Anthologie dirigée par Denis Guiot
Mango Jeunesse
9/10

Depuis plusieurs dizaines de millions d’années, la vie perdure sur la planète Terre avec des évolutions variables selon les espèces. Depuis qu’a émergé, du magma initial, une espèce qui se dit intelligente, (?) la dite espèce s’interroge : est-elle seule dans l’univers ? Y-a-t-il d’autres formes de vie ? Si oui, quelles vies ? Et... quelle attitude adopter lors de cette première rencontre, de ce premier contact ?

Denis Guiot, grand anthologiste devant l’Éternel, essaie d’apporter des réponses avec la vision de sept auteurs qui nous font part de leur regard sur un tel événement.
C’est Yves Coppens qui rédige la préface. En deux pages, il dresse un tableau de ce que peuvent être ces rencontres, relate celle qui devait conditionner toute sa vie, une vie de contacts avec d’autres espèces... éteintes. Il fait un magnifique plaidoyer pour l’Autre, car : « Que serions-nous donc sans lui, l’Autre à nul autre pareil ? »
Et le volume s’ouvre justement sur un poème en treize strophes qui s’intitule : L’Autre, œuvre de Manon Fargetton, née en 1987. Un bijou !

Puis les auteurs des six nouvelles imaginent des rencontres et les sentiments qui peuvent en découler : la peur d’abord, l’incompréhension, voire la répulsion ou, au contraire, l’envie d’échanger, de connaître. Aller vers l’Autre est un enjeu, un pari, un risque, un plaisir ou un pensum selon l’état d’esprit avec lequel on l’aborde.

Danielle Martinigol développe, dans L’Enfant et l’Abîme, la pureté et la vérité de l’âge tendre contre les refus et les blocages de l’âge adulte. Mais, n’est-ce pas dans la nature même de l’enfance que d’accepter, sans se poser de questions, une présence pourtant inattendue, dès lors qu’elle est bénéfique ? Ne rejoint-on pas la capacité de rêver, d’adhérer au merveilleux ?
Arthro met en scène l’incompréhension, le jugement porté par rapport à ses propres valeurs, à ses propres connaissances. Dans un climat très sensuel, presque sexuel, Joëlle Wintreberg illustre les erreurs qui peuvent être commises de bonne foi quand la découverte est totale. Une excellente chute !
Pierre Bordage revient sur l’un de ses thèmes de prédilection : l’aveuglement religieux, l’intransigeance des églises face au bonheur, au plaisir simple de vivre en harmonie avec la beauté de la nature. Avec La Nuit des trois veilleurs il dénonce le dogme, l’absolutisme de ces religions de pacotille.
Stag 5, de Jean-Pierre Hubert, transpose dans le futur, des situations bien réelles vécues antérieurement ou qui peuvent, dans un même contexte, se produire aujourd’hui, car la nature humaine n’évolue pas. Ataviquement, l’esprit humain en est resté à l’ère de La Pangée. Y-a-t-il plus de distance entre un humain et un extraterrestre qu’entre un bourreau et sa victime ?
...Et la lumière fut de Fabrice Colin apporte la note d’humour de l’anthologie avec les déboires d’un militaire, envoyé en mission diplomatique, qui tente d’imposer son système social. Une confrontation, vue par le regard de sa petite fille, entre deux sociétés « idéales ». Fabrice Colin use de plus en plus d’un humour caustique qui fait mouche.
Et Nathalie Le Gendre clôt la série avec un texte profond (Le Langage de Ferniel) sur le mode de communication et son acceptation.
Dans une postface, à la fois scientifique et limpide, (Eh oui ! C’est possible !) Roland Lehoucq indique la probabilité qu’il y ait d’autres vies et la possibilité de rencontres.

Cependant, malgré tout leur talent, tous les auteurs reprennent, avec un éclairage amplifié, décalé, futuriste, des éléments terrestres, car comment imaginer un extraterrestre autrement qu’avec des images terrestres ?

Serge Perraud

Premiers Contacts, Anthologie dirigée par Denis Guiot, avec Pierre Bordage, Fabrice Colin, Manon Fargetton, Jean-Pierre Hubert, Natahlie Le Gendre, Danielle Martinigol, Joëlle Wintreberg, Mango Jeunesse, avril 2005, 240 pages, 9 €