SF Mag
     
Directeur : Alain Pelosato
Sommaires des anciens Nos
  
       ABONNEMENT
Sfmag No122
118

11
F
é
v
RETOUR à L'ACCUEIL
BD   CINÉ   COUV.   DOSSIERS   DVD   E-BOOKS  
HORS SERIES    INTERVIEWS   JEUX   LIVRES  
NOUVELLES   TV   Zbis   sfm   CINÉ-VIDÉOS
Encyclopédie de l'Imaginaire, 18 000 articles
Sommaire - BD -  From Hell


"From Hell" de Alan Moore et Eddie Campbell


Lorsque vous abordez le colossal « From Hell » d’Alan Moore et Eddie Campbell, à savoir un pavé de plus de 550 pages, vous vous demandez tout d’abord si vous allez arriver au bout... Vous le feuilletez, êtes quelque peu rebuté par le graphisme noir et blanc apparemment brouillon, vous vous dites qu’il y a beaucoup trop de texte...bref, vous n’êtes pas conquis !


Puis vous réfléchissez...vous vous dites qu’il doit bien y avoir une raison pour que ce bouquin ait été reconnu par la critique unanime, qu’il ait reçu un Eisner Award et un prix au festival d’Angoulême et qu’il ait été adapté en film.
Alors vous vous forcez à lire les 20 premières pages. Et là, vous êtes fini.


Vous savez que vous ne pourrez plus lâcher le recueil avant d’être arrivé au bout, que vous remettrez à plus tard les projets de ce soir parce que là, vous êtes face à une œuvre qui ne souffre pas d’être lu en dilettante. Vous êtes la proie d’Alan Moore et de son Jack l’Eventreur le temps d’une lecture de 575 pages, appendices et notes comprises, sans compter les relectures...


Londres, époque victorienne, fin du XIXème siècle. Le prince héritier s’encanaille dans les bas-fonds du quartier de White Chapell sous une fausse identité. Mais de ses escapades érotiques naît un enfant, un bâtard. La Reine Victoria l’apprend et décide de mettre tout en œuvre pour effacer toute trace de la liaison, de l’enfant et de la mère.


Elle fait alors appel à la fratrie des Francs-Maçons largement en place au palais et dans tout Londres pour étouffer l’affaire. L’un d’eux se voit ainsi confier la mission d’éliminer les 5 prostituées ayant connaissance de l’histoire. Jack l’Eventreur va commencer son office... Dès la découverte du corps de la première victime, l’inspecteur Abberline de Scotland Yard est chargé de l’enquête, essayant tant bien que mal de démêler les fils de cette sordide affaire, devant faire face à la surmédiatisation du phénomène de “ l’Eventreur ” et aux menaces de ses supérieurs.


Tout l’intérêt du roman graphique que Moore nous propose n’est pas, contrairement au film, de découvrir qui est Jack, mais de savoir pourquoi et comment il l’est devenu. En effet son identité nous est révélée dès les 50 premières pages. Dès lors, comme l’indique le sous-titre “ l’autopsie de Jack l’Eventreur ”, Moore dissèque pour nous l’esprit et le passé présumé de Jack, nous projetant même à la place de ce dernier lors de ses crimes ou de ses délires. A travers l’esprit froid et malade de Jack, c’est tout la société anglaise de l’époque qui est analysée en profondeur, nous montrant pêle-mêle la condition des femmes, les gouffres entre les classes sociales, le rejet de la différence, les débuts du journalisme sensationnaliste, la bassesse et la lâcheté de l’esprit humain, sa fascination pour le morbide, l’importance de l’apparence... Bref comme toute œuvre littéraire capitale, « From Hell » est un panorama critique de l’humanité sous toutes ses coutures.


Moore et Campbell ont travaillé dessus durant prêt de 10 ans, opérant un travail monumental de recherche et de documentation, palpable dans les dessins de Campbell. Sous sa plume, Londres est noir, sale, cru et profondément humain. On y fait un voyage lugubre, insensé et effrayant, on y rencontre des visages connus comme John Merrick alias Elephant-man, Buffalo Bill ou Oscar Wilde, et on ressort de cette expérience avec une impression étrange d’avoir un instant touché du doigt la réalité d’un monde dans son intégralité.


« From Hell » est un livre d’exception, bien au-delà des déjà exceptionnels « V pour Vendetta », « Swamp Thing » et autres « Watchmen ». Ce n’est d’ailleurs pas un hasard s’il est étudié dans certaines universités. Et le fait qu’il ait été interdit en Australie nous prouve son importance, car il est bien connu que la censure s’abat toujours sur les grandes œuvres...


Par Nicolas Sumien




Retour au sommaire