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  Sommaire - Dossiers -  Paranormal -  Les différents paradigmes d’étude du paranormal

"Les différents paradigmes d’étude du paranormal"


Jean-Michel Abrassart

Différents courants de recherches, ou paradigmes, se sont penchés sur les phénomènes paranormaux au cours des deux derniers siècles : la métapsychique, la parapsychologie, la cryptozoologie, l’ufologie et enfin le scepticisme. Chaque paradigme présente des postulats, des théories, des modèles et des méthodologies qui lui sont propres. Nous allons présenter brièvement chacune de ces approches.

La métapsychique fut historiquement le premier paradigme d’étude du paranormal. Elle se forma au 19e siècle, lorsque Armand Marie Jacques de Chastenet, marquis de Puységur, rapporta ce que nous nommons aujourd’hui des perceptions extrasensorielles chez des sujets plongés dans un état de transe somnambulique. La méthodologie utilisée par la métapsychique fut principalement l’étude de cas des voyants et des médiums. Le psychologue américain William James publia par exemple de nombreux rapports de recherches de ce type dans le domaine de la métapsychique. Le bilan de James à la fin de sa vie sur les résultats de ces décennies de recherches fut cependant plutôt mitigé.

Signalons que le philosophe Bertrand Méheust, qui défend la réalité des phénomènes paranormaux, a consacré sa thèse de doctorat “ Somnambulisme et Médiumnité ” à une revue de la littérature métapsychique. Le somnambulisme est un autre nom pour désigner l’hypnose. L’ouvrage de Méheust vaut vraiment la peine d’être lu pour son imposante recherche historique, même s’il fait l’impasse sur les recherches contemporaines sur l’hypnose dont les résultats expérimentaux vont largement en faveur du paradigme sceptique. L’“ Institut Métapsychique International ”, fondé en 1919, existe toujours aujourd’hui à Paris. Le spiritisme est une branche religieuse de la métapsychique qui travaille sur le postulat que les phénomènes parapsychologiques s’expliquent par des contacts avec l’esprit des morts.

Cette religion est encore aujourd’hui très vivace en Amérique du Sud. De plus, le spiritisme revient aujourd’hui en Europe sous une nouvelle forme, la Transcommunication Instrumentale, qui prétend qu’il est possible d’enregistrer des messages venus de l’au-delà sur des cassettes vidéos ou audio.

La parapsychologie étudie le paranormal au moyen de la méthodologie expérimentale. J. B. Rhine transforma la métapsychique, qui se contentait de réaliser des études de cas, en parapsychologie dans la première moitié du 20e siècle. Sa méthodologie utilise en général des cartes de Zenner (5 symboles : étoile, vague, carré, rond et croix). Les cartes sont présentées au sujet face cachée.

Il doit deviner la carte qui lui est montrée. Une fois un nombre important de tirage effectué, il suffit d’utiliser la probabilité pour savoir si le sujet à trouvé nettement plus de cartes que les lois du hasard ne le prédisent. Rhine prétendit avoir prouvé l’existence des perceptions extrasensorielles, néanmoins la validité de ses résultats furent contestés. En Europe, un laboratoire de parapsychologie existe par exemple à Eddinburgh (Ecosse, Angleterre).

Si l’objet de la métapsychique et de la parapsychologie est majoritairement les perceptions extrasensorielles, la cryptozoologie et l’ufologie se distinguent par des objets d’études différents. La cryptozoologie étudie spécifiquement les témoignages concernants les formes de vies extraordinaires tel que le monstre du Loch Ness, le Yéti ou encore le BigFoot. L’ufologie se penche pour sa part exclusivement sur les témoignages de rencontre avec des extraterrestres.

La méthodologie de ces paradigmes repose essentiellement sur des enquêtes de terrain, et tout particulièrement le recueil de témoignages. Les chercheurs qui travaillent dans le cadre de la cryptozoologie et de l’ufologie ne considèrent généralement pas que les phénomènes qu’ils étudient relèvent du paranormal. Il est en effet exact de dire que l’existence du monstre du Loch Ness, du Yéti, du Big Foot ou encore des extraterrestres dans le cadre du phénomène ovni ne relèvent pas du paranormal, en tant qu’il est entendu comme étant un phénomène dont l’explication populaire est de nature surnaturelle. Néanmoins, ces phénomènes se retrouvent légitimement dans la nébuleuse paranormale en tant que leur réalité est contestée par les sceptiques, que ce soit les animaux de la cryptozoologie ou les extraterrestres de l’ufologie.

La psychologie des expériences inhabituelles consiste à approcher les phénomènes paranormaux dans une posture psychologique. Ce paradigme limite généralement son objet aux états modifiés de conscience : Expériences de Mort Imminente (EMI), Sorties Hors du Corps (SHC), enlèvements par des extraterrestres (angl. : abduction), etc. Carl Gustav Jung fut un précurseur dans ce domaine lorsqu’il aborda le paranormal dans le cadre de son modèle psychanalytique. Sa théorie de la synchronicité reste encore aujourd’hui une référence importante dans la littérature en faveur du paranormal. Il fut aussi un des premiers à proposer une explication sociopsychologique du phénomène ovni dans son ouvrage “ Un mythe moderne ”.

Enfin, le paradigme sceptique (voir aussi le SF-Mag n°38) s’est développé quant à lui à partir du 19e siècle. Sa méthodologie repose essentiellement sur le déboulonnage (angl. : debunking), c’est-à-dire sur la réalisation de contre-enquêtes sur les cas proposés par les défenseurs de la réalité du paranormal et par une critique farouche des pseudo-sciences. Les recherches en faveur du paranormal reposent dans la grande majorité sur des témoignages ou des récits de vie, ce qui pose de manière aiguë le problème du manque de fiabilité du témoignage humain et de sa mémoire, comme par exemple dans le cas du Syndrome des Faux Souvenirs.

L’hypnose régressive est souvent utilisée pour récupérer des souvenirs prétendument refoulés d’expériences paranormales (enlèvement par les extraterrestres, souvenirs de vie antérieure, etc.). La validité de cette technique fait actuellement débat, certains spécialistes considérants qu’elle ne fait que générer des faux souvenirs. Seuls les méthodologies expérimentales peuvent selon nous permettre de contrôler le phénomène et d’en établir de façon plus fondée son éventuelle réalité. Pour ne donner qu’un exemple, il est possible de trouver de nombreux témoignages de l’efficacité de la sourcellerie. Or, les différentes recherches expérimentales réalisées concluent au fait que le sourcier désigne au hasard.

La méthodologie expérimentale proposée par les sceptiques pour tester les prétentions des sourciers consistent en un dispositif relativement simple : il s’agit d’un ensemble de circuits de tuyaux (généralement deux ou trois) qui, après leurs poses, sont recouverts d’une surface qui les dissimulent au regard du sourcier. L’expérimentateur envoie alternativement au hasard de l’eau dans un des circuits de tuyaux. Le sourcier qui passe le test (et qui utilise en général soit une baguette, soit un pendule) n’a qu’à désigner à chaque essai le tuyau dans lequel l’eau est en train de passer. Il suffit ensuite de voir en fonction des lois de la probabilité si le sourcier à découvert les courants d’eau au-delà de ce que prédit le hasard. Les sourciers et radiesthésiste testés au moyen de cette méthodologie ont largement échoués ce test.

Pour terminer ce rapide parcours, soulignons que les ethnologues et les historiens ont étudié le paranormal depuis la création de leurs disciplines, respectivement dans les cultures non occidentales et dans le passé. Les sociologues et les anthropologues s’intéressent eux aussi à la croyance au paranormal en tant que mécanisme social. Enfin, certains philosophes constructivistes, qui défendent le relativisme scientifique, ont logiquement pris la défense de l’existence du paranormal.

Bibliographie :

  Jung, C. G. (1961). Un mythe moderne. Paris : Gallimard.
  Méheust, B. (1999). Somnambulisme et Médiumnité (2 tomes). Le Plessis-Robinson : Institut Synthélabo.



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