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Sommaire - Interviews -  Erwan Courbier & Benoit Dahan


"Erwan Courbier & Benoit Dahan" de Damien Dhondt


pour "SIMON RADIUS, Psycho-Investigateur", chez EP Editions, collection Trilogies.

Quel est le processus de création ?

Courbier : Dès le début, nous avons tenu à respecter trois points importants dans le processus de création.
En premier lieu, nous voulions faire quelque chose que nous aurions envie de lire. Condition sine qua non pour être motivés par un projet.
Ensuite, il fallait trouver un concept original et inédit, autant que faire se peut. Quelque chose que nous n’avions pas encore vu ou lu, pour apporter quelque chose de nouveau et se démarquer de ce qui existe déjà.
Enfin, il fallait que notre projet puisse entrer dans une ligne éditoriale. En effet, avant ce projet, nous avons déjà travaillé sur plusieurs autres qui n’ont pas abouti en grande partie du fait de leur aspect inclassable dans un genre ou dans un autre.
Une fois l’idée trouvée, d’autres critères sont entrés en ligne de compte, comme la possibilité que le concept de base puisse être décliné sur plusieurs albums, nous laissant de nombreuses possibilités à exploiter.

Comment se passe la collaboration entre les deux auteurs ?

Courbier : Dans un premier temps, nous avons enchainé d’intenses séances de brainstorming, où nous avons lancé toutes nos idées, pour ensuite en faire le tri et affiner la création du concept. Après coup, difficile de dire de qui vient telle ou telle idée. Par exemple, le concept de base est une idée de Benoit, mais il a été ensuite travaillé et approfondi par nous deux. De même pour tous les personnages, et pour tous les éléments liés au traitement des histoires.
Pour ce qui est du scénario en lui-même, je propose à Benoit une trame globale, que nous retravaillons ensemble. Une fois celle-ci validée, je passe à l’écriture plus détaillée de l’histoire, que nous retravaillons à nouveau ensemble. Dernière étape, pour l’écriture et le découpage de l’album, je rédige l’ensemble du script, que nous retravaillons ensuite ensemble.
Pour les dessins et le découpage, c’est Benoit qui est le maître à bord, et j’ai alors un rôle consultatif.
Dahan : Notre travail est une partie de ping-pong créative. On rebondit sans cesse sur les idées de l’autre. Cette double vision nous permet également de trouver un certain équilibre, de faire une synthèse de nos conceptions, tendances et envies.
Le fait que nous nous connaissons depuis très longtemps (nous sommes amis avant d’être collègues) facilite nettement cette méthode, puisqu’on n’hésite pas à dire à l’autre ce qu’on pense, même si c’est négatif !

Quelle a été l’idée de base ?

Dahan : Le héros, Simon Radius, est un psychanalyste qui a une sorte de "super-pouvoir" : celui de pénétrer physiquement dans les souvenirs de ses patients, et éventuellement de les modifier. Il visionne donc les souvenirs des personnes "visitées", y compris les choses dont ils ne se souviennent pas au niveau conscient. Avec ce don, en plus de traiter ses patients, il démèle des enquêtes criminelles.
Quel enquêteur ne rèverait pas de découvrir des souvenirs et actes parfois inconnus de leurs propres auteurs, ou bien de mettre à jour des indices qui ont disparu physiquement dans le présent ?
Courbier : Bien sur, se permettre de modifier des souvenirs est quelque chose de délicat, les répercussions pouvant s’avérer dangereuses. Simon use de cette capacité avec parcimonie. Et attention ! Pas facile de se fier aux souvenirs explorés : ils sont une version subjective de la réalité. De plus, les éventuelles pathologies mentales des patients ou suspects peuvent affecter et déformer grandement l’aspect de leurs souvenirs... A Simon de décoder les informations.
Dans cette série, nous souhaitons utiliser au maximum cette manière d’opérer du héros ainsi que le monde des souvenirs et ses déclinaisons. Et ce concept nous ouvre bien des portes pour des idées d’histoires et de rebondissements !

Comment se passe la traduction des souvenirs (les dessins déformés par rapport au réel) ?

Dahan : Nous sommes partis du principe qu’un souvenir était toujours plus ou moins subjectif. Pour chaque souvenir, nous extrapolons donc sur la façon dont la personne se souvient d’une scène, en fonction de ses sentiments, de son état d’esprit au moment des faits, ou bien entendu de sa pathologie mentale. Par exemple, une personne amoureuse verra l’être aimé beaucoup plus beau qu’il n’est dans la réalité, et un paranoïaque se souviendra et accentuera les attitudes négatives à son encontre. A partir de là, nous réfléchissons à la manière de retranscrire ces sentiments visuellement, en essayant de rester le plus logique possible. Moins on se souvient d’une chose, plus elle sera floue, voire invisible. Pour que l’ensemble puisse être immédiatement ressenti par le lecteur, nous exagérons légèrement cette représentation afin que le sentiment général soit immédiatement ressenti par le lecteur. C’est un peu un travail d’équilibriste : la déformation du souvenir doit être immédiatement compréhensible, mais en restant toujours logique.
Courbier : Nous expliquons par le texte un certain nombre de choses, mais le lecteur qui a envie de chercher plus loin peut de lui même faire des déductions sur l’état d’esprit de la personne en décryptant son souvenir.

Comment est venu le style du dessin reposant sur l’accentuation des traits du personnage ?

Dahan : A la base, c’est bien évidemment mon style qui a donné la direction générale. Nous ne sommes fans ni l’un ni l’autre de dessins trop réalistes, souvent touchés par une patte plus "underground", et influencés entre autres par les comics américains. Dans notre BD, on pourrait qualifier le style de "semi-réaliste". Par contre, un style moins réaliste n’aurait sans doute pas convenu, car le décalage avec les représentations exagérées des souvenirs n’aurait pas été perçu. Avec ce "juste milieu", nous pouvons accentuer le ressenti de tous les personnages lorsqu’il le faut tout en gardant une cohérence de l’ensemble.

Quelle est la bio des 2 auteurs ?

Courbier : La Bio la plus courte du monde ! Scénariste n’est pas ma profession unique, j’ai un boulot classique, derrière un bureau. J’ai à mon actif plusieurs essais avec Benoit avant que celui-ci n’aboutisse, ainsi que différents travaux avec d’autres auteurs sur des BD et des livres pour enfants qui n’ont pas été publiés pour différentes raisons. Ma bibliographie se résume donc à Simon Radius !
Dahan : Je suis illustrateur depuis 96 dans la presse (1) et l’édition (jeunesse principalement). J’ai travaillé pour des magazines, des quotidiens, et ai publié une petite poignée de livres jeunesse (2).
Simon Radius est l’aboutissement de toutes ces années, une maturation (encore inachevée) pour en arriver à la Bande Dessinée (3), ma branche préférée de l’illustration depuis toujours.

Avez-vous d’autres projets ?

Courbier : Cette trilogie est un projet qui nous occupe pour l’instant à plein temps, et tant que la série ne sera pas achevée, difficile de se concentrer sur autre chose. Nous avons bien sûr noté quelques idées en vrac chacun de notre côté lorsqu’elles se présentent, mais nous nous interdisons pour l’instant de les creuser.
Dahan : Nous sommes du genre à trop nous enthousiasmer sur un nouveau projet, ce qui risquerait de géner la bonne marche de cette série. Par contre nous avons tout de même hâte de chercher et développer de nouvelles idées ! Mais il est trop tôt pour en parler à ce stade.

Quel est l’avenir de la série ?

Courbier : La série est une trilogie, et elle est prévue pour se conclure avec le troisième tome. Le deuxième est écrit, et Benoit travaille actuellement sur le dessin. Naturellement, si la série trouve un public il sera toujours envisageable de prolonger la série, nous y avons songé.

Merci à vous pour cette interview.

(1) Le Monde, Libération, Télérama, Le Point, L’Entreprise, Science & Vie Junior, Science & Vie Découvertes
(2) "L’étrange cicatrice" de Florence Aubry, "Dernières lettres" de Pacale Vedere d’Auria (Magnard), "La solidarité" d’Anne-Marie Thomazeau (La Martinière), "Les tribulations gastriques d’Eric le Lombric" de Nicolas Dahan (Nathan)
(3) La chute parue en 1997 dans une revue collective de BD auto-éditée (éditions La Chute)

Erwan Courbier & Benoit Dahan.

http://www.simonradius.com

Voir la chronique de l’album ici :

http://www.sfmag.net/article.php3?id_article=3022




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