ou peu remise en question.
On suit ainsi notre héros qui n’est rien de plus qu’une victime du système - ici un système qu’il a lui-même créé et qu’il croyait contrôler, parce que la technologie lui donnait l’illusion d’assurer le suivi de ses actes -, un système devant dénoncer cette croyance naïve en ces images non vérifiables, pouvant changer l’Histoire, et devenant ainsi lui-même un élément déclencheur d’un mensonge qui deviendra réalité aux yeux du monde. Cette volonté de vouloir ouvrir les yeux de tout un chacun sur leur passivité déclenchera l’Apocalypse, laissant ainsi s’embraser tout autant un récit original qu’un regard acerbe sur notre société et son devenir, voire tout simplement son présent.
Grégory Covin
Le Tueur de Temps - Killing Time - Caleb Carr - traduit de l’américain par Jacques Martinache - Pocket - janvier 2004 - 320 pages -5,50 euros