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Sommaire - Interviews -  Harlan Coben


"Harlan Coben" de Marnie et Valérie


Rencontrer Harlan Coben après le succès qu’il récolte actuellement et l’adaptation au cinéma de son roman « Ne le dis à personne » est une aventure particulièrement prometteuse. Belfond a d’ailleurs mis les petits plats dans les grands en conviant quelques journalistes dans un hôtel grand charme du 6e. Toute personne croisant un personnage public vous dira la même chose : « Il est trop sympa, génial, simple.... » C’est malheureusement le cas ici, on tombe en plein dans le cliché.

Pourtant, Harlan Coben est bien plus précieux que quelques idées préconçues. D’emblée chaleureux, il marque chacun par sa sympathie, son esprit aiguisé, son humour et sa gentillesse. Il va répondre à chaque question, comme le ferait un ami, avec intelligence et élegance. Chacune de ses interventions sonne juste, et l’envie de le découvrir par le biais de son oeuvre littéraire devient de plus en plus pressante. Un grand moment.

Harlan Coben

C’est étrange de vous voir ainsi autour de la table, je m’imagine bien avoir comme ça ce genre de petit déjeuner tous les matins à la manière d’un chef d’entreprise (rires). (En présentant sa traductrice) Voici ma voix française (un peu modifiée). J’ai eu une voix de femme toute cette semaine...

Après six ans d’absence, quelle impression cela vous a donné d’avoir remis Myron sous les feux de la rampe ?

Comme à chaque fois, comme pour ce livre là, j’ai commencé avec une idée. Par exemple, j’ai effectivement surpris la conversation de deux adolescentes qui parlaient d’avoir à conduire en état d’ébriété ou de monter en voiture avec quelqu’un qui aurait trop bu. Après les avoir écoutées, je suis allé les voir en leur disant : " Voici mon numéro, ma carte de visite, je ne veux absolument pas que quelque chose vous arrive. Si vous vous trouvez dans cette situation, n’hésitez pas, téléphonez-moi. Je ne dirai rien à vos parents...".

J’ai donc moi-même fait cette promesse. Contrairement à mon personnage, cela s’est arrêté là et rien n’est arrivé. En tant qu’écrivain, je me pose toujours cette question : « Qu’est-ce qui se passerait si... ». Je me suis alors demandé « Qu’est-ce qui se passerait si je devais aller chercher une adolescente à 2 heures du matin et qu’après l’avoir amenée à l’endroit convenu, elle disparaisse ». A partir de là, j’ai cherché la personne idéale pour une telle histoire ? J’ai tout de suite pensé que Myron Bolitar était le type pouvant faire une promesse aussi idiote et sur qui ce genre de chose pourrait lui tomber ».

Ce qui était profitable en remettant Myron Bolitar sous les feux de la rampe après six ans d’absence, c’était de ne pas avoir à nécessairement revenir sur ce qui aurait pu se passer pendant ce laps de temps tout en permettant aux lecteurs plus récent d’attérir dans les chroniques de Myron sans s’y perdre. Pour les fans de la première heure, ils pouvaient retrouver le personnage de Balle de match (NDLT : HC a donné le titre en français) et voir ce qu’il était devenu.

La vie personnelle de Myron a totalement changé pendant ces six ans, pourquoi ?

C’est ce qui m’intéressait aussi, en tant qu’écrivain, d’inventer au fur et à mesure de la progression du récit, ce qui s’était passé et quels avaient été les changements dans la vie de Myron, de Wyn, d’Esperanza, de Cindy, des parents de Myron, etc. C’est vrai aussi que ce personnage récurrent est différent d’un détective classique, plus stéréotypé, puisqu’il y a des vrais changements dans son parcours. ce qui n’est pas toujours le cas. La raison pour laquelle après six livres j’avais arrêté d’utiliser Myron Bolitar comme protagoniste principal, c’est parce que je me suis dit : "Oh ! Il lui est déjà arrivé tant de choses, jusqu’à quel point est-ce possible de continuer en étant crédible ? Est-ce que dans la vie d’un homme, il peut y avoir autant d’accidents, d’évènements, d’histoires criminelles ?".

Connaissez-vous la série télé Murder she wrote ? Personne ne répond. (Val intervient alors pour lancer Arabesque, ce qui déclenche les rires).

Harlan Coben reprend : à chaque fois que quelqu’un invite Jessica Fletcher à dîner, une personne décède de mort violente ! Qui pourrait avoir l’idée d’inviter cette femme chez soi ? J’ai donc arrêté.

Est-ce qu’il y a des points communs entre votre personnage et vous ?

C’est une chose que les auteurs n’aiment pas trop avouer. Effectivement, il y a des points communs entre Myron et moi. On peut même dire que Myron est une version plus aboutie de moi-même.
C’est quelqu’un qui est un meilleur basketteur que moi (j’ai joué au basket), il se bat mieux que moi, est plus drôle. C’est souvent quelqu’un qui a des réparties, des répliques ou des réponses que j’aurai aimés avoir. C’est aussi quelqu’un qui est plus loyal que je ne le suis, c’est sans doute un meilleur ami que moi. Cependant, il y a deux points sur lesquels je le bats : je suis meilleur danseur - mais il est un peu tôt pour vous faire une démonstration (rires) - et puis je suis un peu plus futé dans mes relations avec les femmes. Ne me faites pas dire que je suis un expert sur le sujet par rapport à Myron, non, ça reviendrait dire que la syphilis est moins dangereuse qu’une autre maladie du même acabit ! Mais en tout cas, moi, je suis avec la même femme depuis vingt ans, alors que Myron semble avoir des difficultés à rencontrer une compagne adéquate.

De toute façon nous avons tous deux une relation de jalousie réciproque entre lui et moi, c’est vrai que Myron - parce qu’il n’a pas réussi à rencontrer la femme qui lui convienne - est un peu jaloux de moi qui suis marié depuis près de vingt-cinq ans, qui ai quatre enfants et qui vit une vie tranquille dans la banlieue de New-York.

Mais d’un autre côté, mes parents sont décédés lorsque j’étais jeune, alors que ceux de Myron sont toujours en vie. Il a avec eux une relation qui me fait envie, qui est telle que j’aurai aimé avoir avec mes parents, s’ils avaient vécu.

Harlan Coben se tourne vers sa traductrice : pourquoi est-ce que tu me regardes, je ne sais pas ce que tu viens de dire !

La traductrice lui répond : mais j’ai dit exactement la même chose que vous !

Il reprend en nous regardant : est-ce qu’elle était bien sa traduction ?

Nous répondons tous : oui. Parfait !

Harlan Coben rétorque : parce qu’elle aurait pu vous dire que j’étais nul, que je racontais n’importe quoi, qu’elle allait rétablir la vérité...

La traductrice rit et répond : non, je n’aurai jamais osé !

Promets-moi parle des difficultés entre adolescents et parents et du regard déçu des adolescents sur leurs parents. Est-ce que c’est cela que vous vouliez transmettre ?

Je ne crois pas tout à fait à ce reproche que font les adolescents à leurs parents et je ne suis pas tout à fait sûr que la traduction du roman en français ait été aussi juste qu’il aurait été souhaitable.

En tout cas, les tensions qui existent entre parents et adolescents sur notamment les choix de vie, les occupations quotidiennes comme ce qu’ils regardent à la télé ou s’ils jouent à des jeux vidéos, ce sont des tensions normales et générationnelles qu’on trouve aujourd’hui mais qu’on avait aussi. Nos enfants nous inquiètent sur certaines choses, comme nous alarmions nos parents sur d’autres. Bien sur, il y a toujours des conflits. J’écris sur la famille, sur des situations un peu ordinaires, je ne fais pas des romans sur des serial-killers ou sur des conspirations se déroulant à la Maison Blanche. J’écris des romans policiers sur vous ou moi, sur notre quotidien. Mes héros sont des gens comme vous qui font du mieux qu’ils peuvent mais qui de temps en temps se trompent et c’est la raison pour laquelle les lecteurs arrivent à s’identifier aux personnages, à y retrouver leurs voisins.

Ce que je recherchais dans ce livre, plus que les situations critiques entre parents et enfants, c’était les liens puissants que peuvent avoir les membres d’une famille. Je ne me souviens plus du nom d’un de mes personnages, le père de l’ex-petit copain de la jeune fille. Il a fait des choses horribles, et à la fin du livre on l’aperçoit à cette fête, il a un regard qui je l’espère permet de comprendre que d’une certaine manière, il a agit ainsi pour son fils. C’est ça aussi que je cherche à faire : ne pas scinder les actions en noir ou blanc mais que l’on puisse travailler sur le gris, sur la complexité des relations humaines, sur leur multitude de nuances.

Etes-vous intéressé par la culture européenne ou seulement par ce qui est américain ?

Le premier chanteur que j’apprécie c’est Damien Rice. En second, quelqu’un que j’aime depuis des années : Bruce Springsteen et puis le troisième c’est M, l’artiste qui a composé la musique de Ne le dis à personne. Je ne sais pas si vous avez vu le film, mais j’aime particulièrement la dernière chanson, et généralement toute la musique qu’il a réussi à faire. Je me souviens avoir été assis près de lui lors de la Première. Il y a une scène de poursuite à pieds tout à fait spectaculaire. M est quelqu’un d’assez calme, d’assez timide et je n’arrêtais pas de lui donner des grands coups de coude comme ça (il mime) et je lui disais « super musique, c’est super ! ». Et le dîner qui a suivi la cérémonie des César, il était de nouveau à côté de moi, et je lui répétais : « Je t’avais dit, je t’avais dit ! ».

En ce qui concerne les auteurs, en dehors des écrivains britanniques, nous n’avons accès à rien, en tout cas pas la littérature française qui n’est quasiment pas traduite. Il y a deux ans, je suis allé à un festival de romans noirs à Lyon. J’y ai rencontré pleins d’auteurs contemporains français formidables, mais voilà, je ne peux pas les lire parce que les textes ne sont pas disponibles en anglais et c’est vraiment quelque chose qui m’ennuie profondément. Bien évidemment, je pourrai citer Alexandre Dumas ou Victor Hugo, qui a deux cent ans d’âge mais cela n’a pas d’intérêt.

Malheureusement, je n’ai pas accès à cette littérature contemporaine. Il faut que les Américains se mettent à traduire davantage d’auteurs européens et français en tout cas. Mon auteur préféré de tout temps c’est Philip Roth. On n’écrit pas le même genre de livres, mais c’est quelqu’un du New Jersey comme Bruce Springsteen, Mary Higgins Clark ou comme les Soprano.

Harlan précise alors pour la traductrice qui ignore ce qu’est la série Les Soprano : "Ce n’est pas un documentaire" et par deux fois il lance en riant : « C’est de la fiction ! » :

Peu m’importe de quoi un livre traite, ce qui compte c’est que ce soit un bon livre. Je lis les textes quand ils sont bons, quelque soit le type de sujet. Ce qui fait mon choix, c’est le bouche à oreille. Il va peut-être y avoir une grande affiche dans le métro sur un de mes bouquins, mais cela n’est pas ça qui vous amene à le lire, mais plutôt une connaissance qui vous dit : "Ce livre est bien tu devrais le lire !".

En cette année de l’Inde dont on parle au Salon du livre, êtes-vous intéressé par d’autres cultures ?

Comme vous tous, je pense, je ne fais pas un choix spécifique. Je ne me dis pas un beau jour, tiens, je vais lire ce livre d’Afghanistan ou ce texte du XVIIIe siècle. Ce sont plutôt des démarches dues au hasard, ou des choses que l’on voit, que l’on entend, ou encore une couverture de livre. Malheureusement, aujourd’hui je n’ai plus beaucoup l’occasion d’aller dans les librairies en dehors des sessions de signature. C’est vrai que je reçois énormément de livres d’éditeurs, j’en ai des piles entières. On me demande souvent de donner mon avis pour ensuite pouvoir imprimer : "Harlan Coben a aimé".

Je lis principalement de la fiction.

Pourriez-vous écrire un livre qui se situerait dans un autre univers que la banlieue de New York ?

La chose que j’ai remarqué aussi bien en tant qu’écrivain ou qu’en tant que lecteur, c’est que plus on est centré sur quelque chose de très spécifique ou de particulier, de familier, plus on est pertinent et d’une certaine manière universel. Je me trouve pertinent en faisant le choix d’écrire sur le New Jersey, et si je faisais le choix de faire une histoire sur l’ensemble des Etats-Unis, cela ne fonctionnerait pas.

A chaque fin de vos chapitres, il y a un suspense, un rebondissement, est-ce une technique ?

Je ne crois pas qu’on puisse utiliser le terme de rebondissement, mais c’est exprès que effectivement il y a à la fin de chaque chapitre, un petit suspens, une petite question, je dirai presque un “suspend” en fait, quelque chose où l’on se dit : "et après qu’est-ce qui se passe ?. Et c’est vrai que cela correspond à ma manière de faire.

Quand j’écris, presque sur chaque page, presque sur chaque mot, je me demande si ce que je viens d’écrire retient suffisamment l’attention des lecteurs, est-ce suffisamment excitant, fascinant et titillant ? Et dernière chose, je me demande si ça fait avancer l’histoire. C’est vrai que lorsque Myron fait cette promesse à la fin d’un chapitre, on se pose la question : qu’est-ce qui va se passer ? Est-ce qu’il va être obligé à un moment donné de la tenir cette promesse ? Je me demande aussi, et c’est un ressort essentiel et c’est aussi ce que je cherche à faire, c’est que vous lecteur, vous refermiez le livre en ne vous disant pas seulement : oh, j’ai passé un bon moment ! Mais ce qui m’intéresse c’est que vous soyez compatissant, que vous ressentiez quelque chose pour Myron Bolitar ou les autres personnages, que vous vous sentiez concernés par ce qui leur arrive et que vous ayez envie que Myron soit heureux ! C’est aussi la question que je me pose quand j’écris ; il ne s’agit pas seulement de “saisir l’esprit” mais surtout de toucher le cœur !

Sur les précédents livres, vous disiez que vous saviez déjà comment vous alliez terminer, et que vous n’aviez aucun plan, est-ce toujours le cas ?

Pour Promets-moi je connaissais le début et la fin, ainsi que pour les livres précédents. Mais pour le prochain livre que je viens de terminer, intitulé The woods qui sort au mois d’avril aux Etats-Unis et raconte l’histoire de quatre adolescents en camp de vacances qui disparaissent dans les bois. Quand j’ai commencé le récit, je ne savais pas du tout comment cela allait se terminer, jusqu’à la page 200 à peu près, en fait, jusqu’au moment où l’un des personnage me l’a soufflée, mais c’était extrêmement intéressant, après 15 ou 16 livres, d’être confronté à quelque chose de nouveau dans le processus de l’écriture.

En fait, ce qui est important quand on est écrivain c’est de savoir ce qui provoque l’écriture, ce qui la fait naître. Alors si j’écris bien à la maison, j’écris bien à la maison, si j’écris bien dans un café Starbucks, j’écris bien dans un café Starbucks. J’ai d’ailleurs la chance d’écrire bien n’importe où !

Avant de venir à Paris, j’étais en Allemagne pour la promotion du livre. Là-bas, à la sortie des romans, on organise des lectures à double voix. Je lis des extraits du roman en anglais, et un comédien le déclame allemand. Je ne comprends pas l’allemand, j’étais là assis, à côté du comédien en train de lire à haute voix sa partie . Soudain une idée m’est venue. J’ai essayé de sortir le plus discrètement possible un carnet et un crayon, et je me suis mis à retranscrire ce qui m’était venu en tête. Malheureusement, je me suis fait surprendre, et j’ai bien été obligé d’admettre qu’effectivement j’étais en train de noter une idée qui me semblait suffisamment importante pour devoir l’écrire sur le champ, ce qui n’était pas le comportement le plus adéquat dans ces circonstances.

En ce qui concerne le plan, je n’en ai toujours pas.

Etes-vous satisfait des traductions de vos livres ?

Traduit en 107 langues, en vietnamien, en chinois ou en thaï, je suis ravi bien évidemment, mais, bien que l’on souhaite contrôler les choses, à un moment, on ne le peut plus. Je considère que j’ai de bons éditeurs et ce sont eux qui surveillent les traductions. Je me laisse faire.

J’ai une petite théorie personnelle à laquelle je me raccroche : si un livre marche bien, c’est que c’est un bon livre, et si il ne se vend pas bien, je considère que l’éditeur n’a pas fait son travail et qu’il n’a pas surveillé la traduction et que là, il y a quelque chose qui s’est perdu.

Un jour, mon éditeur chinois m’a envoyé une copie de la traduction et il m’adresse un petit mot disant que si quelque chose ne me convenait pas, il fallait que je lui indique... J’étais très touché mais je ne pouvais pas faire grand-chose ! Il faut d’une certaine manière laisser faire les autres sur certains aspects.

C’est vrai que j’avais un rêve : figurer une fois dans ma vie sur la liste des best-sellers du New-York Times ! Cette semaine, il y a trois de mes romans qui sont dans la liste du plus grand nombre de livres vendus en France... C’est merveilleux, c’est un tel plaisir...

Est-ce que cela a été difficile pour vous d’être publié ?

Mon premier livre, aux Etats-Unis, a été imprimé lorsque j’avais 26 ans. J’ai été publié assez facilement, mais il a fallu beaucoup de temps avant de pouvoir gagner ma vie avec mes livres. Par exemple deal breaker avait été publié uniquement en livre de poche avec un tirage de 15.000 copies, c’est très très peu au USA, et cela m’avait rapporté 5.000$, ce qui n’est pas grand-chose. Cela a mis vraiment du temps avant de pouvoir vivre de ma plume. C’est vrai que j’ai deux livres qui sont actuellement épuisés au Etats-Unis, et je vais probablement accepter qu’ils soient publiés en France, avant de les éditer de nouveau aux USA. En France, par contre, si l’on peut dire, le succès a été plus rapide, notamment Ne le dis à personne qui s’est tout de suite relativement bien vendu, et a connu un certain succès.

Comment avez-vous été associé au film de Guillaume Canet ? Comment avez-vous vécu cette adaptation cinématographique ? Du fait du de savoir que vos romans vont être adaptés au cinéma, change t-il le rapport avec l’écriture ?

Ah ! Je me demandais quand on allait parler de Ne le dis à personne. Non. Aucun changement sur l’écriture. En ce qui concerne l’adaptation de Guillaume Canet, c’est l’adaptation de Guillaume Canet et de Philippe Lefevre. C’est vrai qu’on a travaillé, que cela a été une collaboration assez agréable, mais je n’ai pas du tout participé à l’adaptation. Je me souviens par exemple qu’on avait fait un dîner à l’hôtel Costes et que Guillaume Canet était extrêmement nerveux puisque c’était la première fois qu’il m’apportait les photos des comédiens qui allaient incarner mes personnages. Quand il me les a montré il m’a dit : "Oh, je vais montrer les visages qui vont donner corps au gens du livre !" C’est vrai que cela a été une collaboration très agréable.

D’ailleurs, je suis dans le film ! Je pique la vedette avec toute ma famille ; vous me voyez sur le quai de la gare Montparnasse ! Nous avions plaisanté Guillaume Canet et moi. Je lui ai dit, si le film est nominé pour un César, je viendrais à Paris pour la cérémonie pour te soutenir, et c’est vrai qu’il y a eu neuf nominations et je suis venu avec ma femme !

Dans quel film vous voit-on la prochaine fois ?

(rires) Je suis très sollicité mais non, il faut que j’écrive mes livres !

Quel est le prochain livre qui a être adapté ?

Au niveau de l’adaptation, Hollywood est un monstre assez bizarre. Il y a toujours des projets ou des commencements de choses, ainsi il y avait un début d’adaptation sur Ne le dis à personne, avec un réalisateur connu, Michael Apted. Cela devait être comme ci, comme ça et en fait cela ne s’est pas fait. Imaginez une immense clôture de fils barbelés, Hollywood d’un côté et moi de l’autre, je lance le livre, Hollywood lance l’argent, chacun court de son côté, et on n’entend plus jamais parler des uns et des autres. Voilà c’est malheureusement comme cela que les choses se passent, alors le prochain film adapté ? Mystère...

Imaginez-vous un acteur pour Myron ?

Non. Mais je n’imaginais pas un acteur pour Ne le dis à personne jusqu’à ce que je voie François Cluset. Quand je l’ai rencontré, j’étais inquiet pour sa santé, je me disais, il faut que je prenne soin de lui ! (rires).

Marnie demande : J’étais très étonnée de voir que Myron parle encore en yiddish, parce qu’en France, plus personne ne connaît cette langue (à part mes parents) et je me demandais si aux Etats-Unis, certains le parlent encore ?

(rires) Non. Il y a très peu de gens, mais j’aimais cette scène et cette phrase : « Les hommes font des projets et Dieu se marre »... Cette expression yiddish me fait mourir de rire. Vous ne la trouvez pas bien cette expression ?

Si...

Moi elle me plaît énormément !

Justement, lorsque je l’ai lue j’ai téléphoné à ma mère pour la lui citer. (rires)

Bon ! Bon !

En lisant vos livres, j’ai l’impression de revoir la façon de faire de Hitchcock, ainsi il y a beaucoup de McGuffin (NDLT : Hitchcock explique le sens de ce mot à François Truffaut, en fait, c’est un gimmick ! Un McGuffin est ce qui fait agir les personnages, soit un vol de document, un vol de secret, sauf que l’on ne saura jamais ce que c’est vraiment : c’est ce qui motive les personnages, mais qui n’a aucune importance pour celui qui regarde le film ou lit le livre ! On se fiche éperdument de savoir ce qui a été volé), vos livres donnent l’impression d’avoir été écrits comme des scénarios...

J’ai 45 ans. J’ai grandi en regardant la télé. J’ai vu des films. Je n’ai pas seulement lu Proust ou Keats. J’ai une écriture cinématographique. Je sais que les écrivains admettent rarement cela. Ils disent ne jamais regarder la télévision ! Mais où ont-ils été élevés s’ils n’ont pas regardé la télé et qu’ils ont mon âge ?

C’est vrai que je n’écris pas du tout en pensant aux adaptations qui pourraient être faites de mes livres, mais il est évident que le cinéma, la télé et le monde des images ont fortement influencé ma manière d’écrire... Mais c’est vrai que les écrivains mentent, surtout lorsqu’ils sont en promotion (rires) Mais je n’ai pas menti pendant l’interview, je mens suffisamment dans mes livres ! (rires)

L’attachée de presse faisant signe qu’ils sont vraiment en retard, il proteste gentiment et voit que j’ai sorti deux livres et lance :

Ah ! je vais signer tout de même mes romans !

Et prend le temps de dédicacer en essayant de lui-même d’épeler les prénoms en tentant de deviner les lettres en français. Puis il me lance avant de me saluer : "say an hello at your mum !"

Marnie et Valérie




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