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"Cul-de-sac "
Douglas Kennedy

Editeur :
Gallimard Folio Policier
 

"Cul-de-sac "
Douglas Kennedy



Nick Hawthorne est un journaliste américain qui se plait à vivre au jour le jour, sans ambition, sans attache, changeant régulièrement de job. Un jour, chez un bouquiniste de Boston, il déniche un guide de l’Australie et tombe en arrêt devant la carte du pays, fasciné par la perspective de « rouler une journée entière sans rencontrer la moindre trace de civilisation (...) sous un ciel bleu cobalt, loin des soucis et des contraintes de la vie moderne », dixit l’ouvrage touristique. Deux heures et six bières plus tard, aussi impulsif qu’indépendant, Nick décide de vendre ses maigres biens, de vider son compte en banque et de partir illico pour le pays des kangourous.

Attiré de prime abord par l’Australie profonde, le bush à parte de vue, Nick finit vite par se lasser de ses pécores et ses bleds paumés écrasés de chaleur, distants de centaines de kilomètres les uns des autres. Mais quand il envisage d’écourter son séjour, il est déjà trop tard, le destin vient de le désigner victime de l’année. Dans une station-service, il rencontre une auto-stoppeuse nommée Angie, vingt ans, un mètre quatre-vingts de muscles, des mains comme des battoirs, pas mal dans le genre « nature » ou « surfeuse », si ce n’est ses dents noires et gâtées. Ils font un bout de chemin ensemble, et chacun étant plus ou moins à la recherche de la même chose, ce qui devait arriver arrive : ils couchent ensemble, une fois, deux fois, toute la semaine, dans une ambiance de partie de catch, étant donné l’énergie et l’appétit de la donzelle du désert, qui ne cesse de vanter les mérites de la vie au trou perdu où elle vit. Estimant qu’il a passé assez de bon temps, et que cette fille commence à être trop collante, Nick décide de la quitter après une dernière étreinte. Celle de trop.

Au lieu d’être à nouveau libre comme l’air, Nick se réveille la bague au doigt, au pays d’Angie : quatre familles, cinquante trois habitants brut de décoffrage vivant en circuit fermé. Bienvenue à Wollanup. C’est là que la virée touristique du journaliste vire au cauchemar total, puisqu’il est le compagnon choisi par Angie, et que la communauté vivant cachée aux yeux du monde ne peut se permettre de le relâcher. Soit Nick accepte ses règles et son mode de vie, soit il se fait enfermer dans une cabine répugnante et se prend des coups, sinon pire. Evidemment, Nick ne songe qu’à s’enfuir, mais Wollanup est une ville fantôme rayée de la carte il y a des années, à 700 kilomètres du plus proche village, soit seize heures de route sur des pistes cabossées. Surveillé par le clan qui n’hésiterait pas à l’abattre, ce dont Nick est conscient, sa marge de manœuvre est extrêmement réduite, proche de zéro. Entre espoir et déprime, intégration et révolte, ironie et dégoût, Nick va alors passer par tous les stades de la souffrance, de l’angoisse et de l’abjection.

Malgré cela, "Cul-de-sac" est loin d’être un roman glauque, car le noir portrait de la communauté est tempéré par beaucoup d’humour, à travers le regard acerbe de Nick sur son « épouse » et ses ravisseurs. Ceux-ci, loin d’être aussi dégénérés que les affreux de "Massacre à la tronçonneuse" ou "La colline a des yeux", sont avant tout des brutes alcooliques à l’horizon et à l’esprit pour le moins limités. Les wollanupiens n’ont pas la télévision, ce qui n’est pas un mal en soi, mais ils ne possèdent que 35 livres, des romans de gare sur lesquels ils ne se précipitent pas, « vu que la lecture était tenue pour une activité qui empiétait trop sur les heures de boisson », en moyenne, douze boites de bière par jour, par habitant... de quoi grignoter quelques neurones au fil des mois et des années. Ajoutez à cela une hygiène plus que douteuse, des vêtements hors d’âge, une nourriture basée sur deux sortes de légumes et de la viande de ‘rou (traduisez par kangourou) tous les jours, et vous aurez une idée du portrait des autochtones. Quant au paysage, il se limite à un village cerné de falaises, traversé d’une rue défoncée où traînent des têtes coupées de kangourous, rongées par les chiens errants qu’il faut régulièrement abattre. Une usine d’équarrissage jouxte ce qui tient lieu d’école et un immense tas d’ordures que l’on brûle tous les trois mois est tout proche des bicoques tenant lieu de maison. Pas vraiment un endroit où l’on aimerait s’attarder, mais comme l’indique le titre original, Nick est coincé dans le « cœur mort » de l’Australie. Au bout de ce roman nerveux et captivant qui se lit d’une seule traite, vous saurez s’il s’en sort... ou pas.

Hervé Lagoguey

Cul-de-sac, de Douglas Kennedy, (The Dead Heart, 1994), traduit par Catherine Cheval
Gallimard, Folio policier, 2006, format poche, 291 pages, 6€.

Ou :

Cul-de-sac, de Douglas Kennedy, (The Dead Heart, 1994), traduit par Catherine Cheval
France Loisirs, collection Piment, 2007, format poche, 274 pages, 8,95€.





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