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  Sommaire - Livres -  A - F -  Le dernier de son espèce
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"Le dernier de son espèce "
Andreas Eschbach

Editeur :
L’Atalante
 

"Le dernier de son espèce "
Andreas Eschbach



L’abord d’un roman d’Andreas Eschbach est un moment fort dans la vie d’un lecteur. En effet, on se demande avec une pointe d’excitation, voire d’angoisse, vers quelles turpitudes, vers quelles folies humaines, l’auteur va nous emmener ? Quelles perversions va-t-il, cette fois, nous révéler ?
Le titre laisse déjà espérer quelques éléments peu communs. Puis l’illustration accroche le regard par le rappel d’une célèbre photo, en couverture d’un hebdomadaire, en 1969. De plus, on est surpris par l’éclat de l’œil droit du personnage.

Dès les premières pages, on est plongé dans une atmosphère surréaliste. Duane, un homme presque infirme, (seul son bras gauche fonctionne) se soigne en se tapant dessus à grands coups de gourdin pour retrouver la vue et l’usage de ses membres ! Peu à peu, l’auteur nous fait découvrir un individu insolite, un homme transformé en soldat d’apocalypse, en cyborg. Mais pourquoi Duane est-il dans un petit port d’Irlande, à vivre chichement, à essayer de tuer le temps, sinon l’ennui, en lisant et relisant Sénèque et en fréquentant la bibliothèque municipale ?
Cette apparente quiétude vole en éclats lorsque le héros découvre qu’on est à sa recherche : un homme interroge les habitants du village en présentant une photo ancienne. Celui-ci finit par le retrouver. Il est avocat et lui propose de faire un procès à l’État américain pour obtenir des dommages astronomiques. Duane est effaré. On lui avait assuré, en lui demandant de ne jamais rien révéler, que le plus grand secret entourait le programme « Steel man » et la transformation de soldats. Mais l’avocat peut lui fournir les preuves ...le temps d’aller les chercher dans sa chambre. Quelques minutes plus tard celui-ci est assassiné et un piège sans faille commence à se refermer sur le cyborg et ses congénères.

L’auteur ne cache pas que L’Homme qui valait trois milliards et Terminator ont servi de point de départ à son histoire. Mais plutôt que de montrer le côté mythique acquis par ces héros triomphants, Andreas Eschbach s’attache à suivre l’incidence du temps sur les modifications subies par son héros et l’inutilité de capacités exceptionnelles dans un environnement ordinaire. Si de telles aptitudes peuvent servir dans un cadre précis d’une mission guerrière, (ou pourquoi pas humanitaire) elles ne sont d’aucune utilité dans la vie quotidienne. À quoi peut servir un œil électronique pour aller, à pied, à la bibliothèque ? Un squelette en titane est-il indispensable pour se promener au bord de l’eau pour « tuer le temps ».
Par contre, il examine toutes les contraintes qui résultent de ce changement, comme l’intestin très raccourci de Duane qui ne permet plus de fonctions digestives et l’oblige à ingérer une pitance spécialement conçue mais au goût repoussant et le prive de prendre une simple boisson dans un pub.
Préparés pour intervenir dans la Guerre du Golfe, ces soldats ne seront finalement pas utilisés par l’armée américaine et rendus à leur foyer. En usant de cette restriction, l’auteur veut-il éviter de se livrer à une quelconque uchronie ? Veut-il souligner le gaspillage régulier à tous niveaux, l’engloutissement de fonds énormes dans des projets pharaoniques qui n’aboutissent pas ou dont les résultats restent sans usage ?
Par contre, Andreas Eschbach nous sert, ainsi, une intrigue subtile qui peut, au premier abord, paraître insolite mais qui navigue au plus près de la réalité, comme par exemple le procès : pratique aujourd’hui banalisé aux USA et en cours de la devenir aussi dans notre vieille Europe. Cependant la lecture instille un malaise car, entre ironie et dérision, l’auteur nous fait assister à une faillite, un échec. Il nous montre un homme qui voulait servir son pays, devenir plus fort, mais qui a totalement raté sa vie, condamné à la solitude la plus complète, puis à l’abandon. Pas question d’amour, de rapports sexuels, bien qu’il ait les capacités de durée pour satisfaire plusieurs harems, car il tuerait sa partenaire lors de l’orgasme.
L’auteur s’est livré à une analyse approfondie d’une telle situation, examinant tous les effets probables et les conséquences. Avec ce livre, il pointe la folie des hommes, lance un avertissement à tous les apprentis sorciers qui ne rêvent que de manipulations génétiques.
Le dernier de son espèce est un livre superbe, un grand, un très grand roman de plus à mettre à l’actif de ce conteur d’exception.

Serge Perraud

Le dernier de son espèce, Andreas Eschbach, traduit de l’allemand par Joséphine Bernhardt et Claire Duval, L’Atalante coll. La Dentelle du cygne, janvier 2006, 296 pages, 19 €





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