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  Sommaire - Films -  S - Z -  The Woodsman
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"The Woodsman" de Nicole Kassell

Réal. & scenario : Nicole Kassell
Avec : Kevin Bacon, Benjamin Bratt, Kyra Sedgwick, Mos Def. Distribué par One Plus One.
87 mn.
Sortie le 15 Mars 2006. Note : 8/10.

Aborder au cinéma certains sujets très difficiles peut très vite se solder par un échec énorme. Prenez un exemple simple comme l’auto-justice, phénomène de société courtisé il y a une trentaine d’années. Correctement traité, à savoir avec intelligence et un recul suffisant pour poser des questions qui amèneraient à une réponse qui est loin d’être la meilleure, donne positivement « Un justicier dans la ville » ou « L’inspecteur Harry ». Maintenant, si c’est juste un prétexte pour satisfaire un public avide de sensations basiques, cela donne chacun des chapitres suivants d’« Un justicier dans la ville », des séries B voir Z réactionnaires qui n’ont cure du fait de traiter un problème posément et sérieusement. « The woodsman » traite de la pédophilie. Le sujet dangereux et casse-gueule par excellence. On n’a pas envie d’en entendre parler au cinéma. Pourtant, les rares incursions dans ce qui constitue un des pires travers de l’être humain, si ce n’est le pire, dans un circuit « normal » bien entendu, donnent des résultats qui touchent et font très mal, comme le film de Tim Roth, « The war zone » qui en plus conjuguait cela à l’inceste. « The woodsman » est réussi (si on peut dire cela ainsi...) sans pour autant être aussi traumatisant que « The war zone ».
Walter (Kevin Bacon, extraordinaire, tout simplement) vient de purger douze ans de prison suite à son inculpation pour attouchement sur des fillettes. Il revient dans sa ville natale, prend l’emploi qu’on lui a donné, trouve un appartement... situé en face d’une cour d’école. Volontairement, il ne se mélange pas aux autres, il veut oublier. Son seul contact avec sa famille est son beau-frère qui ne lui a jamais tourné le dos, sa sœur le considérant comme un monstre. Mais un flic vient de temps en temps lui rendre visite, surtout depuis qu’il y a eu des plaintes pour viols sur mineurs. Et il se lie d’amitié avec une petite fille, Robin. Qu’est-ce qui pourrait empêcher Walter de replonger en enfer ?
C’est la principale question du film, qui repose intégralement sur le rôle difficile d’un Kevin Bacon stupéfiant. Certes, Walter noue une relation amoureuse avec une collègue (Kyra Sedgwick, Mme Bacon à la ville) mais son secret le mine et il ne pourra s’empêcher de lui demander « Quelle est la pire chose qu’elle ait faite ? » pour se retourner cette question et lui avouer son abominable secret. En fait, le titre du film s’inspire du petit chaperon rouge, et du bucheron qui tuera le loup. Car comme le bucheron, Walter peut trouver pire que lui. Et c’est là justement, et paradoxalement, le point faible du film : de montrer un individu certes malade mais qui n’est pas le pire de tous, Walter n’étant jamais passé de l’attouchement au viol. Pour l’enfant, il y aura toujours un traumatisme, mais uniquement psychologique. Comme le montre la scène la plus dérangeante du film entre Robin et Walter. Où Robin refuse les avances de Walter, pleure en avouant un secret si honteux pour elle qu’elle en finit par accepter finalement la requête de son « ami » qui lui, du coup, horrifié d’entendre une gamine livrer ainsi une blessure qui ne guérira certainement jamais, prend conscience du mal qu’il fait. Et « The woodsman » est ainsi fait, de choses plus violentes que d’autres, du portrait d’un homme malade mais qui n’est pas encore devenu le monstre que d’autres sont. Il est alors certes plus facile de donner une seconde chance dans ces cas-là. Et encore, quand on est vraiment touché par un tel drame, tout civilisé que nous sommes, nous ne connaissons pas de réponse à la question posée. Mais il faut voir « The woodsman » pour son sujet, un des rares films à aborder un tel sujet même si c’est un cas bien précis. Premier film de Nicole Kassell, qui démontre ici des qualités de mise en scène assez impressionnantes, évitant tout académisme qui auraient pu nuire à la réception de son histoire, « The woodsman » ne peut laisser indifférent. Mais malgré ces qualités, sans oublier le talent et le courage de son acteur principal, il est aussi loin de toucher le problème dans ce qu’il a de plus vil, de plus abominable, de plus abject.

St. THIELLEMENT



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