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"Le Vieil homme et son Double"
Joe Haldeman

Editeur :
Gallimard (31 mai 2002)
 

"Le Vieil homme et son Double"
Joe Haldeman



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Le Message


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Sylvester Castlemaine, escroc à la petite semaine, rencontre dans un bar miteux de Key West John Baird, un spécialiste d’Hemingway. Baird bénéficie d’une mémoire eidétique, totale, faculté hypermnésique de se ressouvenir de n’importe quelle situation ou lecture déjà rencontrées. Castlemaine va très rapidement imaginer le profit qu’il pourrait en tirer : pourquoi ne pas contrefaire les nouvelles inédites perdues par la compagne de l’auteur en 1922 ? Baird se prend au jeu, non par appât du gain mais pour éprouver les connaissances de ses collègues universitaires. Il achète pour pas cher une vieille machine à écrire, modèle Corona identique à celle utilisée par l’écrivain dans sa jeunesse, du papier d’époque, et entreprend de taper un récit de guerre. Mais le STAB veille, une sorte de police spatio-temporelle, et tue Baird avant que son pastiche ne bouleverse la trame de l’univers. Fait curieux : le tueur est un sosie d’Hemingway. Détail troublant : Baird renaît aussitôt dans un monde altéré par quelques variations.


Autant l’avouer tout de suite, ce roman n’est guère convaincant. Passable chez un auteur moins aguerri ou talentueux, il déçoit sous la plume d’Haldeman. Certes les personnages sont attachants à travers leurs multiples variations, et le récit ne manque pas d’humour (fait assez rare chez l’auteur de Pontesprit). Mais l’ensemble manque singulièrement d’originalité, exploite des vieilles lunes de la SF, et ne propose même pas une relecture originale, un détournement pertinent des poncifs du genre. Espérons que l’idée d’un écrivain qui revient à travers de multiples avatars ne fasse pas trop école, après le Hemingway de Joe Haldeman et le Philip K. Dick de Michael Bishop.


Reste la hantise omniprésente du Vietnam chez l’auteur, déclinée ici en de multiples cas de figure. Baird, vétéran de la “ sale guerre ” hérite d’une blessure différente à chacune de ses réincarnations. L’idée d’étudier par épuisement successif la vie d’un blessé au combat aurait pu être intéressante, mais retombe ici très vite au niveau du procédé. Stérile, car on ne voit pas très bien où Haldeman veut en venir, sinon que la guerre est moche et laisse des séquelles. La Guerre Eternelle du même auteur en avait déjà fait la flamboyante et définitive démonstration. Précisons tout de même que Le Vieil Homme est son Double a obtenu les prix Nebula 1990 et Hugo 1991.


Guère plus parlant est Le Message. Aurora Bell, astrophysicienne, a capté un message provenant de l’espace. L’intitulé est clair : les extra-terrestres arriveront sur terre le premier janvier. L’annonce est bientôt suivie d’un avertissement : il est inutile, et dangereux, de tenter quoi que ce soit pour empêcher le débarquement. L’incident survient au plus fort d’une crise internationale pouvant déboucher sur un conflit mondial opposant les États-Unis à... la France. Oui, c’est nous les bad guys. Que nos lecteurs belges ne se réjouissent pas trop vite : dans cette Amérique au climat anarchique, dirigée par une présidente va-t’en guerre, il n’est pas sûr que l’on fasse la différence. Le lecteur suit les répercussions de l’annonce à travers les existences au quotidien de différents personnages qui se passent le relais l’un l’autre. Indifférents, inquiets ou simplement attentistes, tous veulent savoir si l’événement est authentique, ou consiste simplement en un énorme canular.


À nouveau, Joe Haldeman reprend une situation rebattue de la SF : la venue des aliens et son influence sur l’homme de la rue. Mais là où dernièrement Robert Silverberg avait fait œuvre d’originalité avec Le Grand Silence, dans une rare économie d’effets donnant lieu à une reprise pertinente de l’héritage classique, Haldeman ne parvient qu’à une succession de tableaux tronqués, d’intérêt inégal, aboutissant à une fin téléphonée, largement prévisible. Attendue car déjà maintes fois exploitée durant l’Age d’Or d’Astounding Stories ou, à la télévision, de Twillight Zone. De plus, et c’est particulièrement étonnant chez un auteur qui nous a habitués à des créations géopolitiques parfaitement cohérentes, la situation internationale est fort peu crédible. Elle prend dans notre actualité, et y mêle des épisodes du passé historique de l’Europe, parfois trop proches de la caricature. C’est d’ailleurs le principal reproche que l’on peut faire à Haldeman, valable pour chacun des deux romans : ses pastiches, même servis par une écriture parfois expérimentale, tombent à plat et se situent en dessous du modèle. Haldeman est un auteur original, qui gagne à le rester.


Deux lectures à éviter, par amour et respect pour ce formidable écrivain.


Le Vieil homme et son double, Joe Hademan, Folio SF, traduction Jean-Daniel Brèque, 240 p.


Le Message, Joe Haldeman, Pocket SF, traduction : Michel Pagel, 314 p.


Xavier Mauméjean





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