Le bébé sorti en pleurs. La jeune femme poussa un hurlement déchirant ; elle se débattait furieusement, frappait de ses mains le lit en pierre. Elle eut un dernier sursaut puis son corps retomba lourdement sur le rocher. La vieille regarda le filet de sang qui s’écoulait sur les cuisses et elle sut que la mort venait de s’emparer de Zoära. Aucune femme ne survivait à la naissance du fils d’un dieu.
Elle souleva le petit être qui poussait de faibles cris et le montra à l’ours. L’animal approcha son museau de l’enfant et se mit à le lécher de sa grande langue râpeuse. Le bébé se calma et émit quelques petits cris de plaisir. La lignée continuait.

Lorsque Arnaud retourne dans le petit village pyrénéen de son enfance, il y découvre une situation tendue. La réintroduction des ours dans les Pyrénées agite les passions chez les agriculteurs, comme chez les chasseurs. De plus des morts surviennent. La terre tremble ensevelissant des hommes. Un cadavre est trouvé, apparemment tué par un ours. Puis un assassinat survient.
Aux thèses de l’accident et de simples meurtres se superpose peu à peu une autre hypothèse. Le culte de l’ours présent depuis la préhistoire ne se serait jamais éteint. Il serait juste en sommeil.
Cette thèse semble farfelue. Mais, outre les ours bruns, est mise en évidence la présence d’un ours des cavernes, appartenant à une espèce disparue depuis 10000 ans.
S’appuyant sur la légende de Jean de l’Ours, entrecoupant le récit de flash-backs historiques (appartenant aux périodes de la Préhistoire, l’Antiquité, le Moyen Âge, la Renaissance et le Premier Empire, Philippe Ward (1) nous offre un roman fantastique, non pas rural mais archaïque. Il nous fait parfaitement ressentir l’isolement des vallées pyrénéennes, propice à la dissimulation de secrets antiques (2).
L’intrigue repose sur le secret généalogique. Précisons qu’il existe dans la version américaine un chapitre supplémentaire par rapport à la version française. Il nous révèle les liens familiaux d’Arnaud avec Jules de Grandin (3) et par conséquent avec Gilles de Grandin le héros de "La Fontaine de jouvence" (4).

(1) Irrintzia (édition Naturellement, 1998), Le Chant de Montségur (Cylibris, 2001), La Fontaine de Jouvence (Rivière Blanche, 2004), Noir Duo (Rivière Blanche, 2007)
(2) cf. "Irrintzia" de Philippe Ward, ainsi que la nouvelle "L’homme des allées" de Philip José Farmer. Ce dernier nous enseigne que les derniers Néanderthaliens présents dans les Pyrénées furent découverts par les soldats de Napoléon
(3) personnage créé par Seabury Quinn, qui lui consacrera 93 nouvelles dans Weird Tales, édité en français dans "les meilleurs récits de Weird Tales (J’ai lu, 1975), "Les Archives de Jules de Grandin" (Le Masque Fantastique noir n°20, 1979) & "Jules de Grandin le Sherlock Holmes du surnaturel" (Fleuve Noir Super Poche n°28)
(4) Black Coat Press, Rivière Blanche n°2004

Damien Dhondt

Philippe Ward _ Artahe (1998) _ CyLibris _ Inédit, 260 pages _ 13,57 euros