Jérôme Camut a fait sensation dès le premier tome de Malhorne, sa tétralogie (Éditions Bragelonne). Il a ouvert une voie nouvelle dans la fiction, jeté les bases d’une SF différente, proposant une vision humaniste et écologiste avec des personnages attachants, tout simplement humains.
Tout au long de sa fresque, il a accordé une grande place à la valeur de l’eau, élément, il est vrai, ABSOLUMENT indispensable à tout ce qui existe de vivant sur la Planète Bleue. À travers un récit épique, digne des meilleures sagas d’aventures, il a dressé, également, un réquisitoire pour une véritable gestion de cette inestimable richesse.
Prédation, son premier thriller, écrit à quatre mains avec Nathalie Hug, baigne, dès les premières pages, dans une ambiance noire, très noire.
En matière de prologue, un homme, apparemment sorti de nulle part, se fait sauter la cervelle en plein centre commercial après avoir hurlé : « Kurtz » sur tous les tons et avec nombre de qualificatifs injurieux. Il avait une fortune en sachets d’héroïne dans une valisette.
Rufus Baudenuit, inspecteur de garde, est appelé pour un cadavre, retrouvé dans un terrain vague, le poignet sectionné. Le lendemain, il vit une scène identique dans le parc de Belleville.
Andréas se réveille péniblement dans un lieu inconnu. Il est drogué, enfermé. Il émerge peu à peu et ne comprend, ni comment, ni pourquoi il est là. Il est très inquiet pour le sort de Clara, sa fille de dix ans. Qu’est-elle devenue ? Peu à peu Andréas découvre son nouvel univers, son bourreau, un homme qu’il ne voit jamais, et qui dit s’appeler Kurtz.
Rufus progresse. Il recoupe des affaires anciennes et découvre des cas similaires. Ceux-ci avaient été jugés impensables, et personne dans la police n’avait pris au sérieux ce qui paraissait des allégations fantaisistes. Il recense ainsi, sept couples, qui ont disparu dernièrement dans la nature.
Que cherche Kurtz avec les prisonniers qu’il torture ? Quel but peut poursuivre un homme qui s’identifie au colonel incarné par Brando dans Apocalypse Now ?
Les deux auteurs élaborent une histoire angoissante et installent un suspense éprouvant. Ils imaginent un scénario qui semble relever de la pure fiction, mais qui est, cependant, en prise directe avec des événements récents qui se déroulent presque sous nos yeux. Ils nous impliquent par le suivi de tous les protagonistes et nous font partager les affres de tous les intervenants, y compris celles des « méchants ». Et, c’est ce qui nous fait réagir !
On ressent le travail de fond que les auteurs ont mené sur toutes les composantes de leur récit, que ce soit sur les rapports bourreau victime, le syndrome de Stockholm, sur les méthodes de lavage de cerveau, de décervellement, sur l’approche du monde criminel. Ils font preuve d’une grande connaissance des pathologies psychiques, des traumatismes nés d’enfances ou d’adolescences vécues en maltraitance.
Ils offrent, toutefois, une vision des soins psychiatriques et de leurs prescriptions, peu éloquente
Il en résulte, avec un traitement énergique de toutes ces données, une intrigue fort bien construite, riche en actions, rebondissements de toutes natures. La découverte en est passionnante.
Ils établissent une galerie de personnages aux profils psychologiques finement étudiés, travaillés. Par exemple, celui de Rufus, l’inspecteur vieillissant, est parfaitement traduit dans son état d’esprit, face aux événements, à la lassitude et au désengagement à l’approche de l’heure d’une retraite qui sonnera comme un glas, à la ruine d’une vie personnelle causée par une implication professionnelle trop forte. Un portrait criant de vérité !
Jérôme Camut et Nathalie Hug possèdent l’intelligence du récit, l’art de brosser des portraits véridiques des grands romanciers. À quatre mains, à deux passions, ils ont construit une intrigue qui ne laisse pas indifférent. Le contexte est effrayant par sa crédibilité, sa réalité. Mais on en redemande car on veut percevoir les raisons, tenter de comprendre les motivations qui poussent des individus à agir ainsi. Il est certain que la folie humaine n’a pas de limites, mais cependant...
Jérôme Camut et Nathalie Hug, deux noms à retenir !
Serge Perraud
Prédation, (Les voies de l’ombre T.1) Jérôme Camut et Nathalie Hug, Éditions Télémaque, juin 2006, 512 pages, 19,50 €