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L’Europe assiégée par le Jihad depuis quinze ans, a basculé sous la coupe de l’archange Michel et de ses légions, dans une théocratie chrétienne. Sur un front de tranchées qui s’étend de la Baltique à la mer Noire, les générations d’hommes de plus en plus jeunes sont sacrifiées. Mais derrière ce front, les populations ne sont pas à l’abri des bombardements meurtriers et des AK (Attentat Kamikaze).
Sur la rive de la Loire, Pibe, un garçon de treize ans, vit mal l’atmosphère de cet état de guerre. Pour éviter l’école prophétique, quand une bombe le fait orphelin il rejoint des gosses retournés à l’état sauvage, organisés en cailleras et vivant de pillages. Il y rencontre Stef, une « grande de dix-sept ans » qui l’initie à sa nouvelle existence.
De peu, ils échappent à l’anéantissement de leur bande par la légion. Elle l’entraîne alors vers l’Est pour rencontrer l’archange Michel dans sa forteresse en Roumanie. Qui est-elle vraiment ? Quel but poursuit-elle ?
Parallèlement au parcours initiatique des deux adolescents, Pierre Bordage dévoile, avec d’autres personnages, les dessous de cette société du Bien, depuis les victimes des épurations ethniques, religieuses, jusqu’aux nantis véreux qui torturent des enfants. Il décrit une civilisation agonisante, dans un climat délétère, sur une Terre pourrie par les pluies incessantes et les destructions.
Pierre Bordage dresse un inventaire (loin d’être à la Prévert) de tout ce qui peut concourir à la destruction de l’humanité, de la nature, du progrès technique et social. On se dit qu’il exagère, mais il faut reconnaître qu’il n’invente rien, il reprend, ordonne, assemble des faits, des opinions, des idées qui ont cours dans les diverses parties du globe, en un tout cohérent et parfaitement plausible.
Et ça fait peur, car on retrouve une triste réalité, depuis les exactions des gardes rouges de Mao, des fondamentalistes de toutes natures, les horreurs de l’ex-Yougoslavie, les épurations du Kosovo, les camps d’extermination de musulmans, les attentats suicides des Palestiniens, le conflit tchétchène... Rien ne manque ! Vieux lecteur de SF et de fantastique, j’ai déjà vécu des milliers de cataclysmes et de fins du monde, mais je n’ai jamais été aussi secoué qu’à la lecture de ce roman. Ce livre est un cri, un hurlement pour avertir l’Humanité et tenter de sauvegarder ce qui est beau dans l’homme et dans sa liberté.
Serge Perraud
L’Ange de l’abîme, Pierre Bordage, Au Diable Vauvert, févier 2004, 472 pages, 23 euros.