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  Sommaire - Dossiers -  Paranormal -  Une affaire UMMOristique ?

"Une affaire UMMOristique ?"


Jean-Michel Abrassart

Peu après le commencement du phénomène ovni en 1947, des personnes témoignèrent être en relation avec des extraterrestres : les contactés. George Adamski est sans aucun doute le plus célèbre d’entre eux : il reçut la visite en 1952 d’un beau Vénusien blond. Il prit même des dizaines de photos des vaisseaux extraterrestres en forme de cigare. Il devint rapidement une sorte de gourou pour une branche d’orientation sectaire de l’ufologie. Hélas pour Adamski, les sondes spatiales révélèrent durant la décennie suivante que la température de Vénus s’élevait à plus de 400°C. Quant à ses photos de vaisseaux, il s’agissait de clichés d’un réverbère à gaz ! Le rêve des Vénusiens angéliques partît en fumée... Mais les rencontres rapprochées du 3ième type ne sont pas la seule méthode pour entrer en contact avec des extraterrestres, il y a aussi le téléphone ou la poste ! Tout cela nous amène au sujet de cet article : l’affaire UMMO. Tout commence en 1954, lorsque Fernando Sesma, employé du télégraphe, fonde à Madrid “ La Société des amis des visiteurs de l’Espace ”, qui a pour objectif de se préparer à recevoir de façon amicale nos frères extraterrestres. Sesma révèle dans son livre “ Ummo - une autre planète habitée ” (1967) qu’il a commencé à recevoir en janvier 1966 de mystérieuses lettres prétendument rédigées par des extraterrestres originaires de la planète UMMO. Les lettres totalisent aujourd’hui quelques milliers de pages, envoyées à une dizaine de personnes de par le monde.

C’est le physicien Jean-Pierre Petit qui fit connaître l’affaire UMMO en langue française avec son succès de librairie extrêmement peu critique : “ Enquête sur les extra-terrestres qui sont déjà parmi nous - Le mystère des Ummites ” (1991). Les lettres décrivent la civilisation communiste d’Ummo, sa science et sa philosophie. Elles sont d’un bon niveau intellectuel (niveau d’un licencié en sciences exactes), mais sont néanmoins émaillées d’erreurs. Elles ne contiennent jamais la moindre information qui va au-delà des connaissances scientifiques humaines actuelles. Le physicien Jean-Pierre Petit affirme s’en être inspiré pour ses travaux sur la magnétohydrodynamique (M.H.D.) et en cosmologie. Soit, mais le fait qu’il se soit inspiré de la lecture des lettres pour faire de la recherche en physique ne prouve en rien que les lettres soient bien d’origine extraterrestre. Pour les Ummites il existe par exemple deux cosmos jumeaux à flèches de temps inversées. Or, cette idée remonte à Boltzman, mort en 1906 ! Le magazine “ Science et Vie ” consacrait par exemple un article à cette théorie en 1956 (num. 467, rubrique actualités : “ L’Anti-Univers ”) !

Si les lettres contenaient les plans détaillés pour construire un vaisseau spatial capable de faire le trajet Terre - Ummo en 6 mois, le temps donné par les auteurs des lettres pour leur propre trajet, nous n’aurions aucun doute quant à leur origine. Bien évidemment, ce n’est pas le cas... D’après les auteurs des lettres, leur planète se trouverait en orbite de Wolf 424. Ils précisent que Wolf 424 se trouve à 3.68 années-lumières, distance que donnait en 1938 les recherches du laboratoire de Yerkes. Or, en 1952, des astronomes firent une mesure plus sérieuse de la paralaxe et révisèrent la distance à 14.3 al. au lieu de 3.68 al.. Bref, les auteurs des lettres placent leur planète à une distance que les Terriens croyaient vraie en 1938 et qui s’est avérée fausse ensuite ! De quoi sérieusement douter de l’origine extraterrestre des lettres... Mais l’affaire se corse encore : le 1er juillet 1967, une soucoupe volante dont l’arrivée avait été annoncée par les lettres est censée être observée par de nombreux témoins (aucun enquêteur n’a jamais retrouvé les prétendus témoins) et photographiée (là aussi, on a perdu les deux photographes en cours de route !) à San José de Valderas. Claude Poher, ingénieur au C.N.E.S., entreprit l’analyse des clichés photographiques. Il remarqua que l’ovni n’est jamais centré sur aucun des clichés mais toujours situé au voisinage de leur limite supérieure et latérale. Claude Poher conclut de son analyse détaillée que les clichés sont une supercherie réalisée au moyen d’une petite maquette en plastique translucide (obtenue probablement en collant ensemble deux assiettes de camping par leurs bords) que l’on a suspendue par un fil très fin pour la photographier en prenant bien soin de ne pas faire apparaître la “ canne à pêche ” sur les clichés, ce qui explique les visées anormales. Dans leurs lettres, les auteurs décrivent aussi précisément le premier lieu d’atterrissage des Ummites sur Terre, à quelques kilomètres de la commune de La Javie, près de Digne. Ils y auraient installé une sorte de base souterraine. Là encore, aucun ufologue n’a jamais trouvé l’entrée de la fameuse grotte, et ce n’est pas faute de l’avoir cherchée ! Mais quelle serait la motivation à réaliser un tel faux ? Et bien comme tous les faux, son (ou ses) auteur(s) auraient tout simplement la satisfaction, flatteuse pour l’ego, d’avoir tromper tant de personnes et d’avoir généré de nombreux livres et articles. Réaliser un faux “ qui se vend bien ” est valorisant pour l’ego comme la réalisation d’une œuvre d’art qui devient populaire. Quelles pourraient être les sources d’inspiration des auteurs des lettres Ummites ? Et bien le grand écrivain argentin Jorge Luis Borges raconte dans son roman “ Tlön Uqbar Orbis Tertius ” (1941, publié en espagnol en 1956, c’est-à-dire 10 ans avant que Sesma ne reçoive la première lettre Ummite !) une mystification littéraire prenant pour base une planète extraterrestre créée de toute pièce dans ses moindres détails par d’habiles faussaires. Une planète, Tlön, dont le système métrique est de base 12 comme sur Ummo ! En 1964, l’écrivain Robert Charroux, grand défenseur de la Théorie des Anciens Astronautes, révéla dans “ Le livre des secrets trahis ” qu’il avait reçu de mystérieux documents d’un certain M.N.Y., sollicité par des êtres originaires de la planète Bâavi. Les lettres décrivaient la civilisation bâavienne, son langage, etc. Les Bâaviens avaient une base secrète sur Terre et de nombreux correspondants dans différents pays... De façon générale, si vous êtes un extraterrestre et que vous ne voulez pas être pris au sérieux par la communauté scientifique, téléphonez et envoyez des lettres à vos correspondants : il n’y a que la télépathie ou l’écriture automatique (utilisée par les membres du Nouvel Age pour communiquer avec des entités prétendument extraterrestres) qui soit des méthodes encore moins crédibles... Les ufologues sceptiques défendant le modèle socio-psychologique considèrent que la page de l’affaire UMMO a été tournée et que l’on n’y reviendra plus. L’affaire est au-delà de tout doute raisonnable un faux, même s’il s’agit d’un faux extrêmement élaboré (nécessitant un petit groupe d’universitaires sur des dizaines d’années). L’espoir d’avoir tourné la page est vain : il y a aura toujours des gens pour considérer que toute l’affaire tient la route et qu’elle est bel et bien authentique...

Bibliographie :

  Caudron D., 1992, Les Ummoristes sont parmi nous, dans OVNI-Présence, n°47, pp. 5-21 (le même article a été aussi publié dans l’essai collectif des ufologues sceptiques : Pinvidic T. (Ed.), OVNI - Vers une anthropologie d’un mythe contemporain, Heimdal, pp. 179-197).
  Petit J.-P., 1991, Enquête sur les extra-terrestres qui sont déjà parmi nous - Le mystère des Ummites, J’ai Lu, col. “ Aventure Secrète ”, n°3438.
  Poher C., 1977, Les observations d’Aluche et de San José de Valderas ainsi que l’affaire UMMO : une supercherie de taille !, dans Inforespace, n°32, pp. 9-13 (le même article a aussi été publié dans Lumières dans la nuit, n°166).



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