"Orchéron"
Pierre Bordage
Editeur :
L’Atalante (24 novembre 2000) - La dentelle du cygne
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"Orchéron"
Pierre Bordage
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Les filles et les fils d’Abzalon et d’Ellula ont, en 800 ans, colonisé le continent du Triangle sur la nouvelle Esther. L’harmonie pourrait régner dans cette société matriarcale et agraire sans les umbres, ces prédateurs volants qui surgissent à tout moment et sans les protecteurs des sentiers. Ces derniers prônent la révolte contre les mathelles, ces femmes qui régentent les domaines et traquent “les lignées maudites”.
Orchéron le potier, accusé d’être le rejeton d’une telle lignée, doit fuir sa mathelle d’adoption. Commence pour lui la quête de son identité, en un parcours initiatique sur cette “Terra Nova”.
Pierre Bordage s’en donne à cœur joie en nous contant les péripéties des survivants d’Esther. Il lâche la bride à son imagination et démontre son goût pour la conception de nouveaux mondes, de nouvelles structures sociales en recherche d’équilibre entre tradition et ignorance. Il chante ce rapport avec la nature, cette communion primaire et sensuelle avec tout ce qui compose celle-ci. Il multiplie les personnages et leur donne cette présence et cette force qui “crèvent” le papier et les rend si attachants, si humains avec leurs outrances et leurs souffrances.
L’auteur entreprend de démontrer l’absurdité qui consiste à utiliser l’héritage spirituel et moral de personnages d’exception pour s’assurer une légitimité et faire ainsi accepter ses propres motivations et cautionner ses actes. Bordage use de l’artifice narratif permis par les journaux intimes pour jouer subtilement sur plusieurs plans, au nez et à la barbe du lecteur. Bien que... des petits indices soient semés ! La conclusion, par contre, est un peu abrupte. Mais ne doutons pas que les éclaircissements se trouveront dans le prochain volet de cette trilogie. Sociologie, ethnologie, humour et amour de la vie et de l’instant présent se conjuguent avec une écriture dense, forte, aboutie pour faire d’Orchéron un grand cru Bordage à ne pas laisser passer.
Pierre Bordage, Orchéron, L’Atalante, 466 p.
Serge Perraud
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