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  Sommaire - Films -  S - Z -  The Eye (remake)
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"The Eye (remake) " de David Moreau et Xavier Pallud

Avec Jessica Alba, Alessandro Nivola, Parker Posey, Rade Serbedzija, Rachel Ticotin
Année 2008 Pays USA Note : 3/10

Jadis méconnu et réservé à une poignée de fanatiques, le cinéma asiatique a gagné un nouveau public au cours de la décennie écoulée, grâce aux bonnes œuvres de quelques compagnies vidéos ayant sorti de nombreux titres représentatifs venus d’Orient. L’épouvante fut souvent mise à l’honneur, imposant de nouvelles normes pour le genre, basées sur une sensibilité et des croyances fort différentes des métrages en provenance d’Europe et d’Hollywood. Les trilogies RING et ONE MISSED CALL, DARK WATER, KAIRO / PULSE, THE GRUDGE (Japon), SHUTTER et BANGKOK HAUNTED (Thaïlande), la tétralogie WHISPERING CORRIDORS, PHONE et DEUX SŒURS (Corée) ou la saga THE EYE (Hong Kong) sont quelques exemples d’une importante production consacrée aux phénomènes de hantise au sens large. Une mine importante pour les Etats-Unis qui se sont lancé dans une série de remakes de la plupart des titres précités, avec plus (rarement !) ou moins (souvent !) de bonheur. Pour un THE RING adéquatement transposé combien de piteux PULSE, RING 2 ou DARK WATER ?
Cette fois, c’est THE EYE qui se trouve dans l’œil (!) des producteurs ricains, lesquels ont été cherché les Français David Moreau et Xavier Pallud, remarqués pour leur thriller horrifique ILS, afin qu’ils emballent cette relecture sans imagination.
L’intrigue, tout d’abord, n’a pas changé dans ses grandes lignes. La jeune violoniste Sydney (Jessica Alba, aussi belle que piètre comédienne) est aveugle depuis son enfance. La greffe d’une cornée la tire de son handicap mais peu après l’opération, la demoiselle se met à avoir des visions. Qui était donc la donneuse inconnue et que cherche t’elle à dire à Sydney ?
THE EYE est l’exemple typique du "film d’horreur" qui n’ose pas dire son nom et préfère se définir comme un thriller fantastique afin de s’assurer une classification "PG 13". Non que ce soit nécessairement synonyme de mauvais film, un cinéaste doué étant capable de transcender de telles limites pour accoucher de réussites à la fois effrayantes et suggestives. Malheureusement THE EYE prend rapidement la voie du train fantôme en sortant une grosse artillerie plus risible que terrifiante, à base de spectres déformés surgissant à l’écran avec un bruit censément glaçant. Un effet qui pouvait fonctionner voici dix ans mais qui, aujourd’hui, a été tellement vu et revu qu’il parvient simplement à provoquer un sentiment d’ennui.
Le métrage commence pourtant de manière relativement efficace et les deux cinéastes tentent de jouer sur l’ambiguïté : l’héroïne voit elle des fantômes ou ces phénomènes étranges ne sont ils que la conséquence de son opération de la cornée ? La montée du suspense et la construction des personnages possèdent donc un minimum d’intérêt mais la performance vraiment peu inspirée de Jessica Alba ruine une bonne partie des efforts entrepris par les deux Français. L’actrice est belle, impeccablement maquillée (pour une aveugle c’est étonnant !) mais elle peine vraiment à imposer un personnage crédible, peu aidée il est vrai par un script hâtivement gribouillé. Parker Possey et Alessandro Nivola ne s’en tirent pas mieux, loin de là ! La première semble perpétuellement endormie, se demandant ce qu’elle fait là, et le second aligne tous les clichés possibles concernant les thérapeutes vus par Hollywood. Les dialogues, qu’ils soient émotionnellement chargés ou pseudo scientifiques sonnent, eux, terriblement faux !
Si le climat de THE EYE est globalement sérieux, les rares (heureusement !) tentatives d’humour sont pour leur part catastrophiques et s’apparentent à des clins d’œil vers les amateurs de parodies à la SCARY MOVIE. Lors d’un moment de tension entre Alba et le psy, la première tente d’expliquer ce qu’elle endure et lâche finalement un "I see..." auquel notre thérapeute répond par un grandiose "What ? Dead people ?" ponctué d’un éclat de rire. Stricto senso la réplique est amusante mais, dans le contexte de suspense voulu par les cinéastes, elle est simplement consternante et anéanti en un instant toute une savante construction, comme si après avoir tenté de nous faire croire à leur histoire Moreau et Pallud baissaient les bras et nous disaient bien forts, "n’ayez pas trop peur, c’est un film, c’est pour rire !".
THE EYE prend donc son temps pour construire un suspense qui ne mène à rien et s’écroule comme un château de carte dans sa seconde moitié. Car si les trente premières minutes peuvent, à la rigueur, faire illusions, les suivantes sont d’une rare nullité. Le scénario progresse alors par à coup, sans véritablement trouver sa direction, ponctué par les très faibles effets de terreur, aussi datés que ratés et répétitifs. Et, même sans connaître l’original, tout spectateur un minimum concerné comprendra vit où les cinéastes veulent nous mener. A savoir vers un final voulu explosif et palpitant.
Cette séquence finale retrouve donc un peu de punch (il se passe enfin quelque chose d’un tant soit peu palpitant !) mais son efficacité est désamorcée par la certitude qu’il ne peut de toute manière rien arriver de bien dramatique aux personnages. Quant à la fin, sa bêtise crasse laisse songeur et achève le métrage sur une note bien négative.
En résumé, THE EYE est une vaine tentative de copier coller une réussite (relative mais réelle) du cinéma hongkongais pour aboutir à un pop-corn movie sans ambition destiné à donner quelques frissons frelatés à de jeunes spectateurs.
Pas complètement nul (dans le genre on a toujours vu bien pire !) mais tellement inutile que THE EYE ne peut être qu’irritant.

Frédéric Pizzoferrato