9/10
Que ce soit seul ou « à quatre mains », Clive Cussler ouvre ses romans avec un événement historique en prologue. En général, il s’agit d’une catastrophe, d’un accident aux causes restées mystérieuses. C’est au cours de l’aventure où sont projetés Dirk Pitt ou Kurt Austin que ceux-ci découvrent des éléments qui éclairent tout ou partie du mystère.
Pour Glace de Feu, l’intrigue débute à Odessa, dans un contexte de révolution. Tovrov, le capitaine d’un vieux charbonnier reçoit une grosse somme pour prendre à son bord, dans le plus grand secret, un groupe à mener jusqu’à Constantinople, sa destination. Mais l’Étoile d’Odessa sombrera, malgré la défense de gardes cosaques, sous des coups d’obus dans une nuit épaisse.
L’auteur revient à notre époque sur les côtes du Maine. Jenkins Leroy un ancien universitaire, spécialiste des questions océanographiques, relève ses nasses à homards. Soudain, son bateau tangue sur une houle gigantesque : il comprend qu’il a affaire à un tsunami qui se dirige vers le port. Il demande par radio, à son ami le shérif, de faire évacuer les zones susceptibles d’être submergées. Pendant ce temps, en mer Égée, un « scientifique » s’empare d’un sous-marin nucléaire d’observation de la marine des USA.
... et Kurt Austin est en mer Noire avec l’Argo, un navire de la NUMA. Parti en ULM à la recherche d’une équipe de télévision, il intervient de façon musclée pour les tirer des griffes de cavaliers cosaques. Entrent en scène, alors, un ancien du KGB, un adversaire régulier de Kurt ; Mikhail Razov un magna de l’industrie minière ; Boris son gourou, un individu illuminé oscillant entre le moine ascétique et le sybarite meurtrier.
Razov, qui prétend descendre des Romanov, veut prendre le pouvoir en Russie pour redonner à la nation sa pureté d’origine. Il dispose de moyens colossaux et de la maîtrise des gisements de méthane à l’état solide, capables de déclencher des raz-de-marée ciblés et meurtriers.
Kurt, mêlé à l’affaire, reconstitue son équipe des missions spéciales et...
L’auteur place une fois encore le cadre de son roman, dans son unique domaine de prédilection : l’univers marin avec toutes ses composantes. Cependant, il apporte, en plus de l’action et d’une intrigue fort bien troussée, une véritable information sur le monde océanographique, que ce soit par l’utilisation de matériels, par les ressorts de l’intrigue ou les situations romanesques dans lesquelles il place ses personnages. ... et il sait de quoi il parle ! Par exemple, les quatre pages qu’il consacre au phénomène du tsunami, (écrites en 2002) leurs origines et les ravages déjà causés nous en apprennent bien davantage qu’une semaine entière de télévision. (Après Noël) Une autre base de l’intrigue concerne les gisements d’hydrate de méthane dont les estimations tournent autour du : « double des réserves connues de charbon, pétrole et gaz naturel réunis. » Cependant, les molécules, prises dans la glace, d’où le nom qui fait le titre du livre, sont extrêmement instables et leur exploitation industrielle n’est pas encore possible.
Clive Cussler a du goût pour l’action. Celle-ci est omniprésente pour des personnages choisis avec soin, que ce soit les héros ou les seconds rôles. Lors de la co-écriture avec Paul Kemprecos, c’est Kurt Austin qui prend le devant de la scène, mais le cadre reste celui de la NUMA. Ainsi, les deux univers romanesques se rejoignent car on retrouve alors tout le staff habituel de l’organisation : Sandecker, Julien Perlmutterer... On peut le regretter ou l’apprécier selon les cas.
Si l’écriture de scénario, au vu de celui du film Sahara, n’est pas un domaine où Clive Cussler excelle, il faut reconnaître que pour la construction de romans d’aventures maritimes grandioses teintés de fantastique et d’anticipation, il mérite tout à fait la place d’honneur qui lui est faite.
Glace de feu remplit sa mission avec brio, malgré quelques petites invraisemblances. Par exemple, Kurt, en pleine bataille, fait plonger son ULM sur les attaquants. Il est touché au front et prend le temps, alors, d’attacher son foulard autour du front pour stopper l’hémorragie. Ce livre qui colle à l’actualité, dépayse et apporte un bon moment de détente à suivre une intrigue qui est prenante. ...même si l’on sait que les héros ne meurent jamais ! Toutefois, n’est-ce pas le summum de l’art romanesque que, sachant cela, des auteurs puissent encore nous faire trembler pour la vie de leur héros ?
Apparemment on n’a pas à craindre l’arrêt de la série par abandon de l’auteur, car la suite s’organise et l’après Clive semble déjà assurée. À suivre !
Serge Perraud
Glace de Feu, (Fire Ice 2002) Clive Cussler avec Paul Kemprecos, Grasset collection Grand Format - thriller, mars 2005, 424 pages, 19,90 €