"Les rives d’Antipolie et Revolutsya"
Mathieu Gaborit
Editeur :
Mnémos (25 novembre 1998)
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"Les rives d’Antipolie et Revolutsya"
Mathieu Gaborit
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(Bohème 1 et 2)
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Avec cette œuvre qui tient autant de la Fantasy que du Steampunk, Mathieu Gaborit nous plonge dans une Europe impériale en pleine déliquescence à la fin d’un XIXe siècle fantasmé, tout en revisitant le thème, récurrent chez lui, de la création artistique comme discipline quasi-magique. Il rend, à travers ce cycle, un hommage aux pulps et aux romans de gare qui ont fait le ravissement de notre enfance.
Alors qu’à Moscou les révolutionnaires attendent leur heure, une jeune femme exerçant la profession d’Avocat-duelliste quitte Prague pour récupérer le contenu d’un dirigeable qui s’est échoué dans l’Ecryme, substance cotonneuse et maléfique qui a recouvert le Globe. Contrainte de gagner Moscou, elle combattra aux côtés des révolutionnaires, contre le régime et ses créatures abyssales sorties de l’Ecryme. Pour les vaincre, il lui faudra comprendre la nature secrète de l’écryme pour enfin, peut-être, rejoindre Bohème.
Comme d’habitude chez Gaborit, l’intrigue est bien ficelée et les trouvailles narratives foisonnent. Le décor, superbe, évoque à la fois les gravures de Gustave Doré illustrant les romans de Jules Vernes, l’univers d’Enki Bilal et la Cité des Enfants Perdus de Caro et Jeunet. Malheureusement, au milieu de ce tableau aux couleurs délicieusement délavées aux tons de rouille, de sang et de pluie charbonneuse, Mathieu Gaborit oublie ses personnages qui restent esquissés à gros traits et son dénouement qui semble flotter dans l’incertitude la plus totale jusqu’à la dernière ligne qui ne nous en apprend pas plus. Ainsi, Bohème, le lieu mythique qui donne son nom à la saga ne sera-t-il évoqué (brièvement) que dans les quatre derniers paragraphes du livre second, au point que l’on se demande si un troisième tome ne serait pas nécessaire pour éclaircir cet embrouillamini. Enfin, pour en finir avec les critiques de ce qui reste une œuvre de jeunesse préfigurant les chefs-d’œuvre futurs (je vous en parle au prochain numéro, promis), il est dommage que Gaborit n’ait pas plus (et mieux) exploité son background révolutionnaire qu’il ne traite que comme un élément de décor, flou et manichéen.
En effet, le Steampunk, genre bâtard en soi, ne se justifie que par la réinterprétation fantastique d’une Histoire qui nous est familière (je vous renvoie pour un exemple mieux maîtrisé de steampunk, à l’excellent ouvrage de Tim Powers : Les Voies d’Anubis - J’ai lu SF Fantasy 1994 - prix Apollo).
Mathieu Gaborit, Les rives d’Antipolie et Revolutsya (Bohème 1 et 2), Éditions Mnémos Science-Fiction, 214 et 212 pages
Julien Schwartz.
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