L’auteur des aventures Sherlock Holmes ne s’est pas limité aux enquêtes de ce détective hors pair. Il a crée, dans d’autres registres, d’autres personnages épiques. Parmi ceux-ci émerge la figure du professeur Georges Edward Challenger dont la plus célèbre aventure reste « Le Monde perdu » Il découvrait, malgré l’apparente impossibilité, un coin de la planète où subsistaient encore une faune et une flore préhistorique. Ce scientifique de haut niveau, au caractère épouvantable, est une force de la nature dans un corps simiesque.
Pourquoi laisser « dormir » un tel personnage avec seulement cinq aventures écrites entre 1912 et 1928 ? Il est tentant, au contraire, de lui redonner vie et de le projeter, avec son caractère truculent, dans de nouvelles aventures. C’est sans doute cette réflexion qui a motivé Laurence Tramaux pour lui écrire de nouveaux exploits. Certains s’y sont déjà essayés dans des romans, mais l’écriture de scénarii de BD reste exceptionnelle. Comme la recherche de Mondes perdus demeure un des meilleurs sujets d’aventures, pourquoi ne pas la prolonger, le temps de quelques histoires ? Pourquoi ne pas lancer Challenger à la recherche de quelques civilisations oubliées, protégées par un rideau de nature particulièrement inhospitalière ? Casterman enclenche le mouvement avec la présente série.

Henri Lempereur, égyptologue français, a trouvé une tablette prouvant que l’Égypte antique connaissait la montgolfière. Bien que celle-ci soit très controversée par les scientifiques, il est à Londres pour expliquer sa découverte et prépare une expédition. Un article signé d’Edward Malone relate cette affaire avec pour titre : « Le Professeur Challenger fait des émules » Le reporter fait le parallèle avec sa : « théorie absurde sur l’existence d’un monde peuplé de dinosaures en Amazonie. ». Il voit rouge et fou de rage, il part à la conférence. Cela finit par des insultes et le professeur se fait jeter dehors.
Mais Challenger a de la suite dans les idées. Il veut faire partie de l’expédition. Il s’impose, non sans mal, mais ses connaissances, sa capacité de déduction, le rendent indispensable pour corriger les mauvaises interprétations de Lempereur. Peu à peu, ils progressent, malgré les difficultés, les traîtrises, les erreurs, vers la découverte du mystère de l’oasis de Baharia...

On retrouve, dans cette équipée, les grandes péripéties des histoires d’aventures, avec ce qu’il faut de mystère, de révélations, de traîtrises et d’humour. Car le récit est drôle, vif, inventif.
La scénariste n’hésite pas à provoquer de nombreux coups de théâtre, jouant à merveille sur la rivalité entre les deux savants. Cela donne une intrigue très agréable à suivre, un excellent moment de dépaysement et de délassement. Pour sa première incursion dans le scénario de BD, Laurence Tramaux signe un récit d’aventure de haute tenue. Vivement la suite de ce diptyque !

Patrick Deubelbeiss connaît bien le personnage de Challenger. Il a déjà réalisé « Le Monde Perdu de Mable White » (Vents d’Ouest), un diptyque adapté par Anne Porot. Il propose, pour cette série, un graphisme réaliste, affiné, d’une grande précision. Il soigne personnages et décors dans une mise en page dynamique.
Le tome 1 des Mystères de Baharia ouvre une série qui réjouira tous les amateurs de BD d’aventures et ...pourquoi pas les autres !

Serge Perraud

Les Mondes perdus de Conan Doyle : Les Mystères de Baharia, scénario de Laurence Tramaux, dessins de Patrick Deubelbeiss, couleurs de Anni et Yinan, Casterman, coll. Ligne d’horizon, mai 2008, 48 pages, 11,50 €