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Réal. & scenario : Christopher Nolan
Co-scénariste : Jonathan Nolan
Avec : Christian Bale, Hugh Jackman, Michael Caine, Scarlett Johansson, Rebecca Hall, Andy Serkis & David Bowie.
Distribué par Warner Bros.
128 mn.
Sortie le 15 Novembre 2006.
Note : 9/10.
L’étrange histoire de la dualité de deux magiciens à l’aube du 20ème siècle. A la base, le roman homonyme de Christopher Priest (publié en France chez Denoël) lauréat du « World Fantasy Award » du meilleur roman. Ce qu’il est, tout en étant d’un côté brillamment écrit, d’un autre trop riche pour passionner totalement. Et quand on sut qu’une adaptation était en cours, on ne put que se demander comment faire un film d’un tel livre, à l’histoire somme toute facile à résumer en deux lignes. Londres, il y a un siècle : Robert Angier (Hugh Jackman, parfait) et Alfred Borden (Christian Bale, définitivement un très grand acteur) sont deux jeunes magiciens qu’un concours de circonstances vont faire se rencontrer, avant de s’opposer suite à l’issue dramatique d’un tour et ce jusqu’à la mort. Chacun veut faire mieux que l’autre, même si l’art et la manière d’exercer leur profession diffèrent, de même que l’esprit qui anime leur passion. Et chacun a ses « trucs », que cette rivalité sans limites va amener à chercher encore plus loin dans l’illusion au point de plonger dans une dimension que nul homme n’avait jusqu’ici connue. Et tel Icare s’approchant trop près du soleil, le prix à payer sera mortel.
Voir le film quelques jours après avoir fini le livre est une expérience passionnante. Car cela permet de constater que les frères Nolan ont signé là une véritable adaptation de roman. « L’essence » est conservée, tous les éléments parallèles trop denses sont éliminés, et certains personnages, certaines scènes sont améliorés au point de transcender le film par rapport au matériau originel. Tout ce qui concerne les époques passées et présentes des familles Borden et Angier sont absentes du film. En fait, Christopher et Jonathan Nolan ont eu l’excellente idée de ne se focaliser que sur les deux magiciens, et de créer petit à petit chacune de leur personnalité (opposées mais si semblables, antagonistes mais si complémentaires) et de ce fait, construire chacune de leur existence pour qu’à la fin de l’histoire, différente du roman mais gardant là aussi, l’inspiration primale de Christopher Priest, il ne puisse y en avoir une autre envisageable. Et de faire d’un personnage à priori secondaire, à savoir la fille de Borden, le pivot final de la façon dont tout cela se terminera afin que l’innocence ne soit pas de nouveau meurtrie (excellente idée du scénario). Du côté des personnages, la réussite est donc parfaite. Reste maintenant à faire (re)vivre la magie. Et de la faire évoluer vers l’élément totalement fantastique (la magie n’étant qu’une illusion, donc une création humaine) de l’histoire. Là encore, on s’incline devant la qualité de l’adaptation, terme qui n’a jamais eu autant sa place que dans « Le prestige ». Tout y est passionnant, étonnant, surprenant et logiquement, se dirigeant peu à peu vers une issue terrifiante et en même temps fantastique. Et de nouveau, différente mais gardant l’idée de celle du roman : les Nolan arrivent tout comme Priest à faire sombrer la magie dans le cauchemar mais de façon plus réaliste, et bien plus horrible. Et quand les secrets sont révélés, Angier et Borden acquièrent définitivement leur identité propre, avec cette fin où la magie reprend le dessus en tant qu’illusion merveilleuse au travers du regard d’une enfant. Et de repenser alors à tout ce qu’on a vu précédemment, illusions perpétuelles qu’on pensait toucher mais qu’on ne faisait qu’effleurer, rendant encore plus implacables ces moments de vérité tragiques qu’on ne comprenait pas vraiment. Alors, autant dans le roman, notre préférence allait au final vers un magicien, autant le film renverse cette tendance, et se clôt alors sur une des plus belles fins qu’on ne pouvait espérer pour une telle histoire. Laquelle est donc magnifiée certes par une brochette d’acteurs excellents menés par un Christian Bale en état de grâce, mais aussi et surtout par le talent de ses deux scénaristes dont l’un est un réalisateur qui prouve bel et bien qu’il est plus à l’aise dans des narrations intimes plutôt que dans l’action. Christopher Nolan avait épaté avec « Memento », avant d’enfoncer encore plus le clou avec son excellent « Insomnia », et d’être consacré en faisant revivre Batman dans « Batman begins » (le meilleur « Batman » à ce jour, et pour les esprits chagrins, « Batman le défi » demeure un chef-d’œuvre mais ce n’est pas un « Batman », c’est un film de Tim Burton...), qu’incarne Christian Bale pour encore un bon bout de temps, espérons-le. Son point faible était ces scènes d’action parfois pas « top », mais le bonhomme prend de plus en plus d’assurance à chaque film. Avec « Le prestige », il signe son meilleur travail, et quand on sait qu’il sera derrière la caméra et le scénario (avec son frère) de « The Dark Knight » soit le prochain Batman, dire qu’on est impatient est bien loin de la vérité. Et en attendant, que vous ayez lu ou non le roman, dans chacun des cas, il ne faut pas rater ce « Prestige », un des films les plus passionnants de l’année, et la meilleure adaptation d’un roman vue depuis bien longtemps, une adaptation... Magique.
St. THIELLEMENT
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