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Mêlant réflexion scientifique, politique et sociale, Les Hommes dénaturés est l’un des bons romans de la rentrée. Il a de plus le mérite de remettre Nancy Kress, une auteure encore trop méconnue en France, à l’honneur.
Elle dépeint ici une société ravagée par la stérilité, vieillissante, où les couples sont prêts à tout pour obtenir un enfant. Profitant de ce contexte, des laboratoires clandestins ont mis au point une technique, parfaitement illégale, qui leur permet de greffer des mains et des visages humains sur des chimpanzés, qui sont revendus à prix d’or au marché noir. Le roman met en scène trois personnages, dont le point de vue est adopté alternativement : Shana Walders, une jeune soldate qui a découvert par hasard cette monstruosité et qui est mise à pied pour avoir voulu révéler ce scandale aux autorités ; Cameron Atuli, un danseur qui a subi une opération destinée à lui oblitérer la mémoire mais dont le visage se retrouve dupliqué sur les bébés-chimpanzés ; et Nick Clementi, un vieux médecin mourant qui commet l’imprudence de croire au récit extravagant de Shana Welders. Ce trio atypique et attachant va se lancer dans une enquête minutieuse, afin de faire éclater la vérité.
Dans ce roman bien construit et mouvementé percent des problèmes, éthiques en particulier, qui touchent de près notre société. Mais loin de la dénonciation grossière, Nancy Kress nous livre ici une réflexion fine, qui envisage la question sous tous les angles. La narration alternée se révèle d’ailleurs très efficace puisque chaque protagoniste a des motivations et un caractère bien différents. Cela permet aussi de visiter des univers intérieurs riches - celui du danseur amnésique en particulier, paradoxalement. Devant ce subtil mélange, on ne peut donc que s’incliner.
Nancy Kress, Les Hommes dénaturés, Flammarion (Imagine), 262 p., trad. de l’anglais par Jean-Marc Chambon
Marie-Laure Vauge