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Sommaire - Interviews -  Eikazia


"Eikazia" de Par Gilles Francescano



Parmi les jeunes illustrateurs de l’édition, EIKAZIA n’a pas besoin de troubler ses images pour les faire croire profondes. L’œil se perd et se retrouve happé par la pointe du stylet numérique. C’est dans cette union déroutante de la chair et de l’électronique qu’EIKAZIA trouve sa philosophie. Le nombre des années ne fait rien à l’affaire et sa poésie dérangeante nous promet un sacré voyage. Laissez-vous donc embarquer puisque, à ce qu’il paraît, cela forme la jeunesse


Débuts ?



Je voulais être dessinateur, parce que j’aimais bien dessiner tout simplement. Ceci jusqu’au collège, durant lequel j’ai un peu levé le pied. Au lycée, c’est revenu, et je m’intéressais beaucoup à l’image de synthèse, je ne ratais pas un seul documentaire sur “Imagina”. Le dessin plus traditionnel m’intéressait moins que l’outil informatique, assez mystérieux pour moi. Quand j’ai eu mon premier PC, ça a été la révélation.


J’étais un lecteur de SF depuis pas mal de temps. J’ai commencé à vraiment aimer lire grâce aux livres de SF que ma sœur aînée avait dans sa bibliothèque. L’univers de la science-fiction et de l’imaginaire en général était donc quelque chose de très important pour moi, dans la construction de ma culture personnelle. Cela dit, je n’aurais jamais pensé faire les couvertures de livres que j’ai aimé lire (Lovecraft, Simmons). En fait, je n’en avais pas vraiment envie, pas plus qu’autre chose...


En ce qui concerne l’entrée dans le milieu de l’édition, elle n’était pas du tout préméditée, je n’avais jamais vraiment envisagé de faire ce métier (car c’est un métier), ça s’est fait un peu par hasard.


Je ne projetais pas vraiment dans mon “ plan de carrière ” de faire de l’illustration de couverture. Pour récapituler un peu les événements qui m’ont conduit à ça, il faut remonter en 1998, date très importante qui marque ma rencontre avec les membres de l’association Chasseurs de rêves : Karen Guillorel et Michael Ivorra. À l’époque je traînais sur les bancs de la fac de médecine, peu inspiré par mon futur de médecin. À côté de ça je m’amusais un peu sous Photoshop à faire des photomontages sur mon PC 486dx2/66 (pour les nostalgiques...). Je me suis décidé à envoyer mes “ créations ” à un magazine pour les faire publier, et c’est là que Karen les a vues et m’a contactée pour participer à leur fanzine, Chasseurs de rêves. Puis de festivals en festivals, de salons en salons, de rencontres en rencontres, on se fait connaître (encore une fois sans désir particulier de rentrer dans le milieu de l’édition). Ainsi j’ai rencontré des gens de chez J’ai lu ou Denoël (G. Dumay), qui m’ont proposé de travailler pour eux. Au début je n’étais pas très chaud, c’est donc avec un an de retard sur ma première proposition que je me suis décidé à faire ma première commande pour J’ai lu.


SF ou Fantastique ?


L’imaginaire est un domaine que j’aime beaucoup, c’est le mien ! C’est donc tout naturellement que je me suis investi dans ce créneau. Cependant, la publicité m’intéresse, l’affichage aussi. C’est quand même pas mal de pouvoir utiliser les murs d’une grande ville pour exposer son travail. Si en plus il a une réelle dimension artistique comme celui de Michal Batory, qui fait des affiches pour La Villette ou pour le Muséum d’histoires naturelles, ça devient vraiment le pied ! Donc, si j’en ai l’occasion, je me mets à faire de la pub !


Le livre a, pour moi, un caractère sacré, dans la mesure où il nous permet le plus simplement du monde de partir sur des rivages lointains, et ce, surtout avec les littératures de l’imaginaire. C’est vrai que ce qui compte en général pour un livre ou pour tout autre médium, c’est le contenu informationnel, un disque, ça se copie, parce que c’est la musique qui nous intéresse (même si ça reste illégal et pas très réglo vis-à-vis des musiciens...). Le livre c’est pareil, sauf que la photocopie ce n’est pas toujours très rentable, alors autant rendre l’objet beau. C’est très matérialiste, mais j’adore posséder de beaux objets. Je ne dis pas que les livres que j’illustre sont de beaux objets (loin de là !), mais en général un livre c’est beau, tout simplement. Maintenant, les éditeurs, voient en la couverture l’argument de vente de première accroche, ce qui n’est pas faux, mais, j’essaye dans la mesure du possible (ce n’est pas toujours évident) de faire une couverture qui me plairait en tant que lecteur.


Technique ?


Ma technique évolue constamment. En général, j’utilise des photos ou des ressources graphiques que je fais moi-même et que je mixe sous Photoshop. Il n’y a pas que du numérique je fais des parties au dessin, que je recombine. Il m’arrive souvent de faire des séances photo avec des modèles (des amis en général) ou avec moi-même (self portrait). Depuis que j’ai fait l’acquisition d’un appareil photo numérique, je me constitue une banque d’images que j’utilise comme je veux, et qui me permet d’avoir des références graphiques assez larges, ça compense le fait que je n’aie pas une bibliothèque monstrueuse. J’utilise encore le crayon, il permet de me faire idée sur une composition globale de l’image, sur le cadre...


Pour une illustration, en règle générale, j’essaye de coller le plus à l’ambiance du livre, en tout cas, celle que je ressens quand je le lis. Ce n’est pas toujours facile. Il faut que ce soit suffisamment synthétique par rapport au livre, mais sans trop en dire. Je ne suis pas très figuratif dans mes illustrations, je préfère les symboles quand c’est possible. Le problème le plus contraignant vient des éditeurs qui, dans leur logique de vente veulent une couverture qui fasse vendre, donc on est soumis à une sorte de cahier des charges, avec ce qu’ils veulent ou ne veulent pas.


Il n’est pas toujours possible de lire un manuscrit avant de l’illustrer. En effet quand on te dit de faire l’illustration pour dans 3 jours et que le livre fait 300 pages, ce n’est pas évident. Quand j’ai le temps, je commence à lire le livre et à réfléchir aux possibilités d’illustration, les premières idées sont en général les bonnes. Tout en continuant la lecture, je commence à faire des premières tentatives. Si elles sont concluantes et qu’elles plaisent aux éditeurs, je termine le livre plus sereinement !


Mon atelier de travail se trouve dans ma chambre (j’habite encore chez mes parents), j’ai peu de place, mais je fais avec. Mon moment de prédilection pour le travail, c’est la nuit avec de la musique, d’ailleurs il y a toujours de la musique chez moi.


J’aimerais beaucoup illustrer les classiques, Asimov, Dick... J’ai déjà fait un Lovecraft, j’étais plutôt content.


Je trouve encore le moyen de créer pour moi, quand j’ai un peu de temps, entre mes cours et les commandes. Mes créations persos, ça ressemble à ce que je fais pour les couvertures, mais sans contraintes. Je me laisse un peu plus aller. Mais c’est tout de même assez ressemblant par rapport à mon travail dans l’édition. La dernière que j’ai faite est un recyclage d’un projet de couverture abandonnée, je n’ai repris que le visage...


Édition ?


Je suis un peu nouveau venu dans l’édition. Je n’en connais pas encore assez, mais je constate que c’est un peu comme partout. Plus la structure est grande plus on a du mal à communiquer avec les décideurs. Il faut demander l’accord de 10 personnes pour valider le choix d’une couverture... Il est aussi un peu fatigant de revenir 10 fois sur la même image pour avoir la version définitive. Sinon, il y a beaucoup de gens bien, qui aiment leur boulot, et la littérature. Des passionnés qui rendent le monde de l’édition moins requin qu’il n’est déjà.


Expositions ?


Les expositions sont un moyen simple de montrer ailleurs que dans les librairies, des créations assez différentes de l’art traditionnel. Une sorte de promotion. La dimension plus professionnelle de leur impact m’intéresse moins. Un autre aspect, qui me touche moins maintenant, c’est juste le fait “ d’exposer ” ! C’est quand même assez jouissif de voir ses machins à soi sur des murs ! Maintenant, ça me le fait moins, mais c’est quand même agréable.


À côté de l’illustration, je tente de faire le plus de choses possibles. La BD m’intéresserait pas mal, ainsi que le cinéma. Travailler l’image d’un film c’est mon rêve, j’essaye d’avancer comme je peux dans ce domaine, mais c’est moins évident que dans l’illustration. Pour la BD, c’est plus abordable, mais il faut du temps, beaucoup de temps...





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