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Voir 103 livres sur le cinéma, romans, études, histoire, sociologie... "Entre deux rives" de Keanu Reeves & Sandra BullockKate est une femme brillante, docteur et célibataire de son état, qui a l’impression d’avoir raté sa vie. Alex est un jeune architecte frustré qui vient d’emménager dans une maison étrange, une maison perchée sur le bord d’un lac, ouverte à tous les regards par de nombreuses baies vitrées. C’est son père qui l’a fait construire jadis pour sa propre femme, un père avec lequel Alex a toujours entretenu des relations conflictuelles. Devant cette maison est plantée une vieille boîte aux lettres. Un jour, Alex se permet de faire parvenir à l’ancienne propriétaire du courrier (une carte de voeux datée de décembre 1999, alors que nous sommes en 1997) malencontreusement abandonné dans cette boîte aux lettres, si anodine en apparence. Le problème est que la maison vient d’être construite et qu’elle n’a pas connu avant d’autre propriétaire. Quelle ne va pas être la surprise de ces deux âmes en peine quand, de façon épistolaire au départ, ils vont se mettre à entretenir une correspondance des plus curieuse qui débouchera sur un amour platonique autant qu’impossible. Ainsi, chacun écrira des lettres qu’il postera dans la dite boîte aux lettres, cette dernière semblant entretenir quelque curieux lien temporel entre ces deux âmes solitaires. C’est que Kate et Alex vivent dans des espaces-temps différents, et deux ans les séparent, bien qu’ils correspondent régulièrement, presque instantanément, via cette boîte aux lettres magique. Au fil d’un échange ponctué d’annonces de l’un à l’autre, sur des signes et lieux qu’ils se signalent chacun, va s’établir un dialogue qui va vite devenir une idée fixe, celle de se retrouver ensemble, enfin, briser le temps qui les sépare, ce décalage insurmontable, et enfin se rencontrer, avec tous les risques que cela peut entraîner... Remake non avoué du film de Hyun-Seung, ce film, dont le titre original, " Lake House ", a été remplacé pour un autre quelque peu " métaphysique ", se montre d’une incroyable sensibilité dans les thèmes qu’il aborde et dans sa conclusion pour le moins inattendue. Vilipendé par certaines critiques peut être un peu trop hâtives, " Entre deux rives " fait partie de ces films rares du cinéma qui savent ouvrir une porte discrète sur ce qu’on nomme " les grands dehors ", ces enclaves romanesques comme seul le cinéma sait encore nous les rendre si intimes, au grand dam des religions. Le fantastique a cette vertu particulière qui est de ne pas forcément offrir d’explications à l’intrigue de départ. Sauver un homme malgré le jeu du temps et sa redoutable fatalité est un exploit assez rare dans un film fantastique. Au lieu de maugréer sur le manque d’action dans un film dont ce n’était pas la fonction et qui n’avait pas besoin de ça pour toucher à l’essentiel, il aurait mieux valut faire un retour en arrière et le rattacher à un courant rare du fantastique romantique qui depuis l’inoubliable " Fantôme de Mme Muir ", sait à merveille toucher ceux qui ont gardé une âme d’amoureux inconsolable. C’est à des films comme " un été 42 ", " Quelque part dans le temps ", ou encore " Au-delà de nos rêves " que ce film fait référence. Lutte contre le temps, refus de la fatalité, assumer le temps, acceptation de nos destins si peu choisis, " Entre deux rives ", parvient miraculeusement à jongler entre ces deux instances, pour ne pas dire ces deux rives, justifiant par là à merveille son nouveau titre fort bien recherché. Ne pas se tromper donc, nous ne sommes pas venu rechercher un clone de " Retour vers le futur ", mais bien une ouverture sur tous les possibles dont seul le cinéma est encore capable, et qui, au moins pendant deux heures, nous offre le droit de nous mentir un peu, délicieusement. La fin est encore plus surprenante. Là où on s’attendait à une triste fatalité, celle de la mort, nous avons deux individus qui enfin se retrouvent devant cette boîte de Pandore, cette boîte aux lettres qui finalement joue le rôle centralisateur dans ce magnifique moment de cinéma. |