SF Mag
     
Directeur : Alain Pelosato
Sommaires des anciens Nos
  
       ABONNEMENT
Sfmag No122
118

11
F
é
v
RETOUR à L'ACCUEIL
BD   CINÉ   COUV.   DOSSIERS   DVD   E-BOOKS  
HORS SERIES    INTERVIEWS   JEUX   LIVRES  
NOUVELLES   TV   Zbis   sfm   CINÉ-VIDÉOS
Encyclopédie de l'Imaginaire, 18 000 articles
  Sommaire - Films -  G - L -  LES FILS DE L’HOMME (Children of men)
Voir 103 livres sur le cinéma, romans, études, histoire, sociologie...

"LES FILS DE L’HOMME (Children of men)" de Alfonso Cuaron

 

Réal. & co-scén. : Alfonso Cuaron
Scenario : Timothy J. Sexton d’après le roman de P.D. James
Avec : Clive Owen, Julianne Moore, Michael Caine, Clare-Hope Ashitey, Peter Mullan.
Distribué par UIP.
110 mn.
Sortie le 18 Octobre 2006.

Note : 10/10.

Un des plus grands films de l’année. Un choc. D’une intelligence rare, d’un talent cinématographique exceptionnel, et d’un très grand courage au vu d’un sujet, c’est plus qu’évident, très « casse-gueule ». Et pourtant, le résultat est là. Il ne laisse pas indemne quand on retrouve les lumières. Mais bon, commençons par le commencement. Déjà, un nom au générique suscite l’intérêt, celui d’Alfonso Cuaron. Vous ne connaissez pas ? Oh que si : pour la reconnaissance publique, il est celui qui signa la meilleure adaptation d’un Harry Potter, à savoir « Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban », sombre et magnifique film, à ce jour le seul chef-d’œuvre cinématographique de la saga. Auparavant, Cuaron avait signé quelques films passés inaperçus, jusqu’à « La petite princesse », qui lui valu d’être choisi pour Harry Potter par R. K. Rowling.
Mais pour les cinéphiles, c’est le road-movie de deux adolescents et d’une femme qui vont s’aimer au cœur du Mexique, qui révèlent un grand cinéaste à suivre. Superbe film, « Y tu mama tambien » (traduit chez nous par « Et ta mère ») constitue le passeport de Cuaron pour sortir internationalement de l’anonymat. Sinon, il est aussi producteur, par exemple de son pote Guillermo Del Toro pour un autre très grand film de 2006, « Le labyrinthe de Pan » (sur lequel on reviendra bientôt). Et le voici aujourd’hui aux commandes d’un énorme (le budget est très costaud !) film de science-fiction réaliste, à savoir que l’action se passe bien dans le futur, en 2027, une époque quasi similaire à l’actuelle. A une seule énorme différence : l’humanité est devenue stérile. Depuis vingt ans, il n’y a plus de naissances, les écoles sont vides, le monde est si désespéré que le chaos règne partout. Seule la Grande-Bretagne maitrise, selon son gouvernement, la situation en pourchassant tout réfugié non-britannique et en les parquant, voire en les éliminant. Devant une telle désolation, Theo (Clive Owen, incontestablement un des meilleurs acteurs au monde actuellement) qui a perdu son unique enfant au moment de sa naissance, vit désillusionné, en retrait de tous, ne partageant un peu de vie qu’avec un vieil ami reclus dans les bois (Michael Caine, au look d’un John Lennon très âgé !) en fumant, buvant et évoquant un passé si proche aux souvenirs presque utopiques. Un jour, Theo est kidnappé par les hommes de son ex-femme devenue opposante terroriste à la dictature britannique. Elle lui demande de l’accompagner dans une mission qui peut bouleverser l’ordre nouveau du monde : protéger la première femme enceinte depuis vingt ans.
Beaucoup d’années furent nécessaires à l’adaptation du roman de l’auteur de polars P.D. James qui fait ici une virée dans un tout autre domaine. Mais au vu du résultat, on comprend pourquoi. Les quinze premières minutes nous situent rapidement la situation actuelle : actualités télévisées, pays en guerre, Clive Owen sort d’un fast-food où la population s’apitoie sur le meurtre du plus jeune humain de la planète (selon lui, « le plus grand glandeur de la planète ! »), va pour boire son café et une bombe détruit l’établissement où il était deux minutes pus tôt. Les rues de Londres sont sales, et patrouillées par l’armée. Voilà 2027, servi il est vrai par un magnifique travail de production quant à la recréation d’un futur aussi crédible. Ensuite, c’est un long voyage dans une époque de cauchemar, réaliste, car prenant tellement de points de repère en aujourd’hui qu’il n’y a plus besoin d’imaginer : il suffit d’extrapoler un peu. Durant cette longue traversée, un homme sans but devient un (anti)héros d’une aventure qui peut relever l’humanité et en même temps, redonner un sens à sa vie. Sorte d’élu, échappant souvent avec une chance incroyable à la mort sans s’en rendre compte, Théo ne prend conscience de l’importance de sa « mission » qu’au bout d’un long moment de réveil. Il n’y a que peu de place pour l’espoir dans ces « Fils de l’homme », mais si ténu soit-il, c’est ce qui fait avancer Théo. Sa délivrance sera peut-être à l’aube d’une nouvelle humanité mais au vu de ce dont on a été témoin jusqu’ici, la réjouissance ne sera pas au rendez-vous à la fin du film. De cet univers si sombre, désespéré, où les libertés n’existent quasiment plus, où le quotidien ressemble tant au nôtre, Alfonso Cuaron en tire un film magnifique, si puissant qu’on a du mal à s’en réveiller, bouleversant et terrifiant, mélange incroyable qui trouve son point d’orgue avec la sortie du bébé avec Théo en pleine guérilla urbaine. Mais l’autre force du film, c’est justement de ne pas oublier d’être cinématographique, et d’utiliser ce langage avec tout le talent d’un cinéaste surdoué pour ne pas livrer une adaptation terne et théâtrale à la « 1984 » mais bel et bien un grand chef-d’œuvre.

St. THIELLEMENT

L’avis d’Andrée Cormier

Violence....Famine.... Epidémie.... Terrorisme.... Catastrophe écologique...... Guerres civiles, Anarchie et Lois martiales.. : Le monde d’Alfonso Cuaron situé en 2027 est devenu une sombre et effrayante place et y vivre une gageure !

Les immigrants sont parqués dans des cages et depuis 18 ans aucun enfant n’est né sur cette planète Terre oú les femmes sont devenues stériles. (Aucune explication n’est et ne sera donnée pour expliquer le pourquoi de cette stérilité) Et pour comble d’ironie la plus jeune personne au monde (18 ans) vient d’être assassinée pour avoir refusé de donner un autographe !

C’est à Londres, dans ce monde apocalyptique où les détritus couvrent les rues que Téo (Clive Owen) est recruté par son ex femme (Julian Moore) pour protéger par tous les moyens une jeune immigrante « miraculeusement » enceinte et l’emmener sur une île secrète. Là, des scientifiques pourront travailler et trouver une cure pour sauver la race humaine de son extinction. Commence alors une terrifiante chasse à l’homme (à la femme devrai-je plutôt dire) oú chaque camp, soldats et rebelles essaient de les abattre.

Tiré d’une nouvelle de l’écrivain P.D. James l’un des maîtres du Thriller, ce qui fait peur c’est que ce film n’est hélas pas très loin de ce qui se passe aujourd’hui et comme le dit si bien Cuaron : Il n’a pas eu de mal a visualiser les scènes de chaos dans les rues, il lui suffisait de regarder les photos de Bosnie, d’Irak, de Palestine ou de Somalie ! De quoi flanquer la chair de poule.

Ici, la violence choque ; personne ne se sent à l’abri et dès les premières minutes il y a un sentiment immédiat de danger et... le pire est a venir car plus on avance dans l’histoire et plus on s’aperçoit qu’il n’y a ni espoir, ni futur dans ce drame politique et social dont on voudrait s’évader !! Déprimant ? Il l’est car horreur et désespoir sont hélas au rendez-vous et si... dans 20 ans ... notre Monde ressemblait à cela... C’est cette pensée qui terrifie.

deux superbes performances : celles de Clive Owen qui, en Téo, nous fait là une superbe prestation car l’on peut dire que le film repose entièrement sur ses épaules. [Seule petite ombre au tableau : l’on ne ressent aucun atome crochu entre lui et sa soi-disant ex femme jouée par Julian Moore, dommage !] et celle de Michael Caine qui joue brillamment un vieil artiste hippie Toutes les autres performances sont moyennes et il est difficile d’en présenter une plus particulièrement....

Ceci dit techniquement on est a des millions d’années lumière du petit chef-d’œuvre que Cuaron nous avait fait avec « Harry Potter et le Prisonnier d’Azkaban » : la mise en scène est catastrophique (digne d’un Miss Marple pour la BBC du Samedi soir) et les décors visuellement hideux (Romero fait mieux avec 2/3 du budget en moins). Il ne reste que le son qui, même s’il n’a rien de transcendant nous enfonce encore un peu plus dans ce cauchemar éveillé (heureusement que nous ne sommes pas en 70mm avec 6 pistes sonores car ce serait « l’enfer en direct Live »).

Reste maintenant les interrogations que ce film pose : A l’heure où il nous suffit simplement de tourner le bouton de notre téléviseur pour avoir sous les yeux toutes les horreurs possibles inimaginables qui se déroulent - cette fois réellement - dans le monde entier, le spectateur n’en a-t-il pas assez ? Assez de toute cette violence, assez de tout ce sang et ces morts étalés à la une des journaux ou des informations télévisées. Sans faire l’autruche pour autant le premier but du cinéma, son essence même, ne sont ils pas de « divertir » ?

Et pourtant, plus un film est sanglant et violent et plus il est monté au Panthéon des œuvres incontournables... De quoi frémir et se poser la terrible question : En voyant de quoi nous sommes capables, notre race mériterait-t-elle de survivre ??

Andrée Cormier



Retour au sommaire