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Sommaire - Interviews -  Christopher Smith (réalisateur de Severance et Creep)


"Christopher Smith (réalisateur de Severance et Creep)" de Stéphane Thiellement


 

SEVERANCE
Interview de Christopher Smith, réalisateur

Christopher Smith, on l’a découvert il y a deux ans avec « Creep », survival urbain se déroulant dans le métro londonien où une jeune femme (Franka Potente) se fait courser par une créature, gamin torturé dans sa jeunesse par un médecin fou et ayant dégénéré en vivant sous terre avec les rats comme seule compagnie (vous ne l’avez pas vu ? Ca vous tente ? Ca existe en DVD zone 2 !). Premier film assez percutant, nouvel exemple avec « The descent » et « Isolation » du réveil du cinéma britannique horrifique, on attendait au tournant Smith et son second film. Le voici, il s’appelle « Severance », la critique du film est sur le site, et le rater serait une énorme erreur. Pour nous en parler et convaincre les sceptiques, Mr Smith vient nous parler de son œuvre. En révélant quelques spoilers, donc si vous n’avez pas encore vu le film, à lire après uniquement.

J’ai lu dans le catalogue du Festival du Film Britannique de Dinard qui présentait « Severance » en avant-première que même si vous faisiez un film d’un genre différent, vous ne pourriez pas vous empêcher de faire sombrer le scénario dans la démence...

Qu’est-ce que j’ai dit ? (Rires). Non, je pense qu’il y a eu une mauvaise traduction. En fait, ce que j’ai voulu dire, c’est que toute histoire sera avec moi un peu... Tordue ! Un exemple, une histoire d’amour ne sera pas avec moi toute simple, un des deux amants sera un monstre, un maniaque... Moi, j’envisagerai toujours l’histoire du mauvais côté. L’horreur autorise tout, je peux y faire ce que je veux. J’ai déjà un sens de l’humour très noir. J’écris un film pour gosses en ce moment, mais même là-dedans, j’inclus des séquences très sombres. Mais je sais qu’ils aimeront ça...

« Creep » était très sérieux. « Severance » possède beaucoup d’humour, mais tout de suite après une scène drôle, l’horreur surgit brutalement et de façon très dure, ce qui est dû, je pense, au réalisme de ces tueurs qui n’ont rien de copies de Jason ou de Freddy. On sait que ces gens-là ont pu exister et c’est ce qui rajoute cette peur réelle aux scènes horrifiques. L’aviez-vous toujours pensé ainsi ou est-ce venu peu à peu ?

Vous savez, on ne fait pas un vrai film d’horreur avec un tueur qui se relève toujours. Cela, c’est un « cliché » (note : en français dans le texte, comme on dit !). Ça marché pendant 20 ans, plus maintenant. Je me suis dit : Ok, on va faire un mélange comédie-horreur, faisons le bien dans chaque domaine. La comédie devait avoir des personnages crédibles auxquels on s’attache et on croit. L’horreur aussi. Les actes des tueurs ne devaient pas être accompagnés d’une phrase gag à la 007, surtout période Roger Moore, où quand il tue un méchant, il sort une vanne. De même, la comédie devait être dissociée de l’horreur, pas comme dans « Shaun of the dead » qui, selon moi, est d’abord une comédie qui verse peu à peu dans l’horreur tout en gardant le même ton. Mes méchants devaient avoir une excellente raison de tuer tous ces gens-là, de ne pas le faire gratuitement. Et le lien de l’usine d’armement est ce détail qui nous fait frissonner car il nous rappelle que ça peut nous arriver, à vous comme à moi. On paye nos impôts à notre gouvernement, et on tombe sur des gars qui en veulent à notre pays pour « x » raisons. Le lien est là, on devient victime et ça, ça nous fait flipper. L’humour, il vient de ces victimes qui sont de tels crétins stupides pour certains que cela nous rappelle aussi des gens qu’on connaît, et on en rigolera encore plus...

Concernant les tueurs, ils nous rappellent aussi les massacres en Bosnie, Croatie, etc...

Oui, si on parle de l’Europe de l’Est, mais je ne dis pas clairement où se situe l’histoire, c’est volontaire, mais je dis qu’en plus d’être dangereux, ces tueurs haïssent leurs victimes pour une raison bien précise. Ces gars-là ne sont pas simplement des désaxés qui tueraient quelqu’un comme vous ou moi, ils ont une excellente raison de haïr leurs victimes puisqu’elles représentent les armes qui ont servi à tuer les leurs, etc...

Les personnages de la société sont très bien étudiés et crédibilisés, était-ce ainsi dès le départ ou le casting a-t-il aidé à mieux les créer ?

Un peu des deux. Je pense que le film marche parce qu’on a un bon casting. Là, la magie opère. Vous pouvez avoir un film avec les plus grands acteurs mais ce n’est pas pour ça que la magie sera là. Donc, chaque rôle a trouvé son acteur. Baboo, qui incarne le cadre black, a été le seul à faire évoluer son rôle. Peu à peu, je le voyais comme une sorte de Mr Spock, très érudit, calme, calculateur. Laura Harris, qui joue Maggie, la blonde, a aussi apporté des nuances que je n’avais pas écrites. Et je ne voulais pas qu’un rôle soit plus déterminant qu’un autre pour devenir leader. Chaque leader cède en plus sa place à sa mort, on ne peut donc s’arrêter sur un héros.

Dans les bonus du DVD de « Creep », vous dites être un grand fan de films d’horreur. « Creep » en est un, « Severance » un second, selon vous, est-ce quand même dur de faire du neuf dans ce genre ?

Je pense que « Severance » est différent parce qu’il utilise un nouveau langage. Bon, Ok, des gens coincés dans une forêt, ce n’est pas grandiose comme idée. Et quand j’ai écrit le scénario, j’étais conscient que ce point de départ était relativement conventionnel. Et je suis assez fier d’être arrivé, au bout du compte, à un tel résultat, un mélange réussi d’horreur et de comédie, l’association de deux genres traités sérieusement. Et je ne referais pas ça, ce serait une très grosse erreur de recommencer un film sur des bases similaires. Chaque film doit être unique.

J’aime beaucoup « Creep » mais je trouve « Severance » meilleur et plus intéressant, à cause justement de ce langage cinématographique dans le genre qui change un peu.

Je suis un grand fan de cinéma. Quand j’étais jeune, j’allais tout voir, même les séries B américaines. Les étudiants en cinéma ne s’intéressent qu’à de très grands classiques qu’ils décortiquent , comme la nouvelle vague avec Truffaut, ou les films de Kieslowski, etc... Moi, je pense qu’on peut découvrir un langage cinématographique dans tout film. Je dirai que mon film utilise des trucs à la ... Kubrick ! (Rires). Mais je ne me considère pas comme un nouveau Kubrick (Rires). Non, mais dans la façon d’utiliser un langage, c’est vers lui que je me sentirais, à un degré bien plus bas, le plus proche.

Il y a des séquences excellentes, avec une chute surprenante, comme celle où Maggie se retrouve face à une troupe de tueurs et qu’elle relève son flingue et fait feu ! C’est jouissif tant on ne s’attend pas à une telle réaction !

Oui, mais ça, pour moi, c’est la magie du cinéma. Cette scène et quelques autres sont écrites en partie. Mais durant le tournage, avec les acteurs, je leur dis : « Ok, tout est écrit, mais si vous avez une idée de réaction, ou une façon de le jouer autrement, faites-le, on verra après ! ». Et parfois, le résultat n’en est que meilleur. C’était écrit mais parfois, un petit « plus » fait que ça devient plus grand.

Vous dites des tueurs qu’ils ne tuent que par haine de ces personnes pour ce qu’elles représentent. Or, à un moment donné, quand les cadres dînent dans la maison, l’un d’eux trouve une dent dans une tourte. Cela signifie quand même que ce ne sont pas des pacifistes non plus.

Oui, mais ça, c’est un vestige de la première version. Dans le script original, ces tueurs étaient des cannibales. J’ai finalement enlevé ça. C’était ridicule, des cannibales en Europe de l’Est... Mais bon, la scène arrive en plein mystère et... Oui, Ok, peut-être est-ce arrivé... On peut spéculer sur tout.

Le titre fait référence à « Delivrance » dans sa consonance ou est-ce un clin d’œil plus révérencieux ?

Oh, j’ai dit ça pour faciliter le boulot des critiques. « C’est un nouveau « Delivrance » ! » Oh, merci, je sais... Non, j’aimais la parenté « Severance »-« Delivrance ». Vous savez, c’est dur de trouver un bon titre pour un film. Originellement, ça s’appelait « P45 » du nom des formulaires de licenciement chez nous, mais si en Angleterre ça signifie ça, ailleurs, non. « Severance » est plus mystérieux, ça a un sens chez vous, chez nous il y a le « severance pay » soit les indemnités de licenciement et aussi la séparation ferme et définitive. Et puis, il y a aussi le nom de la prison...

Qui ressemble à un des ces camps de concentration nazis.

Oui, tout à fait, je joue aussi sur ces notions. J’aime ça, quand l’horreur devient plus noire..

La fin du film avec les filles armées à moitié dénudées, fait plus séries B des sixties...

Complètement, les films de Russ Meyer comme « Faster Pussycat, kill, kill ! ». Encore mon goût pour les références et le langage...

En deux films, vous êtes devenu un des grands noms du cinéma d’horreur actuel...

Oh, merci beaucoup, mais je n’en mérite pas tant ! (Rires)

Si, si. En deux films, quels progrès voyez-vous dans votre travail, quel est le film qui fut le plus dur à faire, le plus stimulant aussi ?...

Oooohhh... Déjà, tout film a un budget qui vous oblige à vous battre sur des terrains que vous ignoriez jusque là, financiers essentiellement. Bon, ceci mis à part, j’apprends vite. « Creep » avait des défauts mais le film est fini, il est ce qu’il est et je l’aime beaucoup. La vérité est que « Severance » fut une meilleure expérience parce que j’avais un meilleur contrôle sur tout. Je pense que ce film est donc meilleur que « Creep ». Vous devez avancer avec ce que vous avez appris sur le précédent. Je suis très fier de la scène de torture de « Creep ». Mais dans l’ensemble, je suis plus fier de « Severance » que de « Creep ».

Propos recueillis et traduits par St. THIELLEMENT

Voir la chronique du film ici :

Severance critique




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