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Althea Vestrit, dépossédée à la mort de son père de la Vivenef Vivacia, s’est engagée comme simple mousse sur un navire-abattoir en se faisant passer pour un garçon, tandis que son cousin Hiémain s’est vu contraint de renoncer à la prétrise en étant enrolé sur la Vivacia. Tous deux vont faire le dur apprentissage de la mer comme celui de la nature humaine.
Située au sud des Six Duchés décrits dans le cycle de l’Assassin Royal la saga des Aventuriers de la mer commence de la même façon par l’effondrement du monde du jeune héros. Mais l’affaiblissement de Castelcerf était du à la malveillance. Ici, outre les impératifs économiques, ce sont des décisions individuelles qui ont suivi leur propre logique. Ainsi c’est pour le bien de la famille que Ronica Vestrit a poussé son époux agonisant à léguer son navire, non à sa fille cadette qui avait la mer dans le sang, mais à son ainée et donc à son gendre.
Celui-ci Kyle Havre a rétrogradé Brashen Trell le second de la Vivacia au rang de simple matelot, afin de ne pas risquer que autorité soit contestée et a installé son fils Hiémain sur le navire. En effet un navire réalisé en bois-sorcier ne peut naviguer sans que quelqu’un de la famille du premier propriétaire soit à bord. Aussi, plutôt que de garder cette écervelée d’Althéa qui ne pense qu’à naviguer au lieu de chercher un mari, il a retiré son fils du monastère de Sha. Le sacrilège lui a apparement échappé. De même qu’il ne peut comprendre qu’une Vivenef sera malheureuse avec une cargaison d’esclave, ce qui est aux yeux de Kyle le chargement le plus rentable.
Si l’affrontement entre Kyle & Althéa s’annonce ceux-ci n’ont pas conscience que d’autres dangers s’annoncent avec les serpents de mer dévoreurs d’homme ou l’ambitieux pirate Kennit et peut-être également les "autres" : ces mystérieuses créatures marines.
Epouse d’un négociant maritime, vivant à proximité de l’Océan, Robin Hobb situe une fois de plus l’aventure dans un univers assez semblable au notre, où la mer est omniprésente (cf. l’attaque des pirates rouges dans les premiers tomes de l’Assassin Royal) et où la magie existe tout en étant difficile à contrôler. Ici les Vivenefs se démarquent des autres vaisseaux du fait qu’elles acquièrent une conscience après que trois de leurs capitaines d’une même famille soient décédés à leur bord.
Les colons ayant fondé Terrilville ont d’ailleurs un statut semblable aux premiers colons venus s’installer sur le rivage américain (1) mais l’arrivée des nouveaux venus bouleverse l’équilibre socio-économique. C’est dans ce contexte, entre persistance d’une magie subtile et changements profonds, que des individualités vont s’affronter.
(1) cf. la nouvelle de Robin Hobb "En héritage" parue dans Asphodale n°1.
Damien Dhondt
Robin Hobb. Le navire aux esclaves. Les aventuriers de la mer 2 (Ship of magic. The Liveship Traders), trad. A. Mousnier-Lompré
J’ai Lu n°6863. Février 2004. Réédition, poche, 316p.