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Scénario : Adam Alleca & Carl Ellsworth
Avec : Tony Goldwyn, Monica Potter, Sara Paxton, Michael Bowen, Garret Dillahunt, Aaron Paul.
Distribué par Universal Pictures International France
100 mn
Sortie le 22 Avril 2009
Note : 10/10.
Encore un remake. Encore un remake d’un film de Wes Craven, son premier en plus. Et... Encore un remake d’un film de Wes Craven qui enfonce très profondément son modèle ! Bon, replaçons les choses dans leur contexte. Tout genre se voit parfois réactualisé par une œuvre qui vient le dépoussiérer, le rajeunir. Dans l’horreur, il y eut la période Hammer et soudain, la réalité dépasse la fiction, le contexte d’une époque déteint sur les cinéastes, et en l’occurrence, pour les USA, les conflits intérieurs, le Viet-Nâm, la fin des sixties s’achève avec « La Nuit des morts-vivants » et le début des seventies avec des pelloches comme « La Dernière maison sur la gauche ». Une autre forme d’horreur, plus réaliste, très malsaine, signée d’un ex-professeur devenu réalisateur. Et c’est cette différence par rapport au genre qui fit la réputation du film. Car en le revoyant aujourd’hui, on se rend compte que formellement, « La Dernière maison sur la gauche » est loin d’être le chef-d’œuvre tant décrié. Et encore, il est bien plus achevé que « La Colline a des yeux » qui lui était mauvais dès le début. Mais chacun de ces deux films contenaient en eux les gênes d’un cinéma qui ne demandait qu’à mieux se ciseler. Même Wes Craven arrivera plus tard à une meilleure maîtrise de ce talent qu’il a en lui mais qu’il ne savait pas comment utiliser. Tout ça pour dire que ces remakes sont parfois attendus avec dédain par certains qui ont encore en mémoire le choc de la première vision de l’œuvre originelle. Mais dans ces cas d’œuvres fortes certes mais complètement inabouties et aux limites de l’amateurisme, des remakes signés de cinéastes marqués par ces images et conscients de grosses carences quant au film en lui-même, aboutissent à de véritables chocs. « La Colline a des yeux » d’Alexandre Aja l’a prouvé, et aujourd’hui, encore plus fort, plus traumatisant, chose qu’on ne pensait pas possible, « La Dernière maison sur la gauche » relève du pur cauchemar, d’une terreur comme on n’en a pas connue depuis longtemps. Soyez prévenus, il y a trente-sept ans, l’accroche publicitaire prévenait que ce n’était qu’un film, seulement un film ; aujourd’hui, il faut encore plus s’en persuader.
John et Emma Collinwood arrivent dans leur résidence de vacances, au bord d’un lac, perdu au cœur des bois. Sitôt arrivée, leur fille Mari part voir sa copine Paige. Pour eux trois, c’est un dur retour suite au décès du fils, du frère, disparu un an auparavant. Mais quelques heures plus tard, une horreur encore plus abominable va les frapper : Mari et Paige se font enlever, torturer et violer. Mari s’échappe, espérant rejoindre la maison familiale dans laquelle, sans le savoir, ses bourreaux trouvent refuge suite à un accident de voiture. Quand les Collinwood découvrent leur fille et comprennent qui sont leurs invités, toute humanité disparaîtra au profit d’une bestialité et d’une sauvagerie primale, une lutte pour la survie et la vengeance qui ne peut que se terminer dans un bain de sang, sans survivants dans un des deux camps.
Loin de n’être qu’un simple remake d’horreur bestiale, « La Dernière maison sur la gauche » est signé Dennis Iliadis qui a séduit les producteurs par un premier film sur le quotidien de quatre prostituées à Athènes. Et le regard qu’a le jeune cinéaste sur ses personnages était celui qu’il fallait pour donner toute sa puissance à un tel film. Lequel est épaulé il est vrai par un nouveau Krug, sociopathe hyper violent, campé par Garret Dillahunt, aperçu dans « No country for old men » et qui vient ici de signer son passeport pour ne plus être oublié. Chacun possède ainsi sa propre histoire qui se devine rapidement, les Collinwood et le deuil du garçon de la famille, Krug et sa folie associée à une paternité dont sort en victime son fils, plus victime qu’autre chose. La sauvagerie de la violence explose avec les deux filles avant de rentrer chez les Collinwood et de trouver en ce nouveau creuset une manière d’être encore plus sauvage, bestiale, inhumaine. Tout cela géré de main de maître par un cinéaste qui prend autant de temps pour ses personnages que pour soigner son film, à savoir donner de l’horreur là où il en faut, et de la beauté là où elle peut encore avoir sa place. Rien n’est laissé au hasard, l’osmose est parfaite, et la force du propos du film n’en est qu’encore plus forte, les tripes sont souvent vrillées, les dents serrées, compensant avec ce que les yeux regardent. Contrairement à ce qui pourrait être, il n’y a aucun voyeurisme dans « La Dernière maison sur la gauche » (mais certains vont se faire un plaisir d’en trouver...) mais simplement la description de ce qui peut se trouver de pire chez l’être humain, un animal à la base, et la description d’un crescendo qui peut annihiler toute civilité et humanité dans le meilleur des hommes (John Collinwood est médecin, il aide son prochain, il soignera même le frère de Krug, avant de savoir qui il est vraiment...). La perte de son enfant, le viol de l’innocence, une sorte de survivance primale qui se réveille pour éradiquer définitivement toute menace. Aucune concession n’est faite, et même la fin ultime, comprise différemment selon tout un chacun, montre qu’aujourd’hui, une telle histoire peut avoir l’aval d’un gros studio à condition d’avoir l’intelligence du traitement. Ce qui est le cas ici, et en signant ainsi le second remake réussi (presque meilleur que celui de « La Colline a des yeux », c’est dire !) d’un film phare des seventies, d’un classique de l’horreur, d’un film de Wes Craven, tout ça à la fois, Dennis Iliadis démontre un talent rare dans l’art de traiter les sujets extrêmes : sa « Dernière maison sur la gauche » est un chef-d’œuvre.
St. THIELLEMENT
Note :
L’histoire du film "La Dernière maison sur la gauche" est inspirée du film de Bergmann "La Source" (1959)
Alain Pelosato
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