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Sommaire - BD -  Reality Show : T.3 - Final Cut


"Reality Show : T.3 - Final Cut " de Jean-David Morvan et Francis Porcel


9,5/10

De nombreux auteurs ont rêvé d’un monde où les robots auraient remplacé l’homme dans tout ce est pénible, répétitif, inintéressant... Le « bon » Asimov a même été jusqu’à créer les lois d’une société idéale de robots. La première et la plus célèbre étant : « Un robot ne peut porter atteinte à un être humain ni, par son inaction, permettre qu’un être humain ne soit blessé. »

Le présent univers imaginé par J.-D. Morvan s’inspire directement de ce concept. Les humains, remplacés par des robots, se sont transformés en téléspectateurs passifs, permanents, pour suivre en direct les aventures de ceux qui exercent encore les seuls métiers possibles : flics et militaires. Leurs enquêtes sont enregistrées par une bardée de caméras. Norman K. Barron est une vedette. Il a quarante ans, une belle prestance et l’art de se trouver sur les affaires les plus brûlantes, celles qui font un maximum d’audimat.
Cette fois, il doit faire face à des meurtres en série, des meurtres perpétrés par une créature qui sème la terreur. Il perd son équipier, vite remplacé par Oshii, une jeune femme. Celle-ci va vite faire la différence entre le suivi des émissions devant son poste et le quotidien d’une traque. D’autant plus que Triangle Rouge, le code donné au criminel, se distingue par une cruauté sans borne et une absence de cohérence dans le choix des victimes.
Dans Final Cut, Oshii découvre deux éléments essentiels qui lui avaient échappé dans le feu de l’action : des traces d’un métal inconnu sur Terre sont retrouvées sur les cadavres et le fait incompréhensible que constitue la non-intervention des robots lors des assassinats.
Pourtant, ceux-ci, dans la vie quotidienne, surviennent immédiatement. Elle en fait le constat lorsqu’elle renverse sa tasse de café brûlant. L’enquête passe alors à un stade plus réfléchi, moins trépidant, ce qui ne fait pas du tout l’affaire de Gullick, le patron de Mediacop, qui craint la baisse de l’audimat.
Pourquoi un robot ne chercherait-il pas à se procurer ce qui lui manque pour être l’égal de ses maîtres ? Tout devient alors possible, ...même le pire ! Et puis, diront les cyniques : « Une loi n’est-elle pas faite pour être contournée ? »

Morvan, avec un scénario inventif, a voulu montrer ce que peuvent devenir les médias lorsqu’elles ne cherchent qu’à flatter les bas-instints des contemporains. S’appuyant sur des situations qui existent déjà aux USA, terre de toutes les outrances, il force un peu le trait (vraiment ?) et décale légèrement dans le temps des situations qui donnent la chair de poule, qui effraient, tant elles sont plausibles. Ces nouveaux jeux d’un cirque électronique amènent à se poser nombre de questions sur la capacité des foules à perdre toute notion d’éthique et à accepter la banalisation de l’horreur. D’aucun penseront ; « Bah ! ce n’est qu’un scénario de BD ! » À voir !
Ce texte est porté par un dessin vibrant, énergique dynamique, à la mise en page tonique d’un jeune dessinateur qui fera parler de lui. En effet, à vingt-cinq ans, posséder une telle qualité de trait, le sens de la mise en scène, l’art du mouvement (voir la grande lutte finale), laissent supposer un bel avenir.
Une superbe trilogie qui perd cependant de son « agressivité » dans les dernières pages avec un happy end trop sentimental. C’est également un bel hommage de J.-D. Morvan à Normand Spinrad et à son « Jack Barron et l’éternité », un très bon roman de 1969, bien prémonitoire sur les rapports de force, sur la lutte pour le pouvoir entre argent et télévision.

Serge Perraud

Reality Show : T.3 - Final Cut, scénario de Jean-David Morvan, dessin de Francis Porcel,
Dargaud, avril 2005, 48 pages, 13 €




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