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Sommaire - Interviews -  Le Monde de Narnia 2 : "Roger Ford" metteur en scène de production


"Le Monde de Narnia 2 : "Roger Ford" metteur en scène de production" de


Le Monde de Narnia : le Prince Caspian
Visite du plateau à Prague, les 4 et 5 juin 2007
De Rebecca Strauch

Lors de notre visite à Prague, aux studios Barrandov, nous avons sûrement vu l’un des plus majestueux plateaux au monde, le site du château du Roi Miraz. En l’espace de 15 semaines, 200 hommes ont construit une vraie cour de château grandeur nature. Cette cour, qui présente une influence méditerranéenne forte a été réalisée grâce à l’utilisation de vrais matériaux et à une attention minutieuse à tous détails.

Pendant que nous examinions le château, nous avons fait connaissance du metteur-en scène de la production Roger Ford et avons discuté avec lui de son travail sur Le Prince Caspian et, entre autres, du plus grand plateau qu’il ait jamais créé, la cour intérieure du château du Roi Miraz.

Généralement inconnu du spectateur, le travail du metteur-en-scène de production consiste à créer « le look » du film, de travailler en collaboration avec les artistes, les créateurs des costumes, les sections décor et échafaudage ainsi que les autres départements, afin d’aider le réalisateur à mener sa vision à bien. Roger Ford a été cet homme pour beaucoup de grand films, tels que Peter Pan et Babe. Mais il a dû redoubler d’efforts lorsqu’il a été invité à prendre ce rôle pour Le Monde de Narnia d’Andrew Adamson : Le Lion, la Sorcière Blanche et l’Armoire Magique, et maintenant pour le second chapitre : Le Prince Caspian.

XXX

ENTRETIEN avec : Roger Ford, metteur-en-scène de production.

Q : On nous dit que c’est votre plateau favori. Pourriez-vous nous parler des influences sur les décors ?
Roger Ford : Eh bien, c’est certainement mon plus grand plateau. Nous avions construit de grands décors pour le second film de « Babe », mais celui-ci est vraiment d’une autre dimension. Nous avons commencé par aller voir un château en France, le château de Pierrefonds, pour les extérieurs afin de se donner une idée de la taille que nous voulions. Concernant les influences, il faut savoir que les Telmarines, qui prédominent maintenant à Narnia, après avoir repoussé et massacré la plupart des Narnians, viennent d’une race de pirates. Il y a mille ans de cela, des pirates ayant fait naufrage sur une île se sont retrouvés dans une caverne où il y avait une entrée vers Narnia. Voilà le commencement de Telmar et des Telmarines. Telmar était toujours là dans le premier film, juste à côté de Narnia. Nous avons donc été fortement influencé par ces origines « Pirates ».
Nous avons donc pensé « Pirates », ainsi qu’à Peter et au fait que les enfants étaient anglais. Nous voulions que le Prince Caspian soit différent, d’une manière ou d’une autre. Nous ne voulions pas simplement un autre groupe d’anglais. Alors Andrew Adamson (le réalisateur) a eu l’idée de les rendre espagnols, ce qui, d’ailleurs, colle mieux avec l’idée des pirates. Donc autant vous dire que la plupart des influences pour les décors sont ibériques. Nous avons fait des recherches poussées et cela se voit sur beaucoup de plans. Nous voulions également que ce soit assez oppressant, nous avons donc utilisé des couleurs sombres et froides pour les décors. Les Telmarines sont foncièrement mauvais, en particulier Miraz. Cela nous a fait penser aux Fascistes, aux années 1930 et à toute cette période de l’histoire. Ceci nous a donc emmené à créer des aigles de pierre pour les décors. Par ailleurs, nous avons cherché ce qui pourrait faire un bon symbole, pour les Telmarines, à utiliser sur des bannières et des drapeaux. Ces derniers étant d’origine « Pirates », nous avons donc développé l’idée de la boussole, que nous avons utilisée tout autour de la cour.

Q : Comment est-ce que vous arrivez à vous mettre dans l’esprit une chose aussi imposante ? Quelle la première chose à faire ?
Roger Ford : Nous savions la taille que nous voulions, parce qu’Andrew (le réalisateur) avait vu ce château en France, et nous avons utilisé ce qu’on appelle « la prévisualisation ». C’est une visualisation du film sur un écran d’ordinateur avant même que le plateau ne soit construit. Les responsables de la « pré-viz » avaient pris les plans de ce château très tôt et les avaient mis sur ordinateur. Ceci a permis de figurer l’action dans la cour. Dès lors, quand nous avons commencé à faire le design, nous avons utilisé les mêmes dimensions qui avaient été utilisées pour ce château. Nous avions en plus l’avantage de pouvoir ajouter des détails au plateau si nécessaire. Aussi tous les escaliers autour d’ici ont été conçus spécialement pour ce qu’on appelle le « raid », lorsque les Narnians essaient de reprendre le château. C’est donc une construction spécialement adaptée aux besoins du film.

Q : Vous n’avez pas beaucoup d’éléments en commun avec Le Lion, la Sorcière Blanche et l’Armoire Magique, qu’avez-vous réutilisé pour ce film ?
Roger Ford : Eh bien avant tout, c’est toujours le même plateau, mais ça on ne le sait pas forcément. Dans ce film, les enfants arrivent à Narnia via une station de métro à Londres. Dans le livre, c’est une gare à la campagne. La station de métro nous a paru être plus intéressante du point de vue visuel, de plus une scène du premier film a lieu dans une gare. Par ailleurs, vous avez ce merveilleux effet de tunnel dans les stations de métros, parfait pour faire la transition. Nous sommes allés en Nouvelle Zélande, pour trouver l’endroit d’où les enfants émergeraient à Narnia, sur cette très belle plage, « l’Anse de la Cathédrale ». Cette plage est unique en son genre, avec un tunnel qui passe d’une plage à l’autre à travers la roche. Cela nous a permis de faire cette superbe transition où ils sont dans le tunnel du métro et graduellement, ils passent dans ce tunnel rocheux et arrivent sur la plage en Nouvelle Zélande. C’est à leur arrivée qu’ils lèvent les yeux et voient des ruines sur un promontoire, ils font alors le chemin vers ces ruines et découvrent que c’est en fait Cair Paravel, le château des Narnians dans le premier film. Il nous a donc fallu recréer exactement le Grand Hall de Cair Paravel, sur un endroit du promontoire, comme une ruine. Mais c’est une ruine subtile. Les enfants ne peuvent pas tout à fait deviner ce qu’elle représente, jusqu’à ce qu’ils trouvent l’endroit où les trônes se trouvaient, et c’est lorsqu’ils regardent par terre qu’ils commencent à voir les colonnes. Voilà le lien avec le dernier film. Mais à par ça, c’est un film beaucoup plus noir, Shakespearien même sous plusieurs abords.

Q : Bien que ce soit un nouveau chapitre, le monde a beaucoup changé. C’est toujours Narnia, mais ce n’est pas vraiment le Narnia du premier volume, parce que beaucoup de temps s’est écoulé. Comment avez-vous abordé ca, du point de vue de la mise-en-scène ?
Roger Ford : C’est comme si entre 1000 et 1200 ans s’étaient passés et Narnia a été ravagée par une armée envahissante, plutôt brutale. Des lors, les Narnians ont fait retraite dans les bois, laissant croire aux Telmarines qu’ils ont presque tous été éliminés. Mais ça n’est pas le cas, ils sont toujours là. On a donc ce contraste entre une architecture plutôt sombre des Telmarines et le fait qu’ils ont déboisé la forêt autant qu’ils l’ont pu. Et lorsque vous allez plus loin dans cette forêt, c’est d’une beauté luxuriante. Nous avons rendu les forêts de la Nouvelle Zélande très attrayantes, avec l’aide de notre département végétation, c’est absolument fantastique. Tous les matériaux sont vraiment extraordinaires. Cela commence tout juste à prendre forme. En ce moment nous sommes en train de construire le lieu où les Narnians se rassemblent, « La Pelouse Dansante », ainsi que les six ou sept chênes qui gardent ce lieu.

Q : Pourriez-vous nous parler un peu du Tumulus d’Aslan ? Qu’est-ce qui vous a inspiré à le développer ?
Roger Ford : Nous retournons toujours au livre pour regarder les illustrations de Pauline Baynes, tout en cherchant ce qu’on peut faire pour aller un peu plus loin que le livre. Ceci afin que, lorsque les enfants qui ont lu le livre et vu les illustrations iront voir le film, ce soit encore mieux que ce qu’ils imaginaient. Le combat singulier entre Peter et Miraz se passe presque comme dans un ring de boxeurs. En regardant ça, vous pensez : « Eh bien, ça ne va pas marcher, qui sera impressionné par ca ? ». Alors nous avons développé le Tumulus d’Aslan, afin d’avoir une sorte de temple en ruine devant le ring. Ce qui nous donne alors une scène à partir de laquelle nous pouvons travailler, quelque chose de plus intéressant, sur lequel ils peuvent sauter sur des morceaux de rochers et de ruines. Ça place le combat dans un paysage, plutôt que de n’avoir que deux types qui se battent au milieu de nulle part. C’est donc l’une des choses que nous avons faites. Par ailleurs, Andrew a encore un peu plus développé la bataille, il voulait qu’il y ait quelque chose d’autre que juste deux armées se faisant face dans le paysage.

Q : Comment tout cela se combine-t-il avec l’ordinateur ?
Roger Ford : Eh bien, c’est là où la prévisualisation se montre très utile. On peut faire des schémas et des schématiques des prises de vue dans le film et vous pouvez dire : « Cette partie-là nous la construirons en miniature et le fond viendra de la Nouvelle Zélande.... ». Donc vous savez comment le film est réalisé avant que vous ne le fassiez. Je sais ce que je vais donner et je sais de quoi les trucs supplémentaires auront l’air. Tous les projets sont contrôlés très soigneusement.

Q : De quelle façon la mise en scène de production a changé, depuis vos débuts ?
Roger Ford : À la base, ce sont les ordinateurs ! Vous savez, le dernier film de la Guerre des Etoiles avait tellement d’écrans bleus et verts que cela vous fait penser : « Tiens, est-ce que j’aurai encore un boulot dans cinq ou dix ans ? ». Mon travail est devenu incroyablement plus intéressant et stimulant à cause de toutes ces possibilités qui se sont ouvertes maintenant. Vous allez à des endroits qu’il était impossible d’utiliser auparavant parce que vous auriez vu des lignes d’électricité ou des nuages qui passaient au travers du paysage. Maintenant c’est possible parce que vous savez que vous pouvez vous débarrasser de ces choses et en ajouter d’autres. Cela a vraiment rendu mon travail beaucoup plus intéressant, stimulant, et provocateur. C’est épatant.

Q : D’où vient votre décision d’aller à Prague ? Est-ce à cause de la forêt ou est-ce une décision générale ?
Roger Ford : Le problème était la date de livraison du film et en conséquence, le temps que nous avions pour faire le film et le finir. Cela nous faisait passer l’hiver et l’été en Nouvelle Zélande. Vu que nous ne voulions pas d’hiver, il n’y avait pas d’autre moyen de s’en sortir. Donc nous avons commencé en été en Nouvelle Zélande, et puis, comme l’hiver approchait, il a fallu déménager et attendre l’arrivée du printemps. C’est ainsi que nous sommes allés dans les studios à Pragues.

Q : Pourriez-vous nous dire si vous aurez un rôle dans les films de Narnia à venir ?
Roger Ford : Non, je n’en n’aurai pas. J’ai passé quatre années étonnantes avec Andrew Adamson. Ca a été une expérience exceptionnelle. De plus le prochain film est déjà commencé et je pense que c’est une bonne chose de passer ça à une nouvelle équipe, un nouveau réalisateur, un nouveau metteur en scène.

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