Peggy Sue continue à surfer sur la vague du Fantastique destiné à la « jeunesse » et aborde, avec La jungle rouge, le huitième opus de ses aventures. Cette adolescente qui a bien évolué depuis que, derrière ses grosses lunettes de myope, elle chassait les invisibles, les créatures extraterrestres qui semaient le chaos sur Terre.
Aujourd’hui, les aventures de plus en plus extraordinaires de Peggy sont traduites en vingt-cinq langues.

Avec sa grand-mère, Peggy confectionne des tartelettes dans la boutique qu’elles viennent d’ouvrir, quand un homme se présentant comme un inspecteur des Activités Extraordinaires enjoint l’adolescente de rallier l’école des super héros. En effet, la loi a évolué et on ne peut plus vivre d’aventures extraordinaires sans un apprentissage et justifier d’un diplôme. Comme elle n’a rien de tout cela, elle cède aux menaces. Le lendemain, elle part au rendez-vous avec Le Chien bleu. Ils se réveillent dans un abribus en compagnie de Naxos, un garçon qui a des cheveux en or et que tout le monde veut tondre !
Ce qu’elle apprend dans les premières heures la stupéfie et la formation commence. La nuit, le Chien bleu la sort de son sommeil et lui fait écouter des bruits étranges, venant du second étage, des bruits semblables à ceux d’une jungle. Sa curiosité l’entraîne dans les couloirs déserts, mais pour éviter d’être surprise par un groupe de professeurs, des anciens super héros, elle entre dans un vestiaire, une véritable chambre forte... Et ce n’est que le début d’une succession effrénée d’aventures...

Serge Brussolo, contrairement aux précédents romans de la série, ne puise pas dans les livres parus en Anticipation pour les adapter à son héroïne. Il propose un récit totalement inédit, même si l’on retrouve nombre de ses thèmes favoris et quelques petites idées déjà abordées de ci, de là. L’auteur, qui a failli devenir enseignant, pose les bases d’une réforme en profondeur du système éducatif. Dans le collège des super héros les élèves sont motivés, car s’ils échouent à l’examen final, ils sont emmurés à jamais. Les examens se déroulent dans des conditions extrêmes, avec par exemple, des questions qui s’effacent du tableau, la copie qui rétrécit, etc. Les professeurs sont rétrogradés au rang de valet quand le taux de réussite devient inférieur à un seuil. Les super héros sont, eux aussi passés à la moulinette. Peggy apprend que c’est le costume qui est tout, le super héros n’étant qu’un portemanteau vivant. Les porteurs de costumes sont vidés de leur énergie par leur vêtement. Je ne vous parle pas de la jungle ...en folie !
On retrouve, dans ce livre toute la verve inventive de l’auteur, toute sa capacité à créer des situations paradoxales, des images improbables, des intrigues de toute beauté nourries d’une tension remarquable. Sa vision du système éducatif, du super héros est tonique et décapante. Il y a beaucoup d’humour dans ce volume, un humour jouant avec les paradoxes, avec une opposition entre le réel et la vision extrême de certaines idées, un réel et un imaginaire qu’il dévoie et réinvente.
Serge Brussolo nous démontre qu’il reste le meilleur quand il s’agit d’inventer des histoires qui « ont du coffre ». En trois cent soixante pages, l’auteur jette sur le papier un sacré paquet d’idées qui font mouche. Cependant, il ne referme pas toutes « les portes » ouvertes, alors...

Serge Perraud

Peggy Sue et les fantômes : La jungle rouge, Serge Brussolo, Plon Jeunesse, janvier 2006, 372 pages, 13 €