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  Sommaire - Livres -  G - L -  Violent Cases
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"Violent Cases "
Neil Gaiman et Dave McKean

Editeur :
Au diable vauvert
 

"Violent Cases "
Neil Gaiman et Dave McKean



Le narrateur se souvient. Il ne veut, cependant, s’attacher qu’aux faits, rien qu’aux faits. Il se souvient que petit, son père lui avait démis l’épaule en le tirant alors qu’il refusait d’aller se coucher. Il l’avait emmené dans Portsmouth, jusqu’à la maison d’un vieux monsieur. Celui-ci avait été l’ostéopathe d’Al Capone.
Qui était cet homme qui avait connu et soigné un aussi dangereux malfaiteur, dans les années 30, au cœur de la Prohibition ? Et l’homme de raconter, non pas une histoire, mais des anecdotes, des images sans liens entre elles. Et le narrateur de se souvenir, de se remémorer ce qui lui a été dit, ce qu’il a vu, ce qu’il a compris quand il était enfant...

Neil Gaiman, jeune journaliste recruté par Tout Nouveau, un Comic Book Anglais, rencontre Dave McKean, lui aussi nouvellement embauché. Le premier écrit, le second dessine. Mais, c’est Paul Gravett, directeur de Escape, une revue de BD, qui les réunira pour faire une histoire de cinq pages. Celle-ci se transforme en un album de quarante-quatre pages publié en 1987, en noir et blanc. Il paraîtra en France en 1992, chez Zenda.
L’album proposé par Au diable vauvert, bénéficie d’une colorisation inédite.

Violent Cases est une histoire traitée de main de maître par un Neil Gaiman en devenir. Il aborde ce récit avec une capacité de réflexion, une analyse psychologique en profondeur. En effet, il est rare qu’un jeune homme, (il a 26 ans) sache retranscrire avec tant de justesse, de pertinence la vision et la perception du monde d’un enfant qui passe d’un fait à l’autre très rapidement, sans recul ni réflexion. Il exprime parfaitement l’impact de certains mots sur l’imaginaire d’un gamin et utilise avec à-propos l’ignorance d’un vocabulaire, l’absence d’image ou de représentation d’un enfant de quatre ans. Il transforme, amalgame, souvenirs et réminiscence d’événements qu’il rapproche sans qu’ils aient été concomitants. La vision d’un environnement d’enfant, de son rapport aux choses qui l’entourent est superbement traitée. Comme est superbement traitée la fragilité de la mémoire, entre faits et sentiments, entre réalité et évanescence.

Cependant, l’auteur traite de la prohibition sous un angle polar (Violent cases était le nom donné aux étuis à violon qui servaient à transporter les armes).

Dave McKean est talentueux. Il a un sens très particulier de la mise en scène, faisant exploser totalement les cases. Il maîtrise le rythme d’une narration quelque peu syncopée, mais qui suit parfaitement les hésitations, voire les égarements des souvenirs. Il réalise un dessin pour lequel il utilise aussi bien crayons, stylos, plumes, travail sur photo et collage des vignettes. L’ajout de la couleur, avec une gamme de bleus, de gris, et de bruns, qui suivent la tension du récit, est une réussite.

Violent cases se compose de 100 % de talents : celui d’un formidable connaisseur de la nature humaine, créateur d’univers riches et féconds, celui d’un artiste qui porte l’art graphique de la narration à un très haut niveau et celui d’un traducteur qui sait faire transparaître les émotions.

Serge Perraud

Violent Cases, scénario de Neil Gaiman, dessins de Dave McKean, traduction de Michel Pagel, Au diable vauvert, mai 2006, 44 pages, 48 pages, 17,50 €





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