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  Sommaire - Dossiers -  Paranormal -  Photographier le paranormal

"Photographier le paranormal"


Jean-Michel Abrassart

Les photos sont souvent évoquées dans la littérature consacrée au paranormal comme étant une preuve que tel ou tel phénomène est bien réel. En fait, si une photo est une preuve, alors l’existence de tous les phéno-mènes paranormaux a été prouvée !

Il existe en effet des photos de fées, des esprits du spiritisme, de la télé-kinésie, du monstre du Loch Ness, etc. Les photos d’ovnis par exemple sont très nombreuses et très variées. Nous avons procédé de façon très simple et économique pour réaliser notre propre fausse photo d’ovni : nous avons lancé un enjoliveur ! Le matériel n’est pas difficile à se procurer. Vous en trouvez régulièrement sur le bord de la route. Il suffit d’avoir un complice qui prend la photo alors que vous lancez le disque. Le plus difficile est de synchroniser le lancer avec le déclenchement de l’appareil, mais vous y arriverez en quelques essais.

Dès la fin du 19ème siècle sont apparues des photos de fantômes, tels que les présentait la doctrine spirite. Le trucage était fort simple. Il suffit d’un montage à partir de deux plaques surimpressionnées et vous obtenez une personne translucide qui se tient dans le décor. La première grande affaire fut celle des photos de fées de Cottingley (Yorkshire, Angleterre). En 1917, Elsie Wright et Frances Griffiths, respectivement treize et dix ans, prennent des photos de fées. Le débat sur l’authenticité des photos opposa le créateur de Sherlock Hol-mes, Arthur Conan Doyle, à l’illusionniste Harry Houdini. Conan Doyle, qui était un théosophe, s’enthousiasma pour les clichés et les publia dans le “ Strand Magazine ” de décembre 1920, accompagnés d’un article de sa plume. Il publiera ensuite un ouvrage sur le sujet : “ The coming of the Fairies ”.

A l’inverse, Harry Houdini essaya de montrer à Conan Doyle que ces photos étaient un faux, ce qui lui coûta son amitié avec l’écrivain. L’explication sceptique est que les photos elles-mêmes n’étaient pas truquées, mais que les fillettes ont simplement pris des photos de fées qu’elles avaient dessinées. Si la théosophie a disparu, le Nouvel Age a repris le flambeau du paranormal et aujourd’hui encore les auteurs de cette nébu-leuse considèrent que le peuple féerique existe réellement.

La photo du monstre du Loch Ness réalisée par Kenneth Wilson en 1934 est un autre classique du genre. Il s’avéra finalement qu’il s’agissait d’un modèle réduit. Les photos qui ne montrent pas d’éléments du décor rendent l’évaluation de la taille de l’objet difficile voire impossible à réaliser. La photo de Petit-Rechain, que l’on peut voir sur la couverture de “ Vague d’OVNI sur la Belgique ” publié par la SOBEPS (“ Société Belge d’Etudes des Phénomènes Spatiaux ”), montre une structure triangulaire noire avec trois points jaunes aux extrémités et un au milieu.

Il n’y a qu’un fond bleu et pas un seul élément de décor. Cette photo est un élé-ment central de la discussion sur la Vague Belge d’ovnis (1989-1991). Ce qui frappe en réalité le plus à pro-pos de la Vague Belge est l’absence de photos et de films vidéos. La vague compta des milliers de témoins, qui décrivent des ovnis “ de la taille d’un building ”, “ égal au moins à six terrains de tennis ”, “ grand comme un terrain de football ” (voir Bertrand Méheust : “ Retour sur l’ “ Anomalie Belge ” ”, pp. 41), et une seule photo intéressante apparaît dans la littérature : celle de Petit-Rechain ! Si j’avais un vaisseau gigantes-que, à la “ Independence Day ”, au-dessus de ma maison, je songerais à saisir mon appareil photo ou ma caméra vidéo. Nous devrions donc logiquement crouler sous des dizaines de photos prisent durant la Vague Belge, mais il n’en est rien.

Il y eut d’autres photos que celle de Petit-Rechain, mais elles ne montrent que des points lumineux dans le ciel (des étoiles, des avions, etc). Il y a déjà là, du point de vue du paradigme sociopsychologique, de quoi sérieusement douter que la vague soit d’origine extraterrestre. La photo est sus-pecte pour d’autres raisons. Premièrement, la date exacte à laquelle la photo de Petit-Rechain a été prise n’est pas connue, ce qui empêche de connaître les conditions météorologiques dans laquelle elle est supposée avoir été prise. Deuxièmement, le témoin, dont les auteurs de la SOBEPS ont conservé l’anonymat, a attendu quatre mois avant de donner sa photo à la presse. Pourquoi attendre tout ce temps ? Troisièmement, le scep-tique néerlandophone Wim Van Utrecht réalisa une photo présentant des caractéristiques similaires à celle de Petit-Rechain en procédant de la façon suivante : il découpa un petit triangle dans du carton noir, puis colla le triangle sur un fond bleu.

Il perça ensuite des petits trous avec une aiguille aux coins du triangle et au cen-tre de celui-ci. Il plaça finalement la construction obtenue devant quatre lampes et la prit en photo. Il secoua légèrement le fond bleu afin d’obtenir les mêmes bougés que sur la photo d’origine. Malgré que le faux réali-sé par Van Utrecht ne soit pas exactement similaire à la photo de Petit-Rechain, ces différents éléments sou-lèvent des doutes importants sur son authenticité. Pourtant, les auteurs de la SOBEPS la considèrent comme un indice très fort en faveur de l’hypothèse extraterrestre.

Le film de Roger Patterson, qui montre une femelle bigfoot s’enfuir, est un classique de la cryptozoologie. Le film 16 mm fut tourné en 1967, par Roger Patterson et Bob Gimlin, à Bluff Creek (Californie, USA). Si le débat pour savoir s’il s’agit d’un faux ou non continue toujours aujourd’hui, il est néanmoins établit qu’il est possible que le film soit un faux. La taille de la créature dans le film est en effet dans les limites de la taille humaine : il suffit d’un comparse assez grand dans une tenue adéquate, qui se déplace en marchant rapide-ment et en pliant les genoux, pour obtenir ce que l’on voit à l’écran. Le film de

l’autopsie de l’extraterrestre de Roswell est aussi extrêmement célèbre. Précisons que l’affaire de Roswell (Nouveau Mexique, USA) est très probablement une légende générée par le crash d’un ballon Mogul. Divers éléments montrent que le film est sans aucun doute un faux. Par exemple, l’homme qui a distribué le film, Ray Santilli, ne veut pas donner la bande originale du film à Kodak pour datation ou encore le fait qu’on ignore le nom du cameraman qui est supposé avoir tourné le film en 1947.

Il est encore plus facile de réaliser des faux très convaincants maintenant que les trucages numériques sont à la portée de tous. Malgré la pléthore de photos de phénomènes paranormaux, les sceptiques ne considèrent pas que l’existence de ces phénomènes est scientifiquement établie. Une photo n’est en effet pas une preuve mais un indice. Cela choque en général le sens commun, pour qui si quelqu’un a pu photographier un phé-nomène, c’est bien qu’il existe. Qu’est-ce qui pose problème avec les photos ? La difficulté fondamentale est qu’il est impossible pour le scientifique de contrôler les conditions dans lesquelles elles ont été prises.

Une expérience en laboratoire peut être reproduite encore et encore, par n’importe quel chercheur de la planète. La possibilité de la réplication d’une expérience est extrêmement importante d’un point de vue méthodologi-que. Le scientifique n’a par contre aucun contrôle sur les conditions dans lesquelles les photos ont été prises. Il est donc toujours possible de suspecter un trucage. Une photo demande à être interprétée. Les mêmes diffi-cultés apparaissent avec les images des conflits militaires, comme nous avons pu encore le constater durant la dernière guerre en Irak. L’interprétation, voire la désinformation, pose aux journalistes de nombreux pro-blèmes lorsqu’il s’agit d’établir ce qui est arrivé. Il ne faut donc pas croire tout ce que l’on voit.

Bibliographie :

  Méheust B., 2000, Retour sur l’ “ Anomalie belge ”, Marseille : Le Livre Bleu Editeur.
  SOBEPS (Ed.), 1991, Vague d’OVNI sur la Belgique - Un dossier exceptionnel, Bruxelles : SOBEPS.



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