Sarah Ash a d’abord été une musicienne qui a composé des pièces pour les enfants avant de venir, en 1991, à l’écriture de nouvelles littéraires. Un certain nombre d’entre elles ayant été remarquées, comme Merveille (Nominée au British Science-Fiction Award en 1998 et traduite en français pour le numéro 13 de la revue Faéries), elle passe à quelque chose de plus conséquent. Après trois romans (Inédits en France) elle se lance dans une trilogie dont le premier tome (Book One of The Tears of Artamon) est paru en Angleterre en 2003.
Avec cette saga, elle souhaite montrer comment la vie d’une personne peut être corrompue par un terrible secret de famille. Avec cette idée d’une transmission forcée, elle échafaude une intrigue de grande ampleur, complexe, riche et somptueuse.
Alors que Volkh Nagarian est assassiné dans son royaume, son héritier, élevé par sa mère dans un pays voisin, se fait éconduire comme un malpropre par les membres d’une famille dirigeante, par crainte de mésalliance. En effet, amoureux de son modèle, la princesse Astasia Orlov, (amour apparemment partagé) Gavril n’est aux yeux de la famille, qu’un portraitiste.
Mais la lignée doit être assurée en Azhkendir et il est le seul à pouvoir le faire. C’est ce que lui explique Kostya le bogatyr, après l’avoir enlevé pour le mettre sur un trône qui lui revient ...par le sang. Cependant, cette perspective n’enchante guère Gavril. Il a toujours vécu dans un lieu au climat enchanteur et doit brusquement régner sur un pays de glaces et de froid. De plus, il a été éduqué dans l’amour des arts, des belles choses ; les coutumes dans son pays sont plutôt barbares et guerrières...
À son arrivée, il comprend vite que rien n’est gagné, que sa venue n’est pas souhaitée par tous et que sa vie ne pèse pas lourd. Mais il se rend compte qu’il devient différent. Une entité, le Drakhaoul, s’empare des Seigneurs d’Azkhendir pour leur donner des pouvoirs colossaux au prix, cependant, d’une mutation monstrueuse.
Comme tout premier volet d’une saga, celui-ci permet de découvrir le cadre de l’histoire, de se familiariser avec les décors, de rencontrer les principaux acteurs du drame et d’essayer de percevoir les motivations qui les font agir. Mais Sarah Ash introduit très vite des éléments de suspense et commence à maintenir une pression sur le héros, donc une pression sur le lecteur. L’auteur sait maintenir l’intérêt pour des péripéties et pour les personnages qu’elle jette dans l’action. Ce qui retient également l’attention, dans ce volume, c’est le ton novateur. Bien que l’auteur utilise des éléments et des concepts habituels en fantasy et fantastique, elle les assemble de façon peu commune et cela donne une approche originale, une vision différente par la réinterprétation de mythes. Ce récit, qui se nourrit également de légendes de l’Europe de l’Est, possède un charme particulier venant sans doute de l’ambiance slave qui baigne toute l’intrigue.
Sarah Ash maîtrise une jolie plume, un sens du rythme narratif, une façon de raconter vive et légère qui font suivre avec intérêt, même les détails de la vie quotidienne.
Sarah Ash apporte à la fantasy ce qu’Alexandre Dumas a donné au récit historique : un souffle et une puissance qui entraînent irrésistiblement les lecteurs dans leurs univers.
Les Larmes d’Artamon est un livre à l’intrigue extrêmement prenante, qui ne fait pas mentir la chronique de Publishers Weekly. Il est vrai qu’on attend (sans baver, car on essaie de se tenir ...nous !) la suite avec impatience.
Serge Perraud
Seigneur des Neiges et des Ombres : T.1 - Les Larmes d’Artamon, Sarah Ash, Éditions Bragelonne, janvier 2006, 464 pages, 22 €