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  Sommaire - Livres -  S - Z -  Cycle de Grainger 1 : Le Courant d’Alcyon-La Caresse de l’aube
Voir 103 livres sur le cinéma, romans, études, histoire, sociologie...


"Cycle de Grainger 1 : Le Courant d’Alcyon-La Caresse de l’aube"
Brian Stableford-Jean-Pierre Fontana

Editeur :
Eons Futurs
 

"Cycle de Grainger 1 : Le Courant d’Alcyon-La Caresse de l’aube"
Brian Stableford-Jean-Pierre Fontana



10/10

Longtemps absent des listes des éditeurs, et on peut encore une fois se demander pourquoi, le cycle de Grainger se voit renaître sous l’instigation des très judicieuses et très innovantes éditions Eons. Faudra-t-il le dire encore et toujours aux éditeurs ? Des trésors dorment dans les fonds de l’édition en France qui gagneraient à être traduits de nouveau (Le cycle de New World de James Kahn, La Quête de Nift Le Mince de Michael Shea, tous deux parus chez Opta, ou encore le cycle de Imaro de Charles Saunders et celui de Raum de Carl Sherell, stupéfiantes fantasy barbares parues chez Garancières, pour ne citer qu’eux) mais les volontés surtout tournées vers la nouveauté semblent vouées à ignorer ces oeuvres remarquables.

Eons a donc choisi de ressusciter une saga de science-fiction que beaucoup tiennent pour l’une des plus abouties, tant au niveau du style que de la thématique mise en question. Encore un choix brillant que l’on se doit de saluer à la hauteur de la beauté de l’histoire que Stableford nous conte, comme quelque bohémien échoué en quelque campagne obscure, sur une planète lointaine encore plus obscure, quelques siècles plus tard, en un futur où la mémoire ne semble survivre que par des chansons, des histoires qu’on se raconte, des rapports de voyages qui se racontentent sur deux fous bravant tous les systèmes solaires, à marchander et à voler, c’est idem. Grainger est désormais seul sur une planète morte balayée par les vents, incarnant à la perfection ce destin du parfait homme de légende qui en vient un jour à s’échouer tel un vieux pirate sur quelque île abandonnée, lointain écho à cette histoire inclassable et belle où, tel un Janus abandonné au sort, un homme, échoué et perdu, se raconte et s’oublie un peu. Puis, secouru bien par hasard par une navette attirée par le maigre signale de sa balise, et qui ne le cherchait pas vraiment, il finira par quitter cette planète et vivre la grande aventure avec ses contraintes et ses satisfactions d’employé au long court, Janus réintégré par le Phénix des hommes, fait de métal et d’organique. Après deux ans de solitude, Grainger ne veut compter que sur ses propres capacités, son intuition comme il dit, et cette solitude qu’il a choisit. Mais la destinée a ses propres caprices et les exprime dans votre vie de toutes les manières que ce soit, même les plus fantastiques. Grainger n’est pas si seul que ça.......

Histoire

Un homme se trouve sur une planète déserte autour d’un feu de camp improvisé. Echoué sur cet astre mort avec son copilote, mécanicien de son état, et mort c’est son destin. Grainger n’est plus dès lors qu’un Robinson abandonné aux quatre vents. Son ami mort sur le coup, l’existence de Grainger se résumera à un quotidien banal et difficile, entre les allées et retour de son camp vers la tombe de son ami pour redresser une croix improvisée, geste dérisoire s’il en fut et la fuite dans un passé perdu. Se nourrissant des dernières mornes rations de l’épave de son vaisseau, "La javeline", ou encore de quelque rongeur perdu comme lui en cette terre désolée, Grainger semblait avoir mis entre parenthèses son avenir. Et c’est là qu’il entendra une voix. Légère comme les vents mais profonde comme celle de sa propre conscience, cette voix sera à jamais liée à un destin fait de voyages et explorations, prouesses et découvertes, mais avec ce petit plus qui est un personnage goguenard, commentant sa vie comme dans un simple carnet de route, ou le carnet intime d’un Sartre perdu dans l’espace. Recueilli par un vaisseau de la compagnie Caradoc, il se verra endetté par cette dernière lui demandant de payer son sauvetage. Perdu en une Terre souffrant de désertification, Grainger n’aura plus d’espoir de retrouver un travail jusqu’au jour où une main heureuse lui proposera de reprendre les commandes d’un navire, mais d’un navire bien particulier et pour une mission très spéciale. Un instant rebelle, le baroudeur repartira pour un tour, pensant tromper cette voix qui l’habite et qui deviendra un peu l’ami qu’il n’a jamais vraiment voulu avoir........

Vendredi ou la vie sauvage

Même si cela pourrait être rebutant pour les spécialistes si enclins à ne penser leurs théories que dans un cadre bien particulier de la littérature dite "noble", on pourrait se permettre d’avancer la théorie (c’est bien toujours de cela dont il s’agit dans le fond) que ce récit commence par une "analepse narrative", un emprunt à mon sens necéssaire pour tenter d’expliquer une procédure narrative somme toute assez rares ces derniers temps. Ainsi, en donnant l’impression qu’il recompose l’ordre de succession des événements donnés comme réel (le héros se souvient mais en un présent où tout est déjà arrivé) ,), l’auteur fait montre dans son histoire d’une véritable préoccupation pour la trame d’une histoire qui ne pourra jamais être entièrement séparée, disjointe, de son personnage central, Grainger. En retardant l’annonce "je suis perdu" par le récit de son passé commun avec le défunt, la théorie de Genette s’applique étonnement bien à ce récit à la narration légèrement décalée, pour ne pas dire mise en abîme, pour mettre en "apposition" un monologue qui pourrait se réduire à un carnet de bord du quotidien d’un homme dont l’expérience limite condamnera à une existence double. Ainsi, si Camus devina dans son roman "L’hommes révolté" que le roman a cela de supérieur qui est de "construire du destin sur mesure", le récit de Stableford semble édifier sur les mêmes prédicats narratifs l’histoire d’un homme dont tout semble tracé, écrit et que la venue de cette voix d’ailleurs va synthétiser en un rapport comparable et fataliste à celui posé par la philosophie platonicienne, à savoir, le rapport au Daïmon. C’est peut-être pour cette raison que ce récit datant de plus de trente ans, conserve une force narrative étonnante et une intrigue de fond (la quête d’un navire mythique à bord d’un vaisseaux extraordinaires aux configurations bio-mécaniques) qui tient toujours la route face aux meilleures franchises du moment.
Récit intimiste sous la forme d’un monologue alternant avec des dialogues étonnants de réalisme et de justesse entre le héros et cette voix dont il a hérité sur l’astre qui le voyait condamné, "Le Courant d’Alcyon" nous dévoile une plume sensible toujours accrochée à son personnage principal, sorte d’Ubu sauvé des eaux mais parfaitement digne et autonome. En une odyssée qui évoque autant les voyages extraordinaires de Jules Verne qu’un film comme "Le Salaire de la peur", Stableford surpasse la plupart des oeuvres modernes de science-fiction, pas par une fois de plus ce vieux "Sense of Wonder" qui fera toujours des récits de SF bien autre chose qu’un simple rapport de logistique, mais par ce décalage qui fait que le héros se regarde vivre et agir, tout en commentant dans une espèce de "journal mental intime" son impuissance à aller contre un destin. Et c’est cette renonciation au "moi"qui fera justement sa victoire. Un passage que la prose habile de Stableford parvient sans aucune faille à mettre sur papier.

Janus sur une Terre orpheline

Dans un style tout en justesse des mots et beauté des images mais avec en arrière fond une voix lucide et froide, Stableford nous dévoile un temps où la Terre est désertée par ses habitants, laissant ça et là des ports évoquant ces ports maritimes qui de nos jours sont désaffectés pour cause de cessation de toute activité de fret ou d’entretien. Les derniers résidants vivent au mieux, se nourrissant pour les plus chanceux de produits recomposés, travaillant au jour le jour en fonction des maigres besoins des spatio-ports.
Stableford, par ce cycle fort, brassant allègrement les thématiques de la solitude, de l’oppression des grands groupes industriels et de la "petite mort de la terre", nous conte l’histoire d’une quête bien forcée celle-là, mais qui va se transformer en un récit de la grande Odyssée, l’une de ces odyssées en fait où on perd beaucoup pour gagner quelque chose d’inestimable : s’affranchir de ses dettes tout en profitant du labeur demandé, un sort qui est fort enviable quand on est un lecteur issu de notre réel, les pieds plantés sur terre et la tête dans les étoiles. En un premier volet, Stableford nous conte un récit profondément humain, sans concession, mais tellement plus enviable que nos médiocres dettes parfois contractées malgré nous, sans que l’on puisse y faire quoi que ce soit, les mêmes salauds accumulant toujours les mêmes "salaires de la honte et du racket". Par delà la parabole métaphysico-poétique, ce premier volet est une belle réflexion humaniste sur le pouvoir et du difficile emploi qui est d’être un pilote de nef d’exploration, quand nous sommes liés corps et âmes au vaisseau qui nous transporte. Enfin, si la vision de Stableford est inoubliable, c’est que justement, ce dernier s’est amusé à déplacer le topos classique d’une terre mythique et hégémonique, toujours et encore impérialiste. La Terre du monde de Grainger est un "no man’s land"d’où les polulations s’échappent par migrations succéssives. Le pouvoir s’est scindé en deux dans l’Univers avec d’un côté "La Nouvelle Alexandrie" qui est en quelque sorte une bibliothèque universelle des savoirs de l’univers, et de l’autre La Nouvelle Rome, qui elle figure le centre politique de l’univers entier, légiférant sur Terre comme dans des centaines de mondes. Du moins est-ce le tire qu’elle revendique en un univers où les voyages dans "La Frange" sont un peu le passage des bateaux jadis par le terrible détroit de Gibraltar, avec au-delà le connu et l’inconnu. Grainger se retrouvera donc, tel Janus, à devoir ouvrir les portes du ciel, et par la clarté de nouveaux cieux, croiser le regard d’autres civilisations extraterrestres. L’un des meilleurs Space-Opera du genre et une profonde étude de caractère. A recommander à ceux qui aiment tout simplement la littérature..........

L’Appel
Paul Francis
10/10

Dans cette courte nouvelle, l’auteur tente de nous montrer la folie qui peut dormir au sein des plus parfaits des systèmes. Sur le thème des "élus pour sauver le monde", l’auteur nous brode une société où chacun reçoit un jour "l’Appel". Or, Philippe a 30 ans et tous ses amis sont partis avant lui. Mais son heure est arrivée à present, et en bonne incarnation du précepte biblique voulant que "les derniers soient les premiers", Philippe nous montrera combien il est aisé de commettre des erreurs, et donc de mettre à bas tout un système, aussi logique et parfait fut-il. L’une des meilleures nouvelles de Sf du moment. Une leçon envers tous les cons qui, pensant détenir la solution à tous les problèmes, appliquent à la règle une redoutable et dangereuse idéologie probabiliste. L’histoire ne nous dit pas ce qu’on fait du déviant ? Peut-être un monstre comme celui de "Orange Mécanique" tant est si facile de nos jours de jeter les "jouets cassés qui ne fonctionnent pas comme voulu par la notice". Une puissante mise en récit des fascistes qui s’ignorent......

La Caresse de l’Aube
Jean-Pierre Fontana
8/10

Intéressante variation sur le thème du "péril qu’on n’attendait pas", ce récit, qui aurait mérité plus de concision et de paragraphes pour étendre tout le talent inéstimable de son auteur, nous raconte une bonne histoire de naufragés, une troupe militaire qui, échouée sur une planète inconnue, va voir disparaître un à un les membres de son équipage. Qui a dit que ET pouvait revêtir les vêtements des plus anodines "perspectives paysagistes" ? Un récit surprenant par les aliens qu’il met en scène et une histoire nous disant en somme que nul n’est méchant volontairement........

Le Courant d’Alcyon, Brian Stableford, L’Appel de Paul Francis, La Caresse de l’Aube de Pierre Fontana, Eons Futurs, traduit de l’anglais par Bruno Martin, Couverture de Daniel Capparelli, 247 pages, 15.70 €.





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